Fantômes et « rencontres » d’outre-tombe : quel rôle joue notre cerveau ?

Axel Juin
Axel Juin
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Ils sont présents dans toutes les formes de culture existantes. Désignés comme fantômes, spectres ou encore revenants, nul doute qu’ils marquent donc notre inconscient collectif.

En 2019, une étude YouGov avait établi qu’un tiers des Français (32 %) affirme croire aux fantômes ou aux esprits. De plus un Français sur quatre (24 %) affirme même avoir déjà vécu une expérience paranormale. Rencontre directe avec un esprit, chuchotements perçus sans qu’il n’y ait personne ou encore sensations inexplicables, les témoignages varient.

Les plus sceptiques diront pouvoir expliquer ces statistiques par une superstition latente présente dans les consciences. Cependant aujourd’hui nous tenterons de démêler le vrai du faux en expliquant les divers mécanismes de notre cerveau face aux « activités paranormales » les plus répandues.

Les « preuves » capturées sur pellicule

Si à ce jour aucune preuve tangible d’un après-vie n’a officiellement été validée par une commission scientifique, cela n’empêche pas l’émergence de diverses fraudes, notamment sur pellicule. En effet s’il est un art qui a su parfaitement bénéficier de notre intérêt pour l’occulte c’est bien la photographie. C’est notamment dès les années 1860, avec la démocratisation de la photo, que de prétendus revenants se seraient amusés à prendre la pose.

Des individus tels que William H. Mumler ou Frederick Hudson ont d’ailleurs largement tiré profit de ce que l’on désignait communément comme la photographie spectrale. Ce business, originellement réservé à une riche clientèle tentée par l’occulte, proposait à ses clients d’être photographiés aux côtés d’un de leurs proches décédés. Si cette promesse peut s’avérer tentante et rentable, elle se révèle bien vite n’être qu’un simple canular facile.

La photographie spectrale fut un des nombreux canulars utilisant les croyances envers des revenants. - Cultea
La photographie spectrale fut un des nombreux canulars utilisant les croyances envers des revenants.

En effet, à une époque ou des plaques de verre ainsi qu’un temps d’exposition prolongé étaient nécessaire au développement d’une bonne photo, il était à la portée de tout photographe de superposer à l’image, la silhouette de son choix. L’ajout d’un effet de transparence ainsi que l’approche prétendument « scientifique » du procédé accentuaient d’ailleurs l’impression de réel. Cela dit même à cette époque, seuls les individus moins cartésiens prêtaient foi à ces clichés rapidement démystifiés par une ribambelle d’experts.

Un artifice toujours d’actualité

On aurait pu croire, près d’un siècle et demi plus tard, que la démocratisation des appareils ainsi que leur bien meilleure qualité aurait permis de mettre un frein définitif à ces artifices, mais il n’en est rien. Effectivement, c’est aujourd’hui grâce à internet que la moindre photo décrite comme suspecte, peut faire le tour du globe. Il faut dire que la mode des légendes urbaines et creepypastas ont vite redonné une seconde jeunesse à l’étrange sur caméra.

C'est quand débarque Photoshop, que Casper fait de l'autostop ! - Cultea
C’est quand débarque Photoshop, que Casper fait de l’autostop !

On constate d’ailleurs une tendance de « l’occulte digital » largement prisée des jeunes. En 2019 près de 43 % des 18-24 ans croyaient aux esprits contre 22 % chez les 55 ans et plus.

Malheureusement pour les croyants, ces instantanés pris hors de leur contexte et autres montages infographiques réalisés avec soin, manquent d’authenticité. Cependant, beaucoup d’autres types de prétendues « manifestations » viennent parfois nous jouer des tours, impliquant notamment nos cinq sens.

Quand nos sens génèrent des fantômes

Les récits de « rencontres de l’au-delà » mentionnent presque systématiquement des sensations anormales. Si certains affirment que de tels ressentis sont impossibles à reproduire par des vivants, divers scientifiques semblent y être parvenus depuis longtemps. En effet, la perception humaine étant seulement capable de capter une infime partie des signaux qu’elle reçoit, il arrive que certaines de ces données soient cataloguées de surnaturelles à défaut de faire l’objet d’une interprétation propre.

Les témoignages paranormaux privilégient énormément la perception sensitive de notre corps face à l'étrange. - Cultea
Les témoignages paranormaux privilégient énormément la perception sensitive de notre corps face à l’étrange.

A titre d’exemple, le chercheur en acoustique Richard Lord avait diffusé en 2003 des ondes ultrasonores devant un public de 750 personnes. Parmi ces individus, près d’un quart, présumé plus sensible à ces signaux, auraient fait état de « réactions inhabituelles« .

