Le 16 février 2022, mourrait au Chili Cristina Calderon. Elle était l’ultime locutrice du yagan, langue du peuple éponyme de la Terre de Feu, dite « isolat », sans relation identifiée avec une autre. Sa disparition éclaire le désastre des extinctions des langues amérindiennes depuis la colonisation du continent.
De la fragilité des langues autochtones
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’éducation et la culture (UNESCO), 7 000 langues sont utilisées dans le monde. Mais chaque année, 20 d’entre elles disparaissent…
Au XVe siècle, les Européens intensifient leurs relations avec l’Amérique du Sud. Il existe alors entre 600 et 800 langues sur le continent. Mais la colonisation décime la diversité vernaculaire et les sociétés indigènes préservées de contacts répétés avec le Vieux-Continent parviennent à maintenir un noyau de locuteurs, clé de la pérennité de leurs langues souvent elles aussi « isolats ». Celles-ci, selon les ethnologues, se seraient formées indépendamment et transmises à travers les âges par tradition orale.
Celle que les descendants yagan appelaient « grand-mère Cristina » était devenue un symbole de résistance des langues autochtones des communautés du continent. En 2009, le gouvernement chilien l’avait même reconnue comme un « trésor humain vivant ». Agences internationales et universitaires luttent ouvertement depuis des décennies contre les discriminations que les locuteurs de langues indigènes subissent, en plus de l’homogénéisation culturelle qui, souvent en Amérique latine, a fondé ses nations contemporaines.
Les logiques de la colonisation
Selon l’Etat argentin, le pays compte aujourd’hui 35 peuples indigènes. Parmi eux figurent les Kollas, les Tobas ou encore les Mapuches, également présents au Chili. Depuis la colonisation espagnole, les autochtones sont passés de 70 millions à 600 000 habitants seulement. En cause, les épidémies contractées au contact des Européens ou encore l’appropriation de terres privant de moyens de subsistance les populations.
En Argentine, un épisode fondateur du mythe politique divise tant par la violence dont il témoigne que par les motifs brandis pour en justifier les campagnes de nettoyage ethnique. La « conquête du désert » est menée par le général Julio Argentino Roca entre 1879 et 1881. Dans son expansion territoriale et sa conquête des régions habitées par les Mapuches, de la Pampa à la Patagonie, l’Argentine a fondé l’histoire de son Etat-nation sur sa guerre menée contre les populations indigènes du sud du pays.
La disparition de Cristina Calderon, et avec elle, d’une langue de plus du continent, reliquat de son histoire pré-coloniale, ravive les plaies des héritages autochtones de l’Amérique latine. Sensibiliser à leur vulnérabilité revient également à en honorer les traditions et la mémoire.
Sources :
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