Les vagues scélérates : un phénomène mystérieux et violent

Isalyne Marlier
Isalyne Marlier
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Les vagues scélérates ont longtemps été un mystère maritime. Elles furent et sont encore le cauchemar de nombreux marins, tandis qu’elles demeurent un mystère pour les scientifiques. Ce type de vague a sans doute fait couler de nombreux bateaux au cours de l’histoire, mais que sont-elles vraiment ?

Selon la science, une vague est dite scélérate si sa hauteur est deux fois supérieure ou plus à la hauteur significative des vagues qui l’entourent. De fait, la hauteur significative est le résultat de la moyenne des hauteurs des vagues les plus fortes. Cette moyenne analysera le tiers des vagues les plus hautes et ainsi est obtenue la hauteur significative.

Les vagues scélérates, un phénomène imprévisible

Ces vagues tiennent leur nom de ce côté assez fourbe qu’elles possèdent. De fait, les vagues scélérates n’ont pas de signes avant-coureurs qui permettraient de les identifier. Au contraire, elles arrivent aussi vite qu’elles repartent. Elles surgissent de nulle part, peuvent s’élever jusqu’à 30 mètres en formant un véritable mur d’eau, avant de se refondre subitement dans la mer. Ces vagues alimentent la peur des marins qui prennent la mer. Par ailleurs, ces vagues se forment n’importe quand et n’importe où. Aussi bien au beau milieu de la mer que dans un lac. Pas très rassurant.

Les vagues scélérates : quel est ce mystérieux phénomène ?
L’équipage d’un navire allemand, le München, a signalé de mauvaises conditions météorologiques lors d’un voyage en décembre 1978. Malgré les signaux de détresse envoyés, le bateau et son équipage ont disparu. Un canot de sauvetage est retrouvé à presque 20 mètres du sol, sûrement arraché par une imposante vague faisant cette taille.

La documentation de ces vagues est assez rare et les scientifiques ne reconnaissent ce phénomène que depuis peu de temps. En 1995, une vague scélérate est documentée pour la première fois. Une vague de plus de 25 mètres de haut s’est formée avant de s’abattre sur la plateforme pétrolière Draupner, située au large de la Norvège. Elle a pu être mesurée grâce à un détecteur laser situé sur l’échafaudage de la plateforme, constituant pour la première fois une trace scientifique du phénomène.

Les prémices d’une explication scientifique

Evidemment, les scientifiques qui n’avaient pas cru à tous ces récits de vagues spontanées et violentes ont enfin une preuve de leur existence. Alors, ces derniers se doivent de comprendre comment le phénomène fonctionne. Ils comprennent que les vagues scélérates se forment suite à une combinaison aléatoire de mouvements de vagues. Le contraire des tsunamis qui, quant à eux, sont déclenchés par un déplacement d’eau soudain, provoqué par un tremblement de terre par exemple. C’est donc ce qui les rend si imprévisibles.

Mais le hasard n’existe pas dans la science. Ainsi, deux théories mathématiques ont vu le jour, dans l’optique d’expliquer le phénomène. La première se nomme l’addition linéaire. Celle-ci suppose que les vagues se déplacent dans l’océan à différentes vitesses et que, lorsqu’elles se chevauchent, elles peuvent se combiner et former ainsi une vague scélérate. La seconde théorie s’appelle la focalisation non-linéaire. Cette dernière suppose que les vagues se déplacent en groupe et pourraient se prêter de l’énergie entre elles. Cette combinaison d’énergie provoquerait alors les vagues scélérates. Du coup, plutôt d’avis « vague qui surfe sur une autre » ou « l’union des vagues fait la force » ?

« En général, les vagues scélérates océaniques sont mesurées à partir de plates-formes ou de bouées, qui enregistrent des mesures de temps à un endroit spécifique sans aucune connaissance de ce qui s’est passé avant ou se passera ensuite. »

Amin Chabchoub, physicien des vagues à l’Université de Sydney

Ainsi, ce phénomène reste rare et les suivis minutieux sont aussi rares. Amin Chabchoub a d’ailleurs mené une étude en 2019 dont le résultat est que le mécanisme qui engendre les vagues scélérates peut varier en fonction des différents facteurs dans la mer. Ces facteurs sont nommés « états de la mer ». Il n’y a donc pas vraiment de moyen de les prévoir.

Objectif « prévenir les vagues scélérates »

Par le biais d’observations de vagues scélérates comme celle de Vancouver en 2020, qui constitue ce genre de phénomène le plus extrême jamais enregistré, les scientifiques espèrent pouvoir modéliser ces vagues et mieux comprendre leur formation. Le fait de mieux les comprendre pourra aider à également mieux les prévenir et les éviter. Ils espèrent, qu’avec ces travaux, ils pourront prédire la formation de ces vagues avant même qu’elles ne se soient produites.

Les scientifiques s’orientent donc vers une technologie qui leur permettrait de prévoir les vagues scélérates en temps réel, mais leur technologie n’est pas encore assez puissante. En effet, ils auraient besoin d’un radar mesurant en permanence les vagues près des navires. Les données collectées permettraient de créer un modèle mathématique, qui permettrait de prédire l’évolution des vagues dans les prochaines minutes. Malheureusement, la technologie n’est pas assez rapide et l’observation des vagues scélérates est trop rare.

« La technologie est là. La question est désormais de savoir comment la rendre rapide. »

Francesco Fedele, ingénieur océanographe au Georgia Institue of Technology

Ainsi, plus les vagues seront étudiées et mieux elles seront comprises par la science. Ce phénomène rare pourrait pourtant devenir plus fréquent à cause des changements climatiques. Bonne nouvelle pour la science ou mauvaise nouvelle pour les marins ? En tout cas, les mathématiciens continuent de travailler sur l’anticipation de ces vagues géantes, avant qu’elles ne sortent de leur lit.

 

Sources :

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