Une quinzaine d’années après la tentative de relance avortée de la franchise Tron, les studios Disney tentent une nouvelle prise de risques avec la sortie de Tron : Ares. Faisons-nous face à un nouvel échec en vue ? Une fois le visionnage terminé, on pencherait en effet plutôt de ce côté-ci de la balance.
Le cahier des charges à la Disney
Ce qui frappe en premier lieu face à ce nouveau volet de la franchise culte, c’est le classicisme de sa présentation. Si on y réfléchit quelques instants, on connaît les tenants et aboutissants de ce que sera le film. Le scénario ne tente pas de casser les codes ou de jouer avec nos attentes. Il nous délivre ce qu’il faut pour ne pas être surpris ou pris par l’aventure. L’histoire est littéralement cousue de fil blanc et tout cela est d’autant plus navrant quand on se remémore les quelques idées scénaristiques disséminées par Tron : L’Héritage.
On préfère nous faire suivre la crise identitaire d’Ares, incarné par un Jared Leto en statue de cire sortant le plus de fois possible sa phrase favorite. Le propos autour de l’IA aurait pu offrir un approfondissement bienvenu, mais ne propose qu’une exploration binaire avec un message positif et bien hollywoodien durant son final. Le film préfère se remémorer la gloire des années 80 à coup de fan-service et de références musicales et finit par devenir le legacyquel par excellence de Disney.

Vous avez aimé le premier Tron ? Alors, on vous fera replonger intégralement dans la structure du jeu de l’époque, sans expliquer concrètement comment. Le principal, c’est d’avoir sa dose de nostalgie remplie en sortant de la séance, n’est-ce pas ? Parce que si on commence à chercher une quelconque cohérence durant toute cette séquence, on en ressort dans une incompréhension totale.
Tout cela est bien dommage car il y subsiste quelques bonnes idées, comme la mort programmée de chaque exportation des programmes informatiques de Dillinger au sein du monde réel. Mort servie par une conception sonore glaçante avec un mélange de cris numériques et humains qui montre toute la tyrannie subie par ces machines.
On sent également le respect envers les précédentes œuvres de la saga. Même si le film tente de créer sa propre mythologie, il n’en oublie pas les portes laissées ouvertes par les précédentes réalisations, comme le sort de Quorra à la suite de son arrivée dans le monde réel en compagnie de Sam Flynn. Néanmoins, ces quelques références au deuxième opus nous remettent en mémoire l’ambition visuelle perdue de la franchise.

La réalisation n’apporte aucun souffle à ce qui est montré. Joachim Rønning ne prend pas à bras-le-corps le récit et n’apporte pas sa propre vision dans l’univers riche de Tron, en préférant faire le strict minimum. Les scènes d’action sont d’une lenteur affligeante et finissent par desservir le côté intimidant de ces programmes militaires. Ils sont ridiculement inoffensifs, alors qu’ils sont vendus tout le long du film comme la nouvelle grande puissance militaire du XXIe siècle. Cela se ressent encore plus fatalement durant le combat final avec un Reconnaisseur aussi fragile qu’imposant.
Il ne subsiste que la course-poursuite sur les mers du monde virtuel de Dillinger qui possède un semblant de rythme grâce à la BO du groupe Nine Inch Nails. Le retour du groupe mythique des années 90/2000 fait pâle figure face à la composition des Daft Punk pour Tron : L’Héritage. Même si quelques morceaux s’en sortent avec les honneurs, l’ensemble manque d’impact et n’arrive pas à se démarquer de l’image, au contraire de la BO de la suite du premier Tron.
Le monde virtuel, élément phare des précédents volets, fait ici acte de présence. Le plus important dans Tron : Ares n’est pas l’immersion dans cette dimension. C’est là le virage le plus casse-gueule de ce troisième film. Alors que les précédents volets nous plongeaient pendant les trois-quarts du film dans ce monde virtuel, Tron : Ares décide de rester la majorité du temps dans notre réalité. Ce changement ambitieux aurait pu être salué, mais le problème réside dans ce qui en est fait, essentiellement avec le personnage d’Ares.

Jared Leto, pierre angulaire d’un projet bancal
Ares est la personnification typique de ce que joue Jared Leto depuis quelques années. Un méchant pas si méchant possédant un cœur au fond de son système et qui cherchera à comprendre pourquoi, tout en venant en aide à ceux qui montrent de l’empathie à son égard. Sa caractérisation est également mal définie tout le long du long-métrage, en étant tout d’abord présenté comme un programme informatique créé pour tuer, mais qui sortira par moment des références aux années 80.
Comment rendre crédible un outil informatique qui te parle en profondeur du groupe Depeche Mode ? On nous explique ici implicitement que Dillinger a créé une machine à tuer, tout en y insérant en son sein des fiches Wikipédia des références artistiques et culturelles de différentes époques. Belle cohérence globale.
Il est louable de la part de Jared Leto d’avoir maintenu en vie ce projet durant dix ans, mais le fait d’avoir eu la main sur la partie créative n’a pas offert que des bonnes idées. On a parfois plus l’impression de voir Jared Leto s’amuser dans le monde de Tron que de voir Ares interagir avec ce qu’il l’entoure. C’est durant ces moments-là qu’on se demande à qui ce film est destiné.

Tron : Ares est un miracle. D’abord vu comme une suite directe de Tron : L’Héritage, puis mis sous appareil respiratoire pendant de nombreuses années, ce troisième film est la synthèse d’une conception longue et fastidieuse. En faisant l’analyse complète de ce qu’il propose, on finit par se pencher sur l’audimat visé par Disney.
Aux fans de la première heure ? Ils seront peut-être comblés par la séquence nostalgique dans la première version de la Grille. A ceux qui veulent être immergés à nouveau dans le monde virtuel de la franchise ? A raison de deux-trois séquences vite expédiées, la satisfaction risque d’être absente. A une nouvelle branche de fans ? Sa conception bâtarde s’inspirant des legacyquels aura du mal à les convaincre d’embarquer dans l’aventure.

Il n’empêche que Disney veut y croire en laissant des portes ouvertes à d’éventuelles suites, avec en prime une scène durant le générique qui ne donne pas franchement envie. On finit par avoir l’étrange sensation d’avoir déjà vu ce genre de films par le passé.
Star Wars : Le Réveil de la Force proposait le même genre de postulat. On reprend à peu près les mêmes et on recommence, sans pour autant proposer de réelles innovations pour ne pas faire tiquer l’audience. Mais à ne vouloir froisser personne, on finit par ne combler personne.
Tron : Ares n’est pas la prise de risques que l’on attendait. A trop vouloir rester dans les clous pour attirer le plus de gens possible, le film finit par ne rien proposer. Une neutralité qui tue tous les concepts repris dans le passé de la franchise, ainsi que ceux introduits par ce troisième volet. Il ne reste plus qu’à voir les résultats au box-office pour connaître le potentiel futur de la saga, entre cryogénisation complète ou retour potentiel inespéré.
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