Interview de Denis Fournaud, auteur de « Homo Europens »

Interview de Denis Fournaud, auteur de "Homo Europens"

Denis Fournaud est un auteur français engagé, ancien PDG de la brasserie Fischer, qui s’est reconverti en écrivain et essayiste. Il est particulièrement connu pour ses réflexions critiques sur la mondialisation et la préservation des identités culturelles locales. Pour la sortie de Homo Europens, nous avons eu la chance de rencontrer cet écrivain de 83 ans. Denis Fournaud se positionne comme une voix critique face aux effets de la mondialisation sur les cultures locales.

Son expérience dans l’industrie brassicole alsacienne lui confère une perspective unique sur les défis économiques et culturels contemporains. À travers ses écrits, il appelle à une prise de conscience collective et à des actions concrètes pour préserver les identités régionales et les traditions face aux pressions globales.

Pourquoi avoir fait ce livre ?

Mon premier livre était un bouquin sur des débats d’interculturels d’entreprises. C’était sur un phénomène de rupture en Alsace. Mon dernier boulot était d’être le patron d’une brasserie en Alsace en 2002. Après mon départ, ils ont liquidé l’entreprise. Ce ne sont pas les capitalistes internationaux qui ont fait cette erreur, mais bien les Français. L’objectif de mon précédent livre était de prendre cet exemple comme une étude de cas.

Denis Fournaud
Denis Fournaud

Est-ce que vous pouvez vous présenter rapidement ?

Je suis un provincial d’origine. Mais j’ai eu de nombreuses activités internationales. J’ai fait mes études à Dijon. Je suis allé au collège d’Europe de Bruges. J’ai fait un diplôme européen par intérêt et par détermination.

Le Quai d’Orsay sélectionnait des gens pour aller dans de grandes universités. Par la suite, j’ai un peu perdu de vue l’Europe. Je ne suis pas entré dans la vie civile de l’Europe, qui était déjà à l’époque le marché commun dominant. Ensuite, j’ai eu une carrière de chef d’entreprise.

Quand est-ce que l’écriture est arrivée ?

Quand j’ai pris ma retraite. Mais pas immédiatement. Je me suis d’abord occupé de vignerons. J’ai ramassé une gamelle épouvantable… J’avais 18 vignerons, j’ai réussi à en sauver 2. C’était en Bourgogne. Et puis, j’ai eu une activité auprès du Conseil de l’Europe axée sur la responsabilité sociale des entreprises européennes.

Puis, à un moment donné, il m’a semblé que j’étais en train de louper le coche, de dire à tout un ensemble de personnes de regarder ce qu’ils avaient entre les mains. En fait, je voulais parler de l’Europe. Je voulais parler des menaces qui planent sur l’Europe. Pour moi, on est bloqué entre trois menaces impérialistes : les États-Unis, la Chine et la Russie. 

Quelle était la démarche de cette nouvelle passion d’écriture ?

J’avais envie de parler de l’Europe. Mais je n’ai jamais imaginé d’en faire une activité rentable et un véritable métier.

Comment est-ce que vous décririez ce type de livre ?

C’est un essai. Si le mot manifeste n’était pas péjoratif ces derniers temps on pourrait parler de manifeste. L’idée est de converger un certain nombre d’informations. C’est ce que j’appelle le rayonnement.

Est-ce que vous ne craignez pas que ce type de format vous fasse perdre une partie de votre lectorat ?

Oui, ça peut être difficile à appréhender. Est-ce que ça ne serait pas intéressant d’avoir des discussions dans des banlieues ou dans des endroits défavorisés ? Avec ce livre, je m’adresse à des adultes conscients et vaccinés. C’est de plus en plus difficile d’avoir ce type de lectorat. Mais en tout cas ça ne me fait pas peur pour répondre à votre question.

Certains passages sont en rimes, pourquoi ne pas avoir fait tout le livre dans ces conditions ?

Ah bah non. Parce-que ce que vous avez lu en rimes, c’est essentiellement un passage en aparté. J’avais écrit un certain nombre de poèmes pour mon fils quand il était gamin. Et je les ai gardés. Lui, il considère que c’est de la maïeutique, et que ça n’a donc aucun intérêt. Mais il y en a quelques-uns que j’ai décidé de repêcher.

Parce que je voulais conserver ce lien entre un papa et son enfant. Je me suis alors rendu compte que j’écrivais plus facilement en rimes qu’en prose. En tout cas, l’envie de faire tout un livre comme ceci existe, oui, mais c’est invendable.

Est-ce que vous avez des auteurs que vous appréciez particulièrement ?

J’aimerai bien me souvenir longtemps de Saint-John Perse. En Angleterre j’adore Oscar Wilde. La poésie anglaise est étonnante parce qu’elle n’est pas rimée et il y a des tas de petits auteurs qui vendent des choses sympas.

Comment est-ce que vous voyez l’Europe aujourd’hui ? Et comment vous la voyez à l’avenir ?

D’abord je suis optimiste parce qu’on a réussi à sortir du mal absolu. Ce n’est pas dit qu’on n’entre pas dans des risques aussi importants. Mais quelles que soit les critiques émises, cette Europe a avancé. Je ne fais pas partie de ceux qui trouvent que 27 pays c’est trop. Non c’est bien, on a évolué.

La sortie de la Grande-Bretagne est une catastrophe pour tout le monde. L’Europe c’est avant tout un esprit de confédération. On est dans un mouvement qui tient compte et respecte les différents cultes et va néanmoins vers une convergence qu’il faut défendre et développer. L’Europe c’est culturel, ce n’est pas politique.

Est-ce que vous croyez qu’il existe un courant de pensée commun entre les différents pays européens ?

C’est justement l’opposition entre la culture et la politique. Vous essayez de trouver un courant commun ? Je ne pense pas. Mais c’est ça qui est intéressant. Il faut trouver des gens qui coexistent dans différentes cultures. Par exemple, quand vous allez en Italie, vous êtes heureux. Mais je suis aussi heureux en Allemagne. On est bien en France aussi. Et ce malgré notre passé commun abominable. Mais je crois qu’il existe une civilisation européenne.

Qu’est-ce que vous pensez apporter comme analyses novatrices autour de l’Europe dans votre livre ?

Moi je n’ai plus qu’à apporter ce qui favorise une cohésion des gens dans cette histoire de civilisation européenne. Je ne vais rien apporter sur le plan politique. C’est beaucoup trop tard ou stupide de ma part, je n’ai plus l’âge. Ce livre, pour moi, même s’il n’avait pas un seul lecteur, ce ne serait pas grave. Il doit exister pour cette civilisation européenne.

Plus jeune cela vous aurait intéressé de faire de la politique ?

Non. Ce n’est pas ma tasse de thé et ce ne sont pas mes représentants.

Est-ce qu’on peut être européen avant d’être patriotique ?

Ah bah ça absolument. C’est même ce que je défends. La patrie ça existe, mais face à l’Europe c’est bien peu. Il faut être européen avant d’être patriotique !

Est-ce que vous pensez que Trump est une menace ?

Oui bien sûr. C’est une menace concrète. Il est à la tête d’une oligarchie. Il a un pouvoir économique énorme et il est dans une évolution technologique dingue. Donc oui, ce type fait peur. Oui, c’est une menace pour l’Europe. Il faut juste qu’on ne devienne pas leur esclave économique.

Est-ce que vous pensez que certaines idées européennes sont menacées ?

Oui bien sûr. La liberté, l’indépendance et la démocratie sont menacées. Un type comme Poutine est évidemment contre la démocratie. De même avec la Chine. Et Trump c’est la même idée.

Quel rôle la France doit-elle jouer dans l’Europe moderne ?

Si elle ne veut pas prétendre à un leadership qui serait ridicule, elle est toujours motrice. On a cette chance extraordinaire d’avoir voulu les lumières. Donc la raison. Voltaire était un type fantastique.

Quel message aimeriez-vous transmettre à la nouvelle génération ?

J’aimerais leur dire que les choses sont simples. Regardez tout ce que vous avez. Ne comptez pas sur vos élites. Il faut aller de l’avant. Aller dans cette convergence.

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