Les députés communistes, écologistes et socialistes à l’Assemblée nationale vont voter, le 6 juillet, la motion de censure. Cette motion sera déposée par La France Insoumise contre le Premier ministre, Élisabeth Borne. Zoom sur ce qu’est la motion de censure, son pouvoir et son histoire.
L’article 49 de la Constitution
En ayant choisi de ne pas demander la confiance des députés, Élisabeth Borne fait face aujourd’hui à une motion de censure voulue par la Nupes. De l’histoire de la Ve République, jamais les clivages n’ont été aussi marqués à l’Assemblée nationale.
La motion de censure représente le moyen principal de contrôle de l’Assemblée sur le Gouvernement en place. Cette motion, si elle passe, force en effet le Premier ministre à donner la lettre de démission de son gouvernement à son président.
Cette motion de censure est définie par l’article 49 de la Constitution. Il en existe deux types. Tout d’abord, celle qui n’est pas encore à l’ordre du jour, la motion de censure provoquée. Dans ce cas de figure, le Premier ministre engage la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale. Cette responsabilité, le Premier ministre la porte sur un texte, une réforme. En France, on la connaît sous le nom de l’article 49-3. Si cela fonctionne, le texte est alors adopté sans débat. Si l’Assemblée s’y oppose, cela débouche sur une motion de censure déposée dans les 24 heures et votée par la suite.
La motion de censure spontanée ou offensive
La deuxième, c’est celle que va utiliser la Nupes dans les prochains jours, la motion de censure spontanée ou offensive. Cette mesure doit être présentée par au minimum un dixième des députés (au moins 58). Une fois déposée, on attend 48 heures et on passe ensuite au vote.
« Il faut que le texte intitulé Motion de censure soit signé par au moins 58 députés, ce qui ne posera pas le moindre problème aux députés LFI. » – Didier Maus, constitutionnaliste
Le délai de 48 heures qui sépare le dépôt du vote permet au Gouvernement de convaincre les députés indécis de ne pas faire démissionner le Gouvernement. Lors du vote, seuls les votes « pour » comptent. Ainsi, les élus qui s’abstiennent sont considérés comme votant « contre », c’est-à-dire soutenant le gouvernement.
Pour être adoptée, la motion doit obtenir la majorité absolue de l’Assemblée (289 votes « pour » ). Validée, elle entraîne la démission du Gouvernement, présentée par le Premier ministre au président de la République. Cependant, le chef de l’État n’a aucune obligation de l’accepter et peut décider de dissoudre l’Assemblée. De nouvelles élections législatives ont donc lieu. La motion de censure spontanée n’a été votée qu’une fois. Retour sur cet événement.
L’exemple de 1962
Depuis le début de la Ve République en 1958, 58 motions de censure spontanées ont été déposées ; une seule a été votée. Des Premiers ministres tels que Georges Pompidou, Raymond Barre ou Pierre Mauroy ont fait face à pas moins de 7 motions au cours de leur mandat.
L’ex-premier ministre Jean Castex n’a pas fait face à des motions de censure, mais Édouard Philippe trois fois. À une reprise, elle provenait des Républicains et à deux reprises de la gauche. Elles n’ont cependant jamais été votées. Manuel Valls, quant à lui, y a échappé à seulement deux votes près.
La seule fois où l’Assemblée vota cette motion de censure, c’était le 5 octobre 1962. Ce jour-là, il y avait à l’Assemblée 480 députés, et 280 votèrent pour la démission du Gouvernement de Georges Pompidou. Cette motion vint en protestation contre une décision du président Charles de Gaulle. Ce dernier voulait alors instaurer par référendum l’élection présidentielle au suffrage universel direct.
Georges Pompidou vint présenter la lettre de démission du Gouvernement à Charles de Gaulle. Ce dernier la refusa. Quatre jours après, le 9 octobre 1962, il dissout l’Assemblée nationale. Des élections législatives furent organisées. Et ces élections se traduisirent par une large victoire du camp De Gaulle. Georges Pompidou fut alors invité à former un nouveau Gouvernement.
Au final, depuis le début de la Ve République, aucune motion de censure n’a été votée par l’Assemblée nationale et acceptée par le président de la République. Les partis déposent actuellement des motions de censure sans se faire d’illusions. Elles permettent cependant d’acter de manière claire le désaccord du parti avec la politique du Gouvernement lors d’un débat.