Le « Commando Musik », les pillards nazis du monde de la musique

Romain Lesourd
Romain Lesourd
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Le saviez-vous ? Les nazis n’ont pas seulement dérobé des œuvres d’art au cours de la Seconde Guerre mondiale. Ils se sont également emparés de nombreux instruments de musique. Une bande organisée nommée Sonderstab Musik, ou « Commando Musik ».

La mainmise sur le monde musical

Nombreux étaient les ennemis des nazis sous le IIIe Reich. Les juifs, les bolchéviques, les ennemis politiques et les dissidents… Mais il y avait aussi les musiciens et la musique.

Du fait qu’un État totalitaire contrôle toutes les sphères de la société, naturellement, la musique n’y échappe pas. Le 22 septembre 1933, le ministère de la Propagande sous Goebbels crée la Reichkulturkammer, la chambre de culture du Reich en français. Cette chambre contrôlait l’intégralité des domaines propres à la culture : théâtre, littérature, presse, radio, arts plastiques, musique et cinéma.

Pour les nazis, la musique ne pouvait s’inspirer que d’un seul artiste : Richard Wagner. Auteur du célèbre air d’opéra La chevauchée des Walkyries, les Allemands considéraient sa musique comme épique, exaltante, voire héroïque. Que des notions que l’on souhaitait rattacher à l’Allemagne d’Hitler. Ainsi, les nationalistes ne souhaitaient plus qu’une chose : que la musique jouée au sein du pays allemand soit de la musique qui rappelle les sensations offertes par Wagner, sans pour autant que ce soit une musique de son répertoire.

La chevauchée des Walkyries, Wagner (1870)

La musique représentait donc un véritable élément identitaire, un facteur important pour montrer la grandeur allemande. La seule musique qui avait le mérite d’exister, selon les Allemands, était bien la musique semblable à celle de Wagner. C’est ce qu’on pouvait lire sur certaines affiches : Deutschland das Land der Musik ou « L’Allemagne, le pays de la musique » en français.

La Sonderstab Musik à la baguette

En pleine période de guerre, les Allemands prenaient tout ce qui pouvait valoir cher. Naturellement, on retient le plus souvent les œuvres d’art et on oublie que le monde de la musique a lui aussi énormément souffert de pillages.

Alfred Rosenberg, alors ministre des Territoires occupés de l’Est, sur ordre d’Hitler, décide de fonder l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg. À l’origine, il ne s’agissait que d’une section du bureau de politique étrangère de la NSDAP. Mais, en 1940, elle fut chargée de confisquer les biens suivants, sur les territoires occupés :

  • les bibliothèques d’État et les archives des manuscrits précieux pour l’Allemagne ;
  • les greffes des autorités ecclésiastiques et des loges maçonniques ;
  • tous les autres biens culturels de valeur appartenant à des juifs.

La section qui se chargea de confisquer et d’exporter les partitions, les archives et les instruments de musique fut appelée la Sonderstab Musik. Cette section était majoritairement composée d’éminents musicologues allemands.

Une fois volés, les instruments de musique et autres pièces étaient alors stockés, et parfois même revendus.

© Bundesarchiv B323/11, Coblence

Nombreuses sont les victimes, dans de nombreux pays, y compris la France. Parmi elles, sûrement la plus connue : Wanda Landowska. Claveciniste et collectionneuse d’origine polonaise, l’intégralité de sa collection fut embarquée par les nazis une fois que Wanda a franchi la frontière entre la zone occupée et la zone libre.

Des familles encore à la recherche de leurs biens

Une fois la guerre terminée, les propriétaires encore vivants des instruments de musique ont cherché tant bien que mal à retrouver leurs biens perdus.

Malheureusement, la tâche fut longue et très souvent infructueuse. Très peu de propriétaires se souvenaient du numéro de série sur leurs instruments. De plus, les nombreux instruments et autres pièces avaient sûrement été revendus depuis de nombreuses années. Tous ces éléments rendaient alors les retrouvailles quasi impossibles.

Aujourd’hui encore, les descendants de ceux qui ont été pillés cherchent les instruments de musique. Christine Laloue, conservatrice du patrimoine au musée de la Musique et spécialiste de l’histoire du clavecin, a raconté l’ampleur de l’affaire au journal Le Monde :

« Cette problématique est d’une importance capitale. Elle est désormais liée à l’Holocauste, à un génocide, à un sacrifice, dont l’aspect mémoriel est prépondérant. »

L’histoire du « Commando Musik » a par ailleurs inspiré Willem de Vries, un auteur néerlandais. Ce dernier a écrit le livre Les confiscations menées dans le monde musical en Europe de l’Ouest par les nazis, paru en 2019 en France.

 

Sources :

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