Les adeptes du paranormal mentionnent souvent des prétendus chuchotements ou bourdonnements imperceptibles, cherchant à communiquer. Or sachant que de nombreux animaux génèrent des ultrasons, à l’image des chiens, des chauves-souris ou des rats, il ne serait pas surprenant que ces derniers aient pu être indirectement responsables de « contacts surnaturels »!

Comme le montre ce graphisme, l'être humain ne peut clairement percevoir qu'une fraction des ondes sonores émises sur Terre. - Cultea
Comme le montre ce graphisme, l’être humain ne peut clairement percevoir qu’une fraction des ondes sonores émises sur Terre.

De nombreux cas de hantises peuvent être largement démentis ou expliqués par une surinterprétation ou des corrélations générées accidentellement par notre cerveau.

Une porte qui claque brusquement ou un craquement de parquet distant paraîtront futiles dans un bâtiment lambda, mais s’il s’agit d’un lieu réputé hanté, alors notre cervelle excitée ou effrayée trouvera ces détails moins anodins, voire terrifiants. Notre interprétation serait d’ailleurs la source de bien d’autres sortes de phénomènes, notamment visuels.

Il faut le voir pour le croire…

Dans le large étalonnage de manifestations spectrales en tout genre, on peut noter la supposée apparitions de visages ou de formes sinistres de la part d’individus dits « hantés ». Ces prétendues apparitions ne sont pas exclusives à nos amis les fantômes, elles peuvent notamment être attribuées à des divinités. Ce phénomène susceptible d’en effrayer plus d’un, est pourtant de nature bien plus scientifique qu’il n’y paraît. C’est effectivement le phénomène de Paréidolie qui nous pousse bien souvent à associer à un objet ou une surface des traits humains ou une certaine cohérence visuelle.

Des exemples du phénomène de paréidolie - Cultea
Sur ma droite un mur crade, à ma gauche une grosse stalactite ; sinon on suppose que c’est un visage à coté de la dame blanche qui a pris un méchant coup de froid !

Notre cher cerveau, programmé pour automatiquement reconnaître des visages, appliquerait parfois ce mécanisme sans réel but. Dans une optique moins effrayante il est d’ailleurs possible d’observer ce phénomène au quotidien, lorsque nous regardons des nuages ou des cailloux !

Le cerveau humain est beaucoup plus en proie aux hallucinations qu'il n'y paraît ! - Cultea
Le cerveau humain est beaucoup plus en proie aux hallucinations qu’il n’y paraît !

Cela dit, d’autres cas de rencontres paranormales sont susceptibles de prendre racine dans diverses hallucinations visuelles. Ces dernières, souvent considérées comme tabou pour leur affiliation à la folie, semblent pourtant largement démocratisées chez une large partie de la population. La maladie de Parkinson, l’épilepsie, et bien d’autres pathologies peuvent être pointées du doigt, quand il ne s’agît pas juste d’un trouble du sommeil ou d’un abus de substances illicites.

Malgré tout, en dépit des apparences, il serait plus sain qu’il n’y paraît de s’imaginer faire face à des morts.

Les morts, utiles pour avancer dans notre vie ?

Les contextes les plus favorables aux hallucinations sensorielles sont bien souvent celles de situation de stress ou détresse intense. C’est donc particulièrement à l’occasion d’un deuil ou d’un traumatisme qu’une large partie des individus « interagiraient » avec des proches décédés.

photo de quai en noir et blanc - Cultea
Les « morts » reviendraient nous hanter pour le bien de notre mental, selon la psychologie moderne.

Ce phénomène, largement connu des psychiatres, est presque exclusivement temporaire et serait en fait là pour nous aider. Entendre, voir ou ressentir un ou plusieurs êtres disparus aiderait notre subconscient à procéder à un travail de reconstruction. Afin de pouvoir passer à autre chose, il est donc normal que notre cerveau « génère des fantômes » pour nous aider à tourner la page.

En outre, beaucoup de personnes trouvent l’idée de spectres errants sur terre rassurante. Effectivement, leur simple existence confirmerait qu’il y aurait bien « quelque chose » après la mort. 

À lire également : Le syndrome d’Alice au pays des merveilles, entre hallucinations et perte de repères

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Etudiant en communication, passionné de journalisme, ouvert à diverses variétés de cultures et sujets. Intéressé par l'histoire, le cinéma, le folklore moderne et plus ancien ainsi que les sciences en tout genres.
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