Alone in the Dark n’a pas encore dit son dernier mot. Souffrant d’épisodes de plus en plus loupés, la licence revient à ses origines avec un remake du premier volet. L’année 2024 signe donc le grand retour du détective Edward Carnby après des années d’absence pour une aventure passionnante, mais dont la rude concurrence semble avoir dépouillé l’âme de l’angoisse.
Voici un long moment que ce Alone in the Dark attirait notre curiosité. Licence fondatrice du survival-horror, les aventures lovecraftiennes de Carnby ont très vite perdu leur aura. Après sa redécouverte avec l’excellent mais controversé The New Nightmare (2001), la franchise enchaîne les résultats mitigés avant d’atteindre le ratage complet avec Illumination (2015). Depuis, le précurseur semblait disparaître, tandis que ses héritiers Resident Evil, Silent Hill ou encore Alan Wake propulsaient le genre de la peur au sommet.
Quand THQ Nordic annonça le reboot du premier épisode de la franchise légendaire, nous avions espoir qu’Alone in the Dark redore enfin ses lettres de noblesse et se les réapproprie. Après tout, de nombreuses productions AA se sont montrées bien plus fabuleuses que des gros hits au budget conséquent. Le résultat est-il au niveau de l’attente ? Sans prolonger le suspense, il s’agit d’une agréable expérience à découvrir, au détriment de toute surprise.
Nota Bene : Nous avons testé le jeu sur Xbox Series.
Alone in the Dark est de retour ! Carnby aussi !
Dans les confins inquiétants de la Louisiane, Edward Carnby (David Harbour) part à la recherche de Jeremy Hartwood, porté disparu après son internement au Manoir Derceto. Avec l’aide d’Emily Hartwood (Jodie Comer), la nièce de la victime, le détective va très vite se rendre compte que les choses ne tournent pas rond dans cet environnement plus hostile que prévu…
Premier constat : Alone in the Dark reprend beaucoup des codes récents élaborés par Resident Evil. Le maître du survival-horror semble s’apparenter à un concurrent des dernières tendances angoissantes du jeu vidéo. Ce schéma comparable se ressent dès les débuts du jeu.
Tout d’abord, nous avons le choix entre deux campagnes pour profiter du scénario. D’un côté, celle d’Edward Carnby et de l’autre l’histoire d’Emily Hartwood. Bien que partageant un point de vue différent de l’intrigue, il n’existe pas réellement de différences importantes entre les deux versions. Hormis quelques cinématiques et des révélations, rien ne justifie pleinement ce choix de personnages, si ce n’est pour permettre une durée de vie convenable, mais peu nécessaire. C’est assez crève-cœur puisque, des années plus tôt, The New Nightmare, proposait deux histoires inédites. Ce reboot propose donc un contenu plus généreux que l’original de 1992, mais paraît bien maigre lorsqu’on compare avec les autres survival-horror.
Egalement, l’un des problèmes provient de la structure du titre. Les séquences de tirs, les déplacements et les énigmes (bien ficelées)… Tout respire le déjà vu. On aurait vraiment voulu que le titre, libéré d’un imposant cahier des charges AAA, s’offre le champ libre pour de nouvelles expérimentations, quitte à dérouter son public pour le meilleur. Alone in the Dark se repose trop sur les lauriers bâtis par ses héritiers.
L’identité de la franchise en danger ?
Malgré les très bonnes intentions qui se dégagent de ce Alone in the Dark, il faut avouer que le titre n’arrive pas à se montrer considérablement marquant. Il manque cruellement de séquences qui saisiraient les joueurs à la gorge. Lorsque le titre se prête à l’exercice, il ne s’en sort pas si mal. Seulement voilà, il frôle trop souvent le manque d’idées. C’est tout aussi regrettable que l’œuvre n’essaie jamais la carte de l’innovation, pouvant prouver que la franchise resterait l’initiateur d’un genre entier.
Tout au long de la quinzaine d’heures requises, nous avons eu ce désagréable ressenti que l’héritage d’Alone in the Dark s’était éteint. Il n’en reste plus qu’un bon épisode plaisant, mais qui fait pâle figure face à la concurrence. Une ironie, puisque la saga a elle-même engendré des successeurs.
De plus, on a cette fâcheuse impression que le gameplay abuse de possibilités dont les développeurs de Pieces Interactive ne savaient pas quoi faire. Devaient-ils rester dans un style old-school ou assumer la modernité ? C’est simple, le jeu de Pieces Interactive et THQ Nordic ne sait pas sur quel pied danser.
Il suffit de deux exemples pour s’en rendre compte. Les défauts de caméra sont légion et les combats sont oubliables, tant ils sont loupés. Si le jeu n’est pas spécialement effrayant, ce sont bien les confrontations qui font peur pour leur manque d’inventivité. C’est très irritant de remarquer que le jeu ne prend pas en compte les dégâts visés. Alone in the Dark aurait pu se contenter d’un simulateur de marche plutôt que de placer des combats inintéressants dont on se serait bien passé, surtout que le bestiaire est très répétitif. Le titre n’avait pas besoin de ça, et c’est dans ce genre de situations que l’on se laisse tenter rapidement par le mode Facile. Précisons aussi que l’aventure est parsemée de bugs techniques redondants qui seront corrigés lors des prochaines mises à jour. Du moins, nous l’espérons réellement, tant ils gâchent la splendeur visuelle et sonore du jeu.
L’horreur, oui… mais avec beaucoup d’amour !
On pourrait craindre le pire avec tout ce que nous avons écrit autour du projet de THQ Nordic. Mais nous aurions tort de ne pas décrire le charme néo-noir dont bénéficie le titre. En effet, Alone in the Dark se montre brillant dans sa mise en scène. La passion et l’amour des développeurs pour la franchise se ressentent constamment, non pas dans son gameplay, mais bien dans sa réalisation. Les personnages sont sidérants de réalisme et attachants, tandis que leurs interprétations sont bluffantes. David Harbour et Jodie Comer sont tout simplement incroyables. Nous souhaitons vraiment les voir obtenir une nomination pour un prix d’acting. C’est très impressionnant pour un jeu contraint à des restrictions économiques et possédant quelques lacunes techniques.
Bien évidemment, la réalisation ne fait pas tout, puisque les dialogues sont bien écrits et l’intrigue toujours aussi maîtrisée. Le tout est gracieusement accompagné d’une bande originale savoureuse. Les oreilles seront envoûtées.
Notons également qu’en version française le travail de doublage mérite des louanges, tant les comédiens sont impliqués. Finalement, l’œuvre de THQ Nordic aurait aisément réussi à devenir un film d’animation. Cette volonté sincère de l’équipe de développement est un si bel atout que le jeu mériterait d’être joué juste pour admirer ce sublime travail de mise en scène.
Malgré son potentiel, le père du survival-horror n’est plus à la hauteur de sa légende. Alone in the Dark fête ses retrouvailles avec un reboot de bonne facture et très efficace. Doté d’un véritable amour et d’une sincérité des développeurs, l’hommage n’arrive malheureusement jamais à se hisser vers le sommet du genre. Beaucoup trop classique, imparfait et peinant à se démarquer, la frustration reste de mise alors que le jeu pouvait initier le retour tant attendu du Roi. Cela n’en est pas pour autant une excuse pour ne pas le découvrir, tant l’immersion sonore et visuelle est une réussite. Tous nos encouragements à l’équipe pour leurs prochaines œuvres !
One Reply to “« Alone in the Dark » : un bon titre qui pouvait être tellement plus… [TEST]”