La neutralité de la Suisse est connue de tous. Ce désengagement s’est pourtant écrit dans le sang, et reste contesté aujourd’hui. Retour sur une prise de position diplomatique si singulière.
Aux origines de la neutralité
Il faut d’abord rappeler ce qu’est la Suisse. Quand l’on pense à notre voisin, il faut s’éloigner d’une conception d’État-Nation. Le pays est regroupé en cantons, c’est à dire en régions distinctes. Il ne s’agit pas ici d’une population ou d’une culture homogène, mais plutôt d’un subtil alliage issu d’un passé militaire. Étonnant lorsque l’on parle de la Suisse, non ? Et oui, la Confédération helvétique se fonde sur un traité fédéral symbolisant l’alliance diplomatique entre 3 cantons, débutée en aout 1291. La signature est capitale, puisqu’elle entraine d’autres régions à se greffer, cherchant elles aussi un soutien militaire. Avant le XVIe siècle, les Suisses étaient donc de redoutables guerriers, habitués à combattre en montagne et dotés d’un excellent sens tactique.
Mais tout changea en 1515, lors de la bataille de Marignan, qui opposait Français et Confédérés. Les sujets de François 1er sont victorieux, et les Suisses se voient imposer le traité de Fribourg. En quoi consiste-t-il ? Ce dernier signe une « paix perpétuelle », renouvelée jusqu’à la Révolution française. La neutralité nouvellement instaurée va faire ses preuves durant la guerre de Trente Ans (1618-1638). En effet, alors que protestants et catholiques se déchirent dans toute l’Europe, la Confédération voit ses habitants vivre en paix. Plus encore, la Suisse ne prend part à aucun conflit, et se contente de vendre des armes aux belligérants.
Invasion française et réformes
Pourtant, la Révolution Française va briser cette neutralité, lorsque la Confédération est envahie par l’Hexagone. L’armée va tenter d’asseoir sa domination en imposant une République helvétique. L’idée était de réunir les cantons de manière homogène sous la bannière de l’envahisseur, une première pour la Suisse. Le projet se solde finalement par un échec retentissant. Afin de conserver une souveraineté sur ce peuple si divers, Napoléon va par la suite instaurer l’Acte de Médiation ; rétablissant une Confédération toujours sