« Il était une fois dans l’Ouest » : le film testament du western spaghetti [critique]

« Il était une fois dans l'Ouest » : le film testament du western spaghetti [critique]

Il était une fois dans l’Ouest a marqué les esprits, c’est indéniable. Avec 10 millions d’entrées en France, ce phénomène emblématique du western spaghetti sorti en 1968 et signé Sergio Leone est toujours dans les mémoires du monde cinéphile. Qu’est-ce qui rend cette œuvre si marquante quasiment 60 ans après sa sortie ?

Une réalisation qui a conscience de son importance

Il était une fois dans l’Ouest est certainement la quintessence du western spaghetti de Sergio Leone et tout peut être résumé dès son introduction. En une quinzaine de minutes, le réalisateur ose prendre son temps pour montrer ce que c’était de vivre durant cette époque majeure des Etats-Unis. Pas de musique, pas de paroles, pas d’histoire, seulement trois hommes qui attendent un train. Ce pari risqué peut faire s’écrouler tout un film sans une réelle maîtrise du montage et de la réalisation. Néanmoins, grâce à une réelle compréhension du décor et de ses comédiens, Sergio Leone parvient à rendre ces premières minutes intenses et fascinantes avec une pointe d’humour décalée bienvenue.

Arrive ensuite le train et c’est au tour d’Ennio Morricone de magnifier la séquence avec l’arrivée du premier grand thème du film, celui de l’homme à l’harmonica. Le tout atteint son paroxysme avec le duel qui débute et se termine aussi rapidement qu’il a commencé, symbole d’un style aussi brutal qu’édifiant qu’est le western spaghetti.

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S’ensuit une présentation d’une trentaine de minutes des personnages principaux du long-métrage. Ce qui fascine dans ces différentes séquences est la manière dont chacun est présenté. La réalisation nous décrit chaque protagoniste via les outils cinématographiques qu’elle a à sa disposition. C’est ainsi que l’homme à l’harmonica et Frank sont introduits par le biais d’une présence sonore.

Frank est une ombre, un cavalier de l’apocalypse qui fait taire la nature quand il est dans les parages, ce qui amène une tension palpable chez les personnages montrés à l’écran. Pendant ce temps, lui reste tapi hors de l’écran, le rendant imprévisible. Une fois qu’il apparaît pour la première fois devant la caméra, il démontre toute sa cruauté à travers ses yeux d’un bleu azur qui se voudraient plutôt rassurants dans les westerns des années 50/60.

L’homme à l’harmonica possède de son côté une aura très impactante via son instrument qui annonce à chaque fois sa présence au sein de la scène à laquelle le spectateur assiste. Tout l’art de Sergio Leone est résumé par ces différentes scènes qui explicitent un peu plus toute la compréhension de ce 7ème art par le réalisateur. Son compositeur fétiche, Ennio Morricone, arrive à scénariser tout ce qu’il a en tête en faisant vivre et évoluer les différents thèmes créés tout le long du film.

Il est malgré tout dommage que certaines séquences au milieu du film cassent quelque peu l’ambiance de l’ensemble, comme si les producteurs étaient intervenus pour remodeler cette partie du film. On ressent une perte de ton indéniable à ce moment-là et un style qui se perd dans des scènes qui n’ont quasiment ni queue ni tête et qui sont incohérentes entre elles. Cela ternit même la caractérisation des personnages, qui avait été jusqu’alors une force constante d’Il était une fois dans l’Ouest.

Des personnages aux archétypes forts et impactants

Il était une fois dans l’Ouest est aussi un film avec des personnages marqués par leur époque. Sergio Leone est avare en dialogues certes, mais cette absence de texte est vite rattrapée par l’interprétation de ses comédiens. Ce film possède clairement des personnages avec une gueule de cinéma. Rien que les figurants ou les silhouettes participent déjà à cette imagerie du western sale et cruel voulue par le réalisateur.

Que dire de plus de Charles Bronson qui arrive à transmettre autant d’émotion, malgré le mutisme du personnage principal. Ou de Claudia Cardinale qui n’est pas en reste en caractérisant le seul personnage féminin du film avec une ambiguïté peu perceptible à sa première apparition, mais qui se dévoile une fois le long-métrage lancé.

Cheyenne, joué avec une justesse impressionnante par Jason Robards, possède en lui un côté méta qui le démarque du reste. Il a conscience de ce qui se passe, des enjeux qui se jouent sous leurs yeux et interagit même avec le spectateur via son thème musical qui s’adapte constamment à ce qu’il fait ou subit à l’écran.

Morton est certainement l’antagoniste qui pâlit face au personnage emblématique de Frank, totalement incarné par Henry Fonda qui est aux antipodes de ce qu’il a l’habitude de jouer. Néanmoins, ce promoteur cherchant le profit et un but qui demande beaucoup de sacrifice représente tout le sous-texte qui rend le film encore plus puissant et intéressant durant son revisionnage.

La mise à mort d’un monde et l’avènement d’un autre

Il était une fois dans l’Ouest est la fin d’une époque et l’arrivée d’une autre. C’est en cela que le personnage de Morton apporte tout son sel. Il est la représentation d’un système capitaliste qui débarque avec force et vitesse dans l’Ouest américain encore balbutiant et sans loi.

Les cowboys, qui avaient pris possession par la force de ses terres pour leur propre profit, perdent petit à petit du terrain face à l’alignement des rails du chemin de fer, porte-étendard d’une civilisation qui cherche à reprendre le contrôle. Il y a ceux qui essaient à tout prix de garder la main mise sur ce qu’ils ont acquis par la peur, comme Frank, et ceux qui sentent le vent tourner et qui préfèrent fuir une société qui ne veut pas d’eux, à l’image de Cheyenne et de l’homme à l’harmonica.

Ce film possède une mélancolie sous-jacente qui tapisse l’ensemble du film de Leone. La vengeance orchestrée par l’homme à l’harmonica à l’encontre de Frank n’est qu’un grain de sable dans une société qui se transforme durablement. Cheyenne en est la représentation principale, avec cette manière d’être qui nous dit qu’il est inutile de se battre contre un système qui a déjà pris place dans ce désert américain.

Sergio Leone ne tombe pas non plus dans le piège du manichéisme hollywoodien. Personne n’est ni bon, ni purement mauvais. Chacun cherche son propre profit avec la vengeance pour les uns et l’argent pour les autres. L’argent qui rend les gens fous et vaniteux, finissant par tout décimer sur son passage et ne laissant que des corps sans vie sur son passage. Le capitalisme est en marche et rien ne l’arrêtera pour atteindre l’autre extrémité de la côte états-unienne.

Il était une fois dans l’Ouest est le testament de Sergio Leone du western spaghetti, genre qu’il a en grande partie créé. Avec ce film, il réussit à pousser jusqu’à son paroxysme le mythe du Grand Ouest Américain, mythe crépusculaire face à l’arrivée du capitalisme dans ce monde sans foi, ni loi et gouverné par des cowboys sanguinaires. Malgré son âge, ce quatrième film de Sergio Leone reste toujours aussi beau et grand et est le témoignage d’une maîtrise cinématographique qui se fait rare au sein du XXIe siècle.

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