Après un Captain America : Brave New World en demi-teinte, le nouveau volet du Marvel Cinematic Universe (MCU) débarque ce mercredi 30 avril 2025 dans les salles obscures. Réalisé par Jake Schreier, Thunderbolts se concentre sur les laissés-pour-compte de l’univers Marvel. Les gueules cassées, les loosers éternels, à savoir le Red Guardian (David Harbour), Yelena (Florence Pugh), Ghost (Hannah John-Kamen) et John Walker (Wyatt Russell). Thunderbolts a aussi la lourde tâche d’introduire Sentry dans le MCU. Mais alors, que vaut ce nouveau tour de piste Marvel ?
Thunderbolts : le premier Marvel qui parle de santé mentale
On ne va pas passer par quatre chemins, Thunderbolts est une agréable surprise. Marvel parvient à donner une véritable humanité et des ressorts émotionnels profonds à des personnages secondaires qu’on n’avait pas forcément envie de revoir. Étonnement, Jake Schreier parvient à faire de ces seconds couteaux du MCU des personnages majeurs, développés, avec une épaisseur et des fondements émotionnels profonds. Comme souvent avec Disney, c’est lorsque les productions se concentrent sur des personnages moins importants que les produits sont qualitativement supérieurs (le meilleur exemple reste encore Andor).
Un nouvel opus qui s’éloigne un peu de la recette habituelle du MCU. Ici, il y a moins de blagues, moins de ruptures de ton qu’à l’accoutumée. Thunderbolts parvient à insérer dans son récit des pérégrinations plus profondes, plus psychologiques et davantage développées que dans la plupart des volets de la franchise. Sa qualité première, ce sont ses personnages. Dès la séquence d’ouverture, le ton est posé. Thunderbolts va parler de santé mentale.
Parce que nos héros, ne sont pas vraiment des héros, mais ce ne sont pas non plus des vilains, ni même des anti-héros. Ce sont des loosers magnifiques à la manière des personnages des frères Coen. Des protagonistes paumés, perdus, à la recherche d’un but, d’un équilibre, d’une quête. Ce sont des héros totalement déconnectés de la réalité, qui ont été traumatisés par leur enfance, par leur passé, et qui cherchent à fuir leurs démons. En ça, les personnages de Thunderbolts sont beaucoup plus humains que n’importe quels autres héros du MCU. Les problématiques sont à échelles humaines, et ce malgré une menace à l’impact cosmique. Où comment développer l’intime dans une histoire à plus grande échelle : le MCU.
La trajectoire de ces protagonistes est passionnante. Thunderbolts aborde sans filtre, sans détour, des thématiques ultra modernes autour de la santé mentale. Quelle est ma place dans ce monde ? Quel est mon but ? Comment atteindre le bonheur ou ne serait-ce qu’une forme d’équilibre ? Pourquoi suis-je triste, blasé, dépassé ?
Par le biais de la solitude, de l’angoisse de l’abandon, de la maltraitance infantile, des rapports paternels conflictuels, et même par le biais de la bipolarité, Thunderbolts est un regard moderne sur la dépression contemporaine. Des sujets universels, auxquels le public généraliste pourra aisément s’identifier. Des problématiques humaines abordées avec une forme de bienveillance et de compréhension qu’on ne s’attendait pas à rencontrer ici.
Le récit se concentre ainsi sur des personnages décomposés, abîmés, qui cherchent à se reconstruire par tous les moyens possibles. Des questionnements psychologiques passionnants qui apportent les bonnes questions, mais aussi les bonnes réponses. Le film parvient même à atteindre quelques fulgurances émotionnelles comme dans cette séquence de dialogue précise et équilibrée entre Red Guardian et Yelena.
De même, lorsque nos personnages se libèrent de leurs chaînes, de leurs démons, de leurs regrets, il se passe incontestablement quelque chose de pur, de sain, et de vraiment poignant à l’écran. Ou comment la notion même de rédemption prend tout son sens, et pas uniquement à travers une représentation physique des enjeux, mais surtout à travers une représentation morale et intellectuelle des personnages.
Quid de Sentry ?
Le questionnement principal de ce Thunderbolts était le traitement de Sentry. Personnage complexe et passionnant des comics, on avait très peur de ce que Marvel Studios allait proposer avec cette figure iconique. Là encore, on est rassurés. Le traitement de Sentry offre une forme de distance bienvenue. Personnage principal de l’intrigue, sa puissance démesurée n’est jamais un problème au sein du récit. On voyait mal comment les Thunderbolts, des personnages pour la majorité sans pouvoir, allaient bien pouvoir se mesurer à l’un des personnages le plus puissant de toute La Maison des Idées.
Jake Schreier détourne le problème, en se concentrant, là aussi, sur une dimension émotionnelle. Le personnage de Sentry est abordé par le spectre de la psychologie. Figure bipolaire (littéralement), Thunderbolts parvient parfaitement à représenter la collision, l’affrontement permanent, qui s’insinue dans l’esprit de Bob Reynolds depuis des années. La relecture du personnage est presque parfaite, et Jake Schreier a totalement compris son matériau de base. Bien plus qu’un simple Superman névrotique, Sentry est un visage ambigu, malade, ambivalent, ni méchant, ni gentil, simplement à la recherche d’une forme d’apaisement. Compliqué quand on possède la puissance de 1000 soleils en fusions.
La radicalité du propos, le cheminement de pensée de ce personnage, son rapport aux autres, est une pure représentation de la bipolarité. C’est passionnant et tellement rafraîchissant au sein d’un MCU de plus en plus paresseux. Une approche qui sied parfaitement à la représentation de Sentry dans les comics. L’antagoniste s’insère à la perfection dans un récit qui dépasse en permanence la dichotomie redondante du bien et du mal.
Là encore, Sentry parvient tantôt à insinuer dans l’esprit des spectateurs une profonde peur, crainte, angoisse, tantôt une empathie indispensable à l’équilibre du personnage. Et même si Thunderbolts est un peu trop sage dans la représentation de la violence et du mal-être psychiatrique de son antagoniste, force est de constater la réussite de Sentry et la hâte qu’on a à le recroiser.
Un peu trop sage ?
On regrette que Thunderbolts soit soumis aux cahiers des charges de Marvel Studios. Et même si Jake Schreier a une réelle forme de liberté dans son approche, surtout thématique, Thunderbolts est bridé par l’univers étendu auquel il appartient. La figure de Sentry manque parfois de noirceur et de violence.
Deux défauts inhérents au personnage. Même si les mises à mort proposées par Sentry sont d’une froideur à glacer le sang. La représentation de Void est à la fois simple, mais efficace. Sans fioriture, Thunderbolts parvient à s’approprier le personnage sans tomber dans le piège de l’excentricité et de la surenchère. Pour autant, à cause de ce postulat, le personnage est parfois assez difficile à iconiser.
Thunderbolts aurait également gagné en maturité si Jake Schreier avait proposé un traitement de la violence plus adulte. De même, certaines situations, certaines résolutions d’intrigues sont trop juvéniles pour emmener le film dans une autre strate que le simple divertissement hollywoodien calibré. De même, on a parfois l’impression que Thunderbolts survole son sujet, et n’a ni le temps, ni l’espace pour réellement doser son rythme. Thunderbolts prend son temps, mais n’avance finalement pas beaucoup. L’intrigue se déroulant simplement sur quelques heures, parfois, un peu, comme une longue bande-annonce.
En plus d’être un divertissement efficace, Thunderbolts aborde des questionnements passionnants autour de la santé mentale, par le biais de la solitude, de l’angoisse de l’abandon, de la rédemption et de la bipolarité.
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