L’expédition de Shackleton : l’odyssée de marins naufragés en Antarctique

L'expédition de Shackleton : l'odyssée de marins naufragés en Antarctique

Le XXe siècle se caractérise par la course aux pôles, les derniers territoires inexplorés des hommes. Sir Shackleton n’est pas celui qui découvrira le pôle Sud. Néanmoins, ce dernier compte bien être le premier à traverser l’Antarctique. Malheureusement, la mission ne se passera pas comme prévu. Celle-ci entraînera Shackleton et ses marins dans un périple de 630 jours, piégés par les glaces.

Earnest Shackleton est un aventurier irlandais. C’est en 1914 que ce dernier annonce vouloir réaliser l’exploit de traverser l’Antarctique : la dernière chose exceptionnelle qu’il reste à réaliser dans la course aux pôles – le pôle Sud ayant déjà été découvert par un Norvégien, en 1911. L’intérêt porté à cette expédition est de taille. Ce sont plus de 5 000 candidatures que l’aventurier reçoit et il n’en gardera que 26. Ainsi, le 8 août 1914, l’équipage de 27 hommes part pour sa mission à la fois historique et scientifique.

L’Endurance, prisonnier de la glace

Les hommes ont pris la mer il y a cinq mois. Les conditions sont rudes et la glace rend la traversée de l’Endurance compliquée. L’eau gèle autour du bateau et les marins sont obligés de descendre pour casser la glace. De fait, la banquise pose très vite problème au navire, qui n’est pas adapté pour ces conditions maritimes. Ainsi, Shackleton et son équipage tentent tant bien que mal d’avancer : ils lancent le bateau à pleine vitesse contre la glace, afin de fendre la banquise. Malheureusement, le 19 janvier 1915, l’Endurance est officiellement pris au piège par l’eau glacée et dérive ainsi avec le pack.

Pendant 1 mois, le navire dérivera, piégé dans cette mer de glace. Il devient une véritable station d’hiver. Malheureusement, dès mai 1915, l’Endurance fait face à de terribles pressions exercées et le bateau est soulevé d’un mètre cinquante. Il penche désormais dangereusement à 30° à bâbord. Le 23 octobre, le bordage à tribord est arraché et des voies d’eau s’ouvrent. Cela devient trop dangereux de rester ici et, quatre jours plus tard, l’équipage est contraint d’abandonner le navire, broyé par la glace et petit à petit englouti par sa future tombe gelée.

« Les forces débordantes de la nature travaillaient. […] Dans ce monde étrange, nous étions des intrus, tout à fait impuissants ; notre vie était le jouet de forces primitives et brutales qui se moquaient de nos faibles efforts. »

Earnest Shackleton dans son carnet de bord

L'expédition de Shackleton : l'odyssée de marins naufragés en Antarctique - Cultea
L’Endurance broyé par les glaces, sur le point de couler en novembre 1915.

Shackleton avait anticipé le fait que son navire allait sombrer, alors l’évacuation se fit sans problème. Les marins installeront leur premier campement à quelques centaines de mètres de l’Endurance. Ils sauvèrent ce qui put être sauvé et emmenèrent avec eux trois embarcations. Le navire se brise petit à petit, tandis que les marins assistent à ce triste spectacle.

Le début du périple de Shackleton et ses hommes

Une expédition difficile

Les hommes de Shackleton peinent à avancer dans ce désert de glace. La route est longue et laborieuse et ils finissent par établir leur premier camp, le Ocean Camp, dans lequel ils séjourneront deux mois en attendant de meilleures conditions pour avancer. Le 21 novembre 1915, l’Endurance coule définitivement sous les yeux des naufragés. Un mois plus tard, l’équipage tente de rallier l’île Paulet. Ils marcheront la nuit et dormiront le jour. Malheureusement, les hommes n’ont progressé que de 18 kilomètres en une semaine. Leur avancée est bien trop lente, en raison du terrain jugé impraticable. Puisqu’ils estiment qu’à cette vitesse il leur faudrait 200 jours pour atteindre leur objectif, Shackleton décide d’établir un nouveau camp. Ironiquement, ce dernier s’appellera le Patience Camp et les marins y passeront trois mois.

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Frank Hurley et Ernest Shackleton dans un de leurs camps.

Là-bas, ils garderont le moral et s’occuperont tant bien que mal. Par ailleurs, un drapeau avec écrit « Royal Yatch Club » ornera leur camp, prouvant leur envie de garder un peu d’humour, ou au moins, d’ironie. La nourriture est drastiquement rationnée et leurs réserves sont économisées au maximum. De fait, les marins doivent manger les animaux chassés en priorité, comme les phoques ou les manchots. Seulement, ces derniers se font de plus en plus rares et la faim tenaille de plus en plus les naufragés. Face à cette situation, Shackleton décidera d’essayer d’atteindre l’île de l’Éléphant, la dernière chance de se trouver face à l’océan Atlantique.

