« F°1. Disparition de 3 bagues. Nuit du vendredi 14/3. (Basson gardien de nuit). Emballade pendant la nuit de tableaux expédiés le samedi soir. » C’est ainsi que commencent les notes de Rose Valland, conservatrice au musée du Jeu de Paume pendant la Seconde Guerre mondiale. Cultea met en lumière cette résistante oubliée.
Née en 1898 dans un village près de Grenoble, Rose Valland est issue d’une famille modeste. Après son certificat d’études, sa mère la pousse vers de grandes études. Elle intègre l’Ecole normale avec pour but de devenir institutrice. Mais détectant un don certain pour le dessin, on la pousse à intégrer les Beaux-Arts de Lyon. C’est là qu’elle mettra un premier pied dans le monde de l’art, avant d’intégrer les Beaux-Arts de Paris.
Exfiltrer les tableaux
En 1932, elle devient l’assistante d’André Dézarrois, conservateur du musée du Jeu de Paume. Mais Dézarrois malade, Rose Valland prend rapidement les rênes.
Alors que la guerre est à son commencement en 1939, la France a conscience de l’attrait des nazis pour l’art. Il faut donc réagir. On charge Rose Valland d’évacuer les œuvres les plus précieuses du musée du Jeu de Paume. Le 1er septembre 1939, 483 tableaux sont acheminés en direction du château de Chambord, où ils seront conservés à l’abri.
Mais la conservatrice ne s’arrête pas là. Elle fait aménager des pièces secrètes aux sous-sols du Jeu de Paume, pour y cacher 524 peintures et 92 sculptures. Elles ne seront jamais découvertes par les occupants.
Prendre des notes, un acte de résistance
L’occupation allemande autorise Rose Valland à rester dans les locaux du Jeu de Paume. Seule témoin du pillage organisé, elle entreprend de consigner les vols des œuvres. Parlant allemand sans que les occupants nazis ne le sachent, cela lui donne la possibilité de laisser traîner ses oreilles dans des discussions confidentielles. Affectée au bureau du téléphone, elle mettra en place une stratégie bien rodée. Elle récupère dans les corbeilles les feuilles des machines à écrire sur lesquelles se trouvent les informations concernant les œuvres et leurs destinataires. Elle les ramène ensuite chez elle, les copie, puis les ramène le lendemain pour ne pas éveiller les soupçons.
Un jour, un officier allemand la surprend en train de récupérer un papier et lui fait savoir que l’espionnage est passible de mort. À mesure que la guerre approche de sa fin, Rose Valland fait l’objet de plus en plus de soupçons. Elle est suivie, fouillée, et est même condamnée à être déportée. La fin de la guerre la sauve de justesse.
Aujourd’hui, les notes de Rose Valland ont été transcrites et publiées sous le titre Les carnets de Rose Valland.
L’après-guerre : restituer les œuvres
Après la guerre se crée la commission de récupération artistique, une instance chargée d’enquêter sur les œuvres d’art volées. Rose Valland demande évidemment à être de la partie. Ses notes sont des informations essentielles pour tracer les destinations des tableaux. Elle passera plusieurs années à Berlin pour chercher elle-même les œuvres volées. En 1949, 60 000 œuvres sont retrouvées et 45 000 d’entre elles sont restituées à leurs propriétaires ou à leurs descendants.
À la mort de Rose Valland en 1980, les recherches et les restitutions s’essoufflent. Pendant 70 ans, le musée du Louvre a conservé un tableau de Moroni pillé, alors que le nom et l’adresse du propriétaire se trouvaient au dos. À ce jour, près de 2 000 tableaux volés par les nazis puis retrouvés se trouvent encore dans les musées nationaux français. En 2020, le descendant de René Gimpel, un collectionneur d’art volé puis déporté, a attaqué en justice deux musées, ainsi que l’Etat. Trois tableaux appartenant à sa famille sont toujours exposés, faute de leur avoir été rendus.
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