Pentagon Papers, les articles de la honte pour la politique américaine

Victor Adan
Victor Adan
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Le 18 juin 1971, le Washington Post commence à publier une série d’articles désignés par le terme Pentagon Papers. Divulgués par Le New York Times, puis le Washington Post, les documents mettent en avant l’implication politique et militaire des États-Unis dans la guerre du Vietnam depuis 1955.

Daniel Ellsberg, le lanceur d’alerte

Alors que le pays est en pleine guerre du Vietnam (1955-1975), un lanceur d’alerte divulgue à la presse des informations top secrètes. Cet énorme document de 7000 pages deviendra des articles publiés d’abord par le New York Times, puis le Washington Post.

Ces papiers sont donnés aux rédactions par un lanceur d’alerte et analyste nommé Daniel Ellsberg. Collaborateur du département de la Défense, il fut notamment l’un des rédacteurs du rapport McNamara (secrétaire à la Défense). Il occupe un poste à la Rand Corporation, où il a accès à l’étude et a photocopié certains documents. Il est décidé à ce que l’affaire soit révélée, qu’importe le média. Ce dernier sera renommé « L’homme le plus dangereux d’Amérique » par le responsable de la diplomatie américaine, Henry Kissinger.

Le premier lanceur d'alerte des Pentagon Papers, Daniel Ellsberg - Cultea
Le premier lanceur d’alerte de l’Histoire, Daniel Ellsberg.

Il apporte alors les documents au New York Times qui en publie 3 articles. Ces derniers veulent en publier plus, mais ils sont censurés, muselés, par le gouvernement Nixon. Indigné par cela, Benjamin Bradlee, rédacteur en chef du Washington Post, veut à tout prix les documents. Il remue ciel et terre pour les avoir, et finit par obtenir une copie.

Le Washington Post

L’équipe du Washington Post transforme alors la bibliothèque en lieu de travail spécialisé sur les Pentagon Papers. Là-bas, ils lisent et décryptent des milliers de feuilles assemblées dans le désordre. Un travail de longue haleine !

Au Washington Post, le service juridique s’oppose catégoriquement à la publication d’articles sur le sujet. La décision finale revient à Katharine Graham. La fille du racheteur du Washington Post, Eugene Meyer, devient la patronne du journal quand son époux se suicide. Elle est notamment l’une des premières femmes à prendre la tête d’un groupe de presse.

Elle est proche du pouvoir, et si elle choisit d’entamer une suite d’articles sur le sujet, elle prend de gros risques. L’avenir du Washington Post peut être mis en péril. Mais elle décide de transgresser l’ordre émis par la Cour à l’encontre du New York Times. Elle publie les articles.

Katharine Graham, patronne du Washington Post au moment des Pentagon Papers - Cultea
Katharine Graham, patronne du Washington Post au moment des Pentagon Papers. / ©Robert R. McElroy

Les « Pentagon Papers »

Au fil des jours, les articles sortent. Nommés les « Pentagon Papers », ils pointent des problèmes relatifs à la guerre du Vietnam. Les articles se basent alors sur un grand nombre de documents tirés d’une affaire officieuse de Robert McNamara. Ce dernier avait fait effectuer cela par le service du Pentagone et de la C.I.A. en 1967.

Lourd de 7000 pages, le texte met en avant l’implication politique et militaire du pays dans la guerre du Vietnam depuis 1955 (de Dwight D. Eisenhower à Richard Nixon). Le texte expose le fait que les Etats-Unis ont alors intensifié et prolongé le conflit au Vietnam. Et cela, même si Lyndon Johnson (président de 1963 à 1969) savait que la guerre était perdue depuis 1965.

Tout pour la guerre

Le gouvernement aurait délibérément généralisé la guerre, et cela sans que le Congrès soit au courant. Le président Johnson avait préparé les bombardements aériens. Il en avait en effet donné l’ordre au Pentagone dès le début de 1964, c’est-à-dire quelque temps avant l’incident de la Baie de Tonkin qui marqua le début du conflit. Le pouvoir américain utilisa cet événement pour justifier tout ce qu’il allait ensuite entreprendre.

Au moment où Johnson donne ces ordres, il est en campagne électorale contre Barry Goldwater. Ce dernier veut le bombardement du territoire nord-vietnamien. Johnson s’y dit opposé, et pourtant, il fera le contraire avec cet ordre. Il trompe alors de façon totalement délibérée ses électeurs et le Congrès !

Guerre du Vietnam - Cultea
Guerre du Vietnam.

De plus, nous apprendrons que des opérations militaires ont été déclenchées au Laos dès 1964. Des attaques qui, elles aussi, se sont déroulées bien avant les incidents entre torpilleurs nord-vietnamiens et destroyers américains à la Baie de Tonkin.

Nixon, quant à lui, au nom de l’endiguement du communisme, bombardera le Cambodge et poussera encore plus la guerre du Vietnam. Tous autour de lui l’alertaient que cette guerre était ingagnable. On dénombre entre 405 000 et 2 millions de civils tués lors de cette guerre, ainsi que plus de 320 000 soldats morts. En tout, c’est 8% de la population vietnamienne qui meurt à cause de ce conflit. Les « Pentagon Papers » viennent mettre en avant les choix politiques désastreux des présidents américains lors de cette guerre.

Lorsque le premier article sort le 18 juin 1971, le département de la Justice demande une injonction. Celle-ci est refusée. Il fait appel et la Cour établit finalement le 30 juin que les injonctions ne respectent pas la Constitution. Les charges contre Daniel Ellsberg sont abandonnées.

 

Sources :

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Après ma licence en Information-Communication, j'ai commencé un master en journalisme à l'ISCPA. Actuellement, je suis en deuxième année de Master. Je suis passionné de culture, et aime écrire dessus.
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