Alors que le Festival d’Avignon est terminé, nous sommes allés à la rencontre de la Compagnie Plumea après avoir découvert les oeuvres marquantes Soeurcières et Balayer, Fermer, Partir au Théâtre des Lila’s. Rencontre avec les deux artistes en représentation, Charlotte Arnould et Adèle Duportal.
Bonjour à vous deux. Pouvez-vous me parler de la compagnie Plumea ?
Adèle : Plumea est née fin 2017, j’avais l’envie de créer une compagnie à l’image de ce à quoi je crois et que je défends. J’ai cherché à créer une compagnie de danse hybride, colorée, poétique et engagée. Scénographie, costumes, danse voltige, contemporaine, écriture et mots se mélangent. La danse c’est cela aussi, beau et éphémère qu’une plume qui tombe. Plumea c’est une recherche permanente d’équilibre entre l’envol et la chute.
Quel est le genre de projet que vous défendez ?
Adèle : Dans la compagnie, je défends des projets engagés et poétiques. J’aime les créations artistiques hors les murs. Déranger les codes. Mais surtout transmettre la joie du mouvement, du jeu, le rêve, l’imaginaire.
Pouvez-vous me raconter la genèse du projet « Soeurcières » ?
Adèle : Sœurcières est née de l’envie de proposer un autre modèle inspirant aux enfants. On nous apprend à nous méfier des sorcières, jamais de ceux qui les ont brûlées. Un peu comme un Disney, je voulais créer un conte poétique avec plein de sens cachés, qui émerveillent et avec une ritournelle qui revient, reste en tête et qu’on chante à tue-tête : l’hymne des femmes! Sœurcières est la 4ème pièce jeune public de la Cie Plumea. Elle est dans la même veine que les autres : une scénographie très présente, des univers colorés, de la poésie et en même temps des messages et un engagement fort. La rencontre avec Charlotte a permis au projet de s’envoler et de prendre une dimension sorore !
Charlotte : Adèle est venue me cueillir à l’orée de ce merveilleux projet. C’est dans une énergie sorore et créatrice que nous nous sommes trouvées à mon grand enchantement. « Soeurcières », quel titre formidable ! Quand j’étais petite, j’avais peur des sorcières, elles étaient enlaidies, vieillies, bien souvent méchantes… On les a toujours diabolisées alors qu’on aurait dû les honorer. Nous sommes conditionnées à suivre un modèle unique, à fonctionner sur une pensée unique mais c’est hors de question! Quel ennui et surtout, quel danger ! Le danger, ce sont tout sauf les sorcières.
C’est vraiment courageux de porter de nombreux messages aussi importants, surtout dans un festival aussi prestigieux qu’Avignon. Comment s’est déroulé la première ?
Adèle : Je suis agréablement surprise des bons retours du public, malgré l’engagement et le militantisme de la pièce ! Nous portons les couronnes des Femen, nous collons, nous revendiquons nos idées féministes mais en douceur et en poésie et cela touche notre public pour l’instant, quelle chance ! Et quelle joie de pouvoir transmettre cela !
Charlotte : Les retours ont été hyper positifs. Ce fut très motivant, stimulant. J’avais peur que ce soit vu avec des idées réfractaires alors que pas du tout. Nous pouvons continuer à revendiquer nos idées féministes car justement elles sont amenées avec douceur, poésie et magie !
J’espère ne pas être hors sujet mais dans mon article, j’ai mentionné que Soeurcières représentait aussi une séance funéraire. Plusieurs interprétations sont possibles ?
Charlotte : Oui tout à fait, nous rendons « femmage » à nos sœurs mortes, à toutes les sorcières brûlées, tuées, rendues inexistantes… Toutes ces femmes réduites au silence, réduites à néant, nous leur rendons vie avec beaucoup d’humilité et de dignité.
Charlotte, vous possédez les seules répliques du spectacle. Tout le reste est porté sur des chansons et de la musique. C’était volontaire ?
Charlotte : Oui, c’était volontaire. Les silences étant pour la plupart tellement significatifs. Les situations parlant d’elles mêmes, il n’y avait pas besoin d’en rajouter par la parole, l’univers étant déjà suffisamment riche.
Une anecdote intéressante qui vous tient à cœur sur le projet ?
Adèle : Ce début de festival a eu une saveur toute particulière car Angélique Ionatos est décédée le 7 juillet, jour de notre première, dans la ville Les Lilas. Angélique Ionatos est très présente dans l’univers et les pièces de Plumea et une de ses magnifiques chansons est présente dans Sœurcières, elle est donc chaque jour dans nos pensées pour ce festival.
Charlotte : Durant une représentation, Adèle m’a regardé avec insistance alors que d’habitude à cet endroit du spectacle elle ne le fait pas. Interloquée moi même, j’ai observé ses yeux écarquillés, interdite, jusqu’à ce qu’elle éternue et que je ris intérieurement très fort. C’était à un moment très fort du spectacle où le rire n’est pas au rendez vous alors il fallut bien s’accrocher pour ne pas que le rire ne s’échappe.
Adèle, pouvez-vous me parler de votre second spectacle « Balayer, Fermer, Partir » ?
Adèle : Le projet a démarré en 2015 avec l’envie de se questionner sur : en quoi l’écrivain a-t-il un impact sur l’art de danser. Je connaissais le texte de Lise Beninca depuis de nombreuses années et donc, rapidement j’ai voulu travailler dessus. Le projet a commencé avec l’aide précieuse de Laure Buathier. Au début ça durait 4 minutes, puis 8, puis 12, puis 20. J’ai beaucoup aimé cette pièce et j’aime terriblement ce texte que je ne cesse de relire et de travailler. Et fin 2017, au moment de la création de Plumea, je l’ai retravaillé en 1 heure et depuis, Mathis Maier a créé un nouveau bourdon et le piano. Beaucoup de la pièce du départ est encore présent dans cette nouvelle version.
Justement, avec le texte, on réalise que la pièce laisse facilement imaginer le lien entre votre personnage et la maison.
Adèle : L’essence de la pièce vient de comment habiter les mot. Danser avec eux. Etre en opposition à eux. En résonance, les anticiper, mettre le focus sur la danse, ou sur les mots.
Malgré la fin du Festival d’Avignon, il y a de grandes chances que l’on entende parler de la compagnie Plumea à travers d’autres représentations. On leur souhaite bon courage pour la suite.