Loin d’être un complexe, Clémentine Delait arbore fièrement sa barbe et gagne sa vie grâce à sa particularité. Elle est à son époque une femme à barbe connue dans toute la France !
Clémentine Delait, née en 1865, est la plus célèbre des femmes à barbe. Elle passe une enfance laborieuse dans une ferme des Vosges, où elle aide ses parents.
Dans ses mémoires, retrouvés en 2005 dans une brocante d’Épinal, elle écrit :
« Comment ma barbe m’a poussée ? Je l’ignore ; mais je peux assurer qu’à 18 ans ma lèvre supérieure s’agrémentait déjà d’un duvet prometteur qui soulignait agréablement mon visage qui plaisait… »
Alors, elle se rase régulièrement, mais conserve fièrement sa moustache.
La boulangerie qu’elle tient, avec son époux Joseph Delait, prospère et le couple décide alors d’ouvrir un café à Thaon-les-Vosges. Un jour où elle visite une foire, elle se fait interpeller par une femme à barbe. Cette rencontre va changer sa vie. Elle a 36 ans et décide alors de laisser pousser sa barbe. Son café est renommé « Café de la femme à barbe » et le succès est immédiat. Les clients affluent pour admirer Clémentine Delait portant une barbe frisée qui se dédouble en deux panaches.
Ayant un sens aigu du marketing, elle se met en scène buvant du champagne dans une cage avec deux lions. Ainsi, ce jour d’octobre 1903, 30 000 personnes se sont déplacées jusqu’à Epinal pour la voir. Des trains spéciaux ont même été affrétés pour faire le déplacement.
La mascotte des Poilus
Elle commence à vendre des cartes postales d’elle et signe des autographes à ses clients. Très coquette et féminine, elle pose en robe dans une calèche ou encore en promenant son chien. Pour ses photos, elle obtient même l’autorisation de s’habiller en homme, ce qui est à l’époque interdit aux femmes. Elle fait donc des portraits d’elle en tenues masculines avec cigare et bière.
Pendant la Première Guerre mondiale, elle s’engage à la Croix-Rouge. Elle soigne les blessés de guerre et devient la mascotte des Poilus qui s’échangent ses cartes. La guerre terminée, son mari est trop malade pour tenir une nouveau bar. Clémentine Delait ouvre alors une mercerie où la foule se presse.
À cette période le célèbre directeur de foire Phineas Taylor Barnum propose à la femme à barbe de le rejoindre pour trois millions de francs, offre qu’elle refuse. Elle commence à être invitée chez toutes les têtes couronnées d’Europe, comme le prince de Galles ou le Chah de Perse.
Veuve, elle se consacre pleinement à sa célébrité tout en rouvrant un bar à Thaon-les-Vosges. Elle y donne des représentations de cabaret, accompagnée de sa fille Fernande et d’un perroquet. Elle décède d’une crise cardiaque en 1939. Son épitaphe, qu’elle a choisie, est « Ici gît Clémentine Delait, la Femme à Barbe ».
Femme libre et féministe, elle voyage seule, porte des pantalons sur arrêté ministériel, s’amuse de la confusion des genres et rencontre les suffragettes.
Sources :
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