Qui était Albert Londres ?

Berangere Duquenne
Berangere Duquenne
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Très connu dans le milieu du journalisme, Albert Londres est aussi un nom que tout le monde a déjà entendu. Journaliste émérite, il a donné son nom au célèbre prix qui récompense les reporters.

Albert Londres est né en 1884 à Vichy dans une famille modeste. Lorsqu’il se lance dans l’écriture, ce n’est pas en tant que journaliste, mais en tant que poète. Il monte à Paris en 1903 et publie son premier recueil : Suivant les heures. À la même période, il met un premier pied dans le monde de la presse en devenant correspondant parisien pour le journal lyonnais Le Salut Public. Puis, deux ans plus tard, il intègre l’équipe de rédacteurs du quotidien Le Matin. Pendant plusieurs années, il écrit des articles non signés sur la vie de l’Assemblée nationale.

La carrière d’Albert Londres décolle lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale. Réformé à cause d’une santé fragile, il reste l’un des seuls journalistes à pouvoir suivre les combats. Il devient donc correspondant de guerre. En septembre 1914, il publie ses premiers grands reportages, signés de son nom. En 1915, il quitte Le Matin pour Le Petit Journal. Pendant deux ans, il couvre les combats aux Balkans et en Italie. Dans l’un de ses articles, il écrit que « les Italiens sont très mécontents des conditions de paix concoctées par Clemenceau, Lloyd George et Wilson ». Clemenceau, alors président du Conseil, apprécie peu la critique du reporter et ordonne son licenciement. L’indépendance de la presse n’étant à l’époque pas ce qu’elle est aujourd’hui, il l’obtient et Albert Londres quitte le journal.

Un reporter engagé

Le reporter a travaillé pour de nombreux journaux : l’Excelsior, Le Petit Parisien, Le Journal… Envoyé sur les zones de guerre, il parcourt différents pays. Mais son objectif reste le même : dénoncer la propagande militaire et rendre compte de la réalité de la guerre. Après avoir couvert les combats en France, il se rend en Russie, en Chine, au Japon, où il raconte la folie des dirigeants et la détresse des peuples. Il se rend également en Inde, où il décrit le combat de Ghandi.

Les reportages d’Albert Londres font réagir l’opinion, mais aussi les pouvoirs en place. Il ne mâche pas ses mots et n’hésite pas à dénoncer. En 1923, il se rend en Guyane où il dénonce les conditions de vie dans les bagnes où sont déportés les prisonniers politiques français :

« Enfin, me voici au camp ; là, c’est le bagne. Le bagne n’est pas une machine à châtiment bien définie, réglée, invariable. C’est une usine à malheur qui travaille sans plan ni matrice. On y chercherait vainement le gabarit qui sert à façonner le forçat. Elle les broie, c’est tout, et les morceaux vont où ils peuvent. »

Il dénonce également les conditions des cyclistes du Tour de France, le trafic de Françaises envoyées en Colombie pour devenir des prostituées ou encore l’exploitation des travailleurs au Sénégal pour construire des voies ferrées. Malgré les critiques des autorités, Albert Londres croit en les valeurs du journalisme :

« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »

Une mort suspecte

Le 16 mai 1932, Albert Londres est en mer dans un paquebot qui le ramène de Chine à Marseille. Dans ses valises, il ramène un reportage dont lui seul connaît la teneur. Pas même Le Petit Journal, pour qui il travaille, ne connaît le sujet de son enquête. Il aurait simplement confié avant de prendre la mer qu’il s’agissait « de la dynamite ».

Sauf que, dans la nuit, un court-circuit provoque l’incendie du bateau. La plupart des passagers réussissent à s’échapper par les canots de sauvetage ou avec l’aide d’un navire russe. Mais une cinquantaine de personnes manquent à l’appel, dont Albert Londres.

Bien que l’enquête confirme l’hypothèse d’un incendie accidentel, il reste des soupçons sur la mort du grand reporter. Un couple d’amis voyageait avec lui, les Lang-Willar. Secourus du naufrage par un avion spécial, on suppose que ce sont eux qui avaient récupéré les informations recueillies par Londres. Mais leur avion s’écrase. La coïncidence est, pour beaucoup de personnes, trop forte. Le 6 juin, Le Figaro accuse ouvertement les communistes d’être responsables de ce drame.

Depuis 1933, le prix Albert-Londres récompense les meilleurs reporters francophones. Aujourd’hui, il se décline en plusieurs récompenses : une pour la presse écrite, une pour l’audiovisuel et une autre pour le livre.

 

Sources :

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