Le 5 janvier 1895, le capitaine Alfred Dreyfus, accusé de trahison envers la France, est publiquement dégradé dans la cour de l’École militaire à Paris. Ce moment humiliant marque l’entrée de l’affaire Dreyfus dans l’histoire. Ce scandale va profondément diviser la France et devenir un symbole de lutte contre l’antisémitisme à la fin du XXe siècle. Retour sur cette affaire qui a bouleversé la IIIe République.
L’accusation sans fondement d’Alfred Dreyfus
En septembre 1894, un bordereau est découvert à l’ambassade d’Allemagne à Paris. Ce document, censé contenir des informations militaires confidentielles, est attribué à Alfred Dreyfus, un officier juif d’origine alsacienne. L’enquête, menée dans un contexte de méfiance exacerbée envers les Juifs après la défaite de 1870, se focalise sur Dreyfus, malgré l’absence de preuves.
Les enquêteurs se basent ainsi sur une expertise graphologique (N.D.L.R : une pseudo-science censée interpréter une écriture manuscrite) qui conclut, sans la moindre certitude, que l’écriture du bordereau pourrait correspondre à celle de Dreyfus. Le procès, mené à huis clos en décembre 1894, se termine rapidement : Alfred Dreyfus est condamné à la déportation à vie et à la dégradation militaire.
La dégradation publique du 5 janvier 1895
Le matin du 5 janvier, Alfred Dreyfus est conduit dans la cour de l’École militaire devant un rassemblement de soldats et de journalistes. Sous les huées de la foule, ses galons, ses insignes et son épée sont détruits. Tout au long de la cérémonie, Dreyfus proclame son innocence avec force :
« Je suis innocent ! Vive la France ! »
Mais ses protestations sont ignorées et le militaire dégradé est envoyé à la prison de l’île du Diable, en Guyane française, où il restera dans des conditions inhumaines. L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais plusieurs événements relancent le sujet.
En effet, en 1896, le colonel Picquart, nouveau chef du service de renseignement, découvre que le véritable auteur du bordereau pourrait être le commandant Ferdinand Esterhazy. Cependant, ses supérieurs tentent d’étouffer l’affaire pour protéger la hiérarchie militaire. Picquart est même éloigné de son poste. Malgré ces manœuvres profondément iniques, la famille Dreyfus et quelques intellectuels continuent de clamer son innocence. En janvier 1898, Esterhazy est jugé et acquitté lors d’un procès expéditif et douteux, accentuant les soupçons de manipulation judiciaire.
L’affaire devient publique : « J’accuse… ! »
Le 13 janvier 1898, l’écrivain Émile Zola publie une lettre ouverte intitulée « J’accuse… ! » dans le journal L’Aurore. Adressée au président de la République Félix Faure, cette lettre dénonce la condamnation de Dreyfus comme une injustice fondée sur l’antisémitisme et la corruption au sein de l’armée. Zola y nomme explicitement les responsables du complot et accuse l’État d’avoir sacrifié un innocent.
Cet article fait l’effet d’une bombe et polarise très fortement l’opinion publique. Les intellectuels, les républicains et les défenseurs des droits de l’homme se rangent du côté des « Dreyfusards », tandis que les conservateurs, les nationalistes et les antisémites forment le camp des « antidreyfusards ». L’affaire dépasse désormais le cadre judiciaire pour devenir une lutte idéologique.
Le procès en révision et la grâce présidentielle
Sous la pression de l’opinion publique et des preuves de plus en plus accablantes contre Esterhazy, la Cour de cassation accepte de rouvrir le dossier. En 1899, Alfred Dreyfus est ramené en France pour un nouveau procès devant un tribunal militaire à Rennes. Malgré les preuves de son innocence, il est de nouveau condamné, mais cette fois à dix ans de détention avec sursis, dans ce qui apparaît comme un compromis pour éviter de désavouer l’armée.
Face au tollé, le président Émile Loubet accorde une grâce présidentielle à Dreyfus en septembre 1899. S’il est libéré, il reste officiellement coupable aux yeux de la justice, ce qui est inacceptable pour ses partisans. Il faudra donc attendre 1906 pour que la vérité ne triomphe finalement. Après une enquête approfondie, la Cour de cassation annule le jugement de Rennes et réhabilite Alfred Dreyfus. Il est réintégré dans l’armée avec le grade de commandant et reçoit même la Légion d’honneur.
Cependant, les cicatrices laissées par l’affaire Dreyfus sont profondes. Cette affaire mit en lumière les fractures de la société française : antisémitisme, divisions politiques entre républicains et nationalistes, dysfonctionnements judiciaires… Cette histoire reste aujourd’hui comme un symbole de la lutte pour une justice plus rigoureuse et pour l’application des Droits de l’Homme.
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