« Alan Wake 2 » : pourquoi les jump scares sont indispensables à l’intrigue ?

"Alan Wake 2" : pourquoi les jump scares sont indispensables à l'intrigue ?

Alan Wake 2 continue de déchaîner les passions. Cependant, l’overdose de jump scares est souvent perçue comme un défaut au titre. Voyons les choses autrement et demandons-nous pourquoi les jump scares sont en fait indispensables à l’intrigue ?

Du point de vue de la presse vidéoludique, les jump scares d’Alan Wake 2 sont un point négatif du jeu qui ressort très souvent. Dans notre test sur Cultea, nous avions aussi reproché son utilisation assez abusive. Nullement pour une solution de facilité mais bien car ils n’apportent plus grand chose après plusieurs heures à traverser les horreurs de Bright Falls et de l’Antre Noir.

Nota Bene : L’article est une analyse autour d’un élément du jeu. Il comporte donc de nombreux spoilers sur l’intrigue.

Pourtant, leur utilisation abusive n’est finalement pas si anodine que ça. En réalité, rares sont les titres à penser ce procédé controversé comme un véritable élément scénaristique et non comme une facilité pour faire peur. Pour rappel, un jump scare est une image qui va brusquement apparaître à l’écran lorsque personne ne s’y attend. Son objectif est très souvent de faire sursauter, d’autant qu’un bruit particulièrement stressant s’ajoute à l’image. Très utilisé dans les films d’horreurs au point d’en frôler l’écoeurement, le jump scare fait controverse par rapport à son utilisation beaucoup trop facile pour couvrir le fait qu’une oeuvre ne fait pas peur.

On se souvient des nombreuses vidéos sur Youtube considerées comme tétanisantes car elles comportent un jump scare. Au cinéma, des films très moyens comme Le Croque-Mitaine couvrent leur absence d’inventivité et de mise en scène en attaquant le spectateur plusieurs fois de ces éléments. Cela devient prévisible…

"Alan Wake 2" : pourquoi les jump scares sont indispensables à l'intrigue ?
Nightingale est condamné…

Alan Wake 2 : la terreur à Cauldron Lake

On peut reprocher cette trop grosse utilisation dans Alan Wake 2 même si le titre de Remedy les a finalement utilisé avec ingéniosité. Ils font bien sursauter la plupart du temps mais leurs véritables intérêts résident dans l’approche fréquente de la menace. Plus l’Ombre Noire et les ténèbres prennent de l’ampleur et plus les visages de terreur seront plus nombreux.

Dès le début du jeu, le public est attaqué par ces jump scares incessants. Alors que l’agent disparu Nightingale sort du lac maléfique, il fuit, nu, traqué par quelque chose. Plus la menace se rapproche et plus l’image de sursaut est fréquente. Il est alors évident que les jump scares sont une représentation de l’Ombre Noire. Elle attaque, apporte des changements radicaux et tourmente le joueur ou la joueuse dans son avancée. Elle agit de deux manières distinctes par rapport à ces deux protagonistes. Pour Alan Wake, sa peur et sa confusion s’associent à ces images de terreur. Pour Saga, il sera question de transformations radicales à Bright Falls. L’un en est victime, la seconde est témoin.

De la pitié pour Cynthia Weaver

Il faut aussi souligner que le jump scare dans Alan Wake 2 n’est pas seulement significatif de la grandeur de la menace. Mais aussi un moyen d’éprouver de la peine pour les Possédés. Ainsi, les éléments nous permettent réellement de ressentir la souffrance du personnage de Cynthia Weaver. S’il est une personne que l’on pensait insensible à l’Ombre Noire, c’est bien elle. La Dame à la Lumière, follement amoureuse de Thomas Zane dont tout le monde a oublié l’existence, et que la population considère comme une excentrique. Malgré cela, elle était finalement la plus préparée à l’apparition du Mal.

Vivant recluse dans une centrale près d’un barrage lors du premier volet de 2010, elle ne laisse jamais les ombres l’approcher et reste constamment avec la lumière allumée. Plus encore, elle possède le Rupteur qu’elle confiera à l’écrivain. C’est donc avec une énorme tristesse que l’on voit la Dame à la Lumière terminer dans une maison de retraite presque délaissée. Ce sentiment est encore plus flagrant lorsque l’on voit que Rose, la serveuse du restaurant et nouvelle Dame à la Lumière, est la maîtresse des lieux. L’acharnement de jump scares montrant la lente transformation de Cynthia Weaver est terrifiante. Mais elle est surtout horripilante dans le sens où l’on voit le sadisme de Grincement la tourmenter autant alors qu’elle était autrefois inatteignable.

Les jump scares fréquents ressemblent à une allégorie de la souffrance de la vieille femme. Mentionnons le fait que Cynthia possède toujours un portrait de Zane dans sa chambre, rayant le visage de son épouse décédée Barbara Jagger, signifiant qu’elle l’aime toujours…

"Alan Wake 2" : pourquoi les jump scares sont indispensables à l'intrigue ?
Surprise lorsque l’on vient rendre visite à Cynthia Weaver pour la première fois… Quelle tristesse !

Pourquoi la maison de retraite Valhalla a des jump scares (trop) fréquents ?

Il pourrait même être suggéré que le chapitre dédié à Cynthia Weaver permet à Remedy de traiter un sujet de méfiance dans le cinéma d’horreur qu’est la gérontophobie, soit la peur des personnes âgées. Ils sont généralement perçus comme des êtres mesquins et monstrueux dans le cinéma horrifique. Par exemple, ils sont fous à lier dans The Visit de M. Night Shyamalan. Ils sont aussi porteurs de mauvais sort dans Jusqu’en Enfer de Sam Raimi. Cynthia Weaver est la Possédée la plus présente tout le long du chapitre de la campagne de Saga Anderson.

Consacrer un niveau entier dans une maison de retraite permet à l’équipe de développement de comparer la folie de l’Ombre Noire à la peur du vieillissement et ses conséquences. L’écrivain maudit distord violemment la réalité comme l’âge du corps humain peut entraîner cette même distorsion. La tourmente autour d’un personnage aussi tragique que Cynthia Weaver ne peut qu’être la métaphore de la maladie d’Alzheimer et autres maladies dégénérescentes.

Enfin, soulignons que la maison de retraite est très éloignée de Bright Falls, contraignant ses habitants à être éloignés de toute vie sociale (Rose n’étant pas une bonne compagnie, ne nous mentons pas…). Enfin, c’est le chapitre d’Alan Wake 2 contenant le moins d’actions mais il est le plus effrayant car sa morale est terrible. Avec ou sans Grincement, nous sommes à l’image de ces personnes âgées : seul(e)s et cloîtré(e)s entre les murs.

Bien que leurs utilisations soient trop fréquentes, les jump scares d’Alan Wake 2 sont hautement symboliques. Les images en deviennent un véritable personnage à part entière… Le studio Remedy interroge alors sur la distorsion de la réalité, la souffrance et l’ampleur du Mal qui s’étend sur Bright Falls. 

Bande-annonce Alan Wake 2 :

Sources : 

Photographe et réalisateur indépendant. Certains de ses films ont obtenus une soixantaine de sélections en Festival à travers le monde. Rédacteur chez Cultea, ses écrits sur le Traumatisme abordé dans le jeu vidéo sont publiés sur le site !

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