Lutte du Larzac en France : les actions non-violentes des paysans

Lutte du Larzac en France : les actions non-violentes des paysans

On connaît tous le mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, symbole de la désobéissance civile et de la non-violence. Mais en France aussi nous avons connu un mouvement de désobéissance civile non-violente. En effet, il y a tout juste cinquante ans, démarrait la célèbre lutte du Larzac qui dura dix longues années. Chez Cultea, on vous explique cette lutte qui prit une ampleur phénoménale.

Projet d’extension du camp militaire

En 1971, le ministre de la Défense Michel Debré et son secrétaire d’Etat André Fanton dévoilèrent le projet d’étendre le camp militaire du Larzac, situé dans l’Aveyron. Le camp devait donc passer de 30 km² à 170. Les politiciens défendirent ce choix comme étant économiquement positif pour cette région très peu peuplée. Toutefois, cela impliquait l’expropriation de nombreuses familles d’agriculteurs.

Projet d'extension du camp du Larzac - Cultea

André Fanton déclara :

« Qu’on le veuille ou non, la richesse agricole potentielle du Larzac est quand même extrêmement faible. Donc je pense qu’il était logique de considérer que l’extension du Larzac ne présentait que le minimum d’inconvénients. Alors la contrepartie c’est le fait qu’il y a quand même quelques paysans, pas beaucoup, qui élevaient vaguement quelques moutons, en vivant plus ou moins moyenâgeusement, et qu’il est nécessaire d’exproprier. »

Le début de la lutte du Larzac

Les agriculteurs locaux affirmèrent que les chiffres du gouvernement étaient faux. En effet, ils doutaient des retombées positives décrites par le gouvernement et s’engagèrent donc dans une protestation. La première manifestation d’envergure eut lieu cette même année à Millau, où 6 000 personnes se rassemblèrent. Les Paysans du Larzac fondèrent les bases de leur lutte et leur solidarité dans un serment, le Serment des 103. Malgré les divergences et désaccords, 103 paysans sur les 108 concernés par l’extension du camp signèrent cet accord en mars 1972.

Lutte du Larzac, affiche de 1971 - Cultea
Affiche de 1971

Un groupe très hétéroclite qui s’organisa

Le groupe des 103 agriculteurs était très hétéroclite, rassemblant les vieilles familles d’agriculteurs, mais aussi les jeunes gens, nouveaux exploitants, qui venaient des villes. Les paysans furent ensuite rejoints par des militants de tous bords politiques, comme les agriculteurs chrétiens, les nationalistes occitans, les hippies, les féministes et bien d’autres. Le mouvement s’agrandit donc. Lors de la fête nationale de 1972, 20 000 personnes et 70 tracteurs manifestèrent à Rodez. Le terme « Larzac » est lui-même devenu un terme identitaire à l’époque, décrivant une communauté engagée contre de nombreux projets. Par ailleurs, on créa 150 « Comités Larzac » en 1975 dans toute la France pour démultiplier les actions et le soutien au mouvement.

Des rassemblements très populaires

Lutte du Larzac - Cultea

En août 1973 eut lieu le plus gros rassemblement de personnes de la lutte du Larzac jusqu’alors. Entre 60 000 et 100 000 personnes venant de la France entière et d’Europe se rallièrent pour la première fois dans le Larzac. Plusieurs représentants étrangers luttant dans d’autres pays se joignirent au groupe, comme deux représentants de l’Armée républicaine irlandaise (IRA). Ce rassemblement prit place l’année suivante, en 1974, mobilisant encore plus de monde. Ces grands rassemblements s’apparentaient à des festivals. En effet, la fête et l’humour étaient efficaces pour encourager l’énergie et la solidarité.

Les différentes actions non-violentes

Manifestations sur des tracteurs en Larzac - Cultea

En mai 1972, les Paysans du Larzac firent le choix des actions non-violentes comme façon de résister. Toutefois, la lutte se déroula au jour le jour, au gré des opportunités, sans stratégie vraiment établie. La lutte se fit connaître par ses actions très originales et imaginatives.

Outre les rassemblements mentionnés, l’occupation du terrain et des jeûnes réguliers prirent place dès 1972. De plus, dans la continuité de la fête nationale de 1972, des marches et des manifestations furent également organisées dans la région et à Paris. On construisit aussi des bergeries, sans permis, sur les terres agricoles.

Bergerie construite sans permis dans le Larzac - Cultea

On lança également des actions dites « spectaculaires ». Ainsi, les agriculteurs amenèrent 60 brebis brouter sous la tour Eiffel et au sein du Tribunal de Millau. Soixante-dix personnes de la région campèrent également sous l’emblème parisien. La police finit par les évacuer, puis ils investirent une péniche sur la Seine. Les Paysans du Larzac mirent aussi en place des actions de désobéissance civile pour provoquer les autorités et accroître le soutien. Les militants renvoyèrent notamment leurs livrets militaires, qui constituaient une pièce d’identité pour les hommes à l’époque.

Les brebis sous la tour Eiffel - Cultea

L’importance de l’opinion publique dans la lutte du Larzac

Toutes ces initiatives étaient en direction de l’opinion publique et dans le but de rallier un maximum de gens à la cause. Le mouvement eut toujours en tête l’importance de son image. Les paysans accueillirent donc souvent des journalistes. Ils firent également attention à toujours affirmer les mêmes objectifs et de ne pas créer de polémiques entre eux. La répression, qui consista en quelques arrestations et procès, était elle aussi utilisée pour renforcer la sympathie envers la lutte. Les procès débouchèrent sur des condamnations avec sursis ou des amendes.

Cette lutte si originale qui débuta en 1971 se solda par l’abandon du projet en 1981. Cela fit suite à une décision de François Mitterrand, tout juste élu à l’époque. Il décida de mettre fin au projet d’extension, après dix années de résistance et de nombreuses initiatives des Paysans du Larzac.

Lutte du Larzac - Cultea

La lutte du Larzac a donc été un mouvement de désobéissance civile non-violente inédit en France, bien que souvent oublié aujourd’hui. Il dura une décennie, fut une réussite et impacta le monde agricole autant que le militantisme français.

 

Sources :

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