« Roqya » : le sorcier tue mais n’hérite jamais [critique]

Dans sa violence soutenue de bout en bout, Roqya nous raconte une histoire de sorcellerie moderne. Ici, pas de conte de fées fantasmagorique, mais une réalité étouffante qui emporte son spectateur dans une spirale infernale. 

Violence sagace

Roqya nous transporte dans le business malhonnête de Nour, une mère célibataire qui promet monts et merveilles avec un site de sorciers et divers marabouts. Chacun peut y trouver son compte et soigner ses malheurs avec des spécialistes en tout genre. Elle vend aussi des animaux exotiques, un commerce florissant et absolument terrifiant. Son fils de 13 ans, Amine, l’aide dans son projet au grand désarroi, de son père Dylan, un homme violent et possessif.

Le cadre initial n’est pas sain et la violence va évoluer de manière graduelle. Le film sait très bien gérer son rythme, imploser puis exploser quand c’est nécessaire. Mais la violence reste toujours en toile de fond, prête à nous sauter au visage quand elle ne nous met pas sous tension. Elle est brute, dans des séquences sans fioriture, souvent longues et avec peu de plans. On se concentre sur l’action pure, jusqu’à parfois en avoir la nausée. Si on ne fait que frôler le gore sans jamais l’atteindre, le film maîtrise sa mise en scène et son ton horrifique.

Le cercle vicieux mis en place se referme quand Nour va se retrouver la cible de son quartier, accusée d’être une sorcière meurtrière.

La chasse aux sorcières : un éternel recommencement 

Nour, interprétée par une Golshifteh Farahani absolument exceptionnelle, n’est pas une enfant de cœur. Mais plus l’histoire avance, plus on se rend compte qu’elle n’est qu’un petit poisson dans un océan d’affreux pontes. Une anti-héroïne qui s’est prise dans un jeu dangereux et qui se fait ronger par le regret. Similaire aux têtes d’affiche des rape and revenge, Nour part en quête de vengeance pour récupérer une partie d’elle (ici, son fils.)

Dans Roqya, les sorciers partent à la chasse aux sorcières. La croyance est la véritable antagoniste qui prend possession des désespérés comme un diable. Tout s’envenime dans la réécriture d’une histoire éternelle. Nour est seule contre tous, dans un monde où se mélangent croyances occultes et haine des femmes.

C’est la coupable idéale, telle une sorcière de Salem. Dans un monde de personnes malhonnêtes, dont elle fait amplement partie, on la désigne elle seule.Cette réécriture de la chasse aux sorcières est particulièrement intéressante, puisqu’elle s’ancre dans des croyances modernes, partagées par plus de monde qu’on ne pourrait l’imaginer.

A travers Roqya, on touche à plusieurs sujets de société modernes plus ou moins sous-jacents : la médecine alternative et ses dangers, la violence conjugale, l’hypocrisie innée de la misogynie. Un film poignant qui peut seulement souffrir d’un manque d’accessibilité quant à son sujet principal et quelques nœuds narratifs parfois trop pressentis. Unique cependant, et d’une importance non négligeable dans le paysage cinématographique actuel. Roqya sort en salles le 15 mai.

La bande-annonce de Roqya

Rédactrice cinéma, séries et jeux vidéo spécialisée dans la FGC.

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