La traversée de Shackleton et de ses hommes

C’est officiel, les marins se mettent en route vers l’Île de l’Éléphant. Leur route n’est pas simple et cette dernière est disloquée. En effet, la banquise empêche l’utilisation des traineaux et elle n’est pas assez ouverte pour les embarcations : ils doivent alors patienter. Ainsi, leur patience finira par payer et les marins parviennent à mettre les canots à l’eau, le 9 avril 1916. Les hommes rament le jour et cherchent une plaque stable pour établir un camp le soir. Le risque qu’une fissure s’ouvre menaçait perpétuellement les naufragés. De fait, pendant une nuit, une fissure s’est ouverte sous le chauffagiste de l’équipage, le plongeant dans les eaux glaciales. Miraculeusement, Shackleton eut un pressentiment et le sauva de justesse, juste avant que la glace ne se referme sur lui.

Plus les naufragés avancent et plus il est difficile d’avancer. De plus, il leur est devenu impossible d’accoster toutes les nuits. Finalement, l’équipage atteindra tout de même l’île de l’Éléphant le 14 avril 1916 : ils sont enfin sauvés de la noyade. Malheureusement, la terre est hostile et déserte, elle leur permet simplement d’établir un camp à terre sans craindre que le sol ne s’ouvre sous leurs pieds. Personne ne viendra les chercher, car l’île est éloignée de toutes les routes maritimes. Shackleton prend alors la décision d’atteindre la Géorgie du Sud pour aller chercher de l’aide. Il s’agit de leur seule chance de survie, car après plus d’un an de naufrage, l’équipage arrive au terme de ses options.

La libération de la prison de glace

Shackleton en route pour la Géorgie du Sud

L’aventurier prend cinq de ses hommes avec lui : son capitaine Frank Worsley, son second officier Thomas Crean, le charpentier Harry McNish, ainsi que deux marins, Timothy McCarthy et John Vincent. A bord du James Caird, amélioré par le charpentier, les six prennent la route, tandis que Shackleton laisse derrière lui ses hommes sous la garde de Frank Wild, son commandant en second. Ils partent en mer avec 40 jours de provisions le 24 avril 1916. Tout l’équipage sait que les chances de réussite sont infimes, mais ils s’accrochent à l’espoir que les six hommes réussiront leur mission.

Leur traversée durera 16 jours. 16 longues journées à ramer, à se relayer pour dormir et naviguer, à être trempé jusqu’à l’os et agressé par le froid. La soif les tenaille également et les hommes doivent faire face à la nature qui se déchaîne contre eux. Ils sont constamment en train d’écoper et, plus grave encore, ils rencontreront lors de leur dixième nuit une vague scélérate. Par miracle, le bateau ne coulera pas. Au matin du 7 mai, Shackleton et ses hommes ont la Géorgie du Sud en vue. Mais ils n’arrivent à accoster que le lendemain. Malheureusement, ces derniers ont atterri du mauvais côté de l’île. Ils sont au sud, alors que les bases des pêcheurs, là où ils trouveront de l’aide, sont au nord. Alors, Shackleton, Worsley et Crean se mettront en route le 11 mai afin de traverser l’île et trouver les secours.

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Les 22 hommes laissés sur l’île de l’Éléphant saluent le départ de Shackleton parti chercher du secours.

« Tous vivants, patron ! »

Les trois hommes parviennent miraculeusement le 20 mai 1916 à la station baleinière de Stromness. Dès le lendemain, une équipe est envoyée chercher les trois hommes de Shackleton, restés de l’autre côté de l’île en attendant les secours. Il faut désormais aller chercher le reste de l’équipage et il faudra trois mois, parsemés de plusieurs échecs, pour parvenir à secourir les naufragés restés sur l’île de l’Éléphant. C’est grâce au Yelcho, un yacht prêté par le gouvernement chilien, qu’ils parviendront enfin à les délivrer, 128 jours après leur départ. Le 30 août 1916, Shackleton parvient enfin à retrouver son équipage, qui n’a jamais perdu espoir. Depuis sa barque, l’aventurier demande si tout le monde va bien. Ce à quoi Frank Wild criera en retour : « Tous bien, tous vivants patron ! ».

L’expédition de Shackleton prend enfin fin et se termine bien malgré ces longs mois à la dérive. De fait, tous les marins ont survécu et Shackleton est désormais considéré comme un héros. Leur survie relève du miracle, mais surtout de la volonté de fer de leur leader à ne jamais baisser les bras. Ainsi, leur mission de traverser l’Antarctique a peut-être échoué, mais ils ont réalisé là un bien plus grand exploit : la survie en milieu hostile pendant 630 jours. Et ce, toujours accompagnés de leur fameuse devise : « par l’endurance, nous vaincrons ».

 

 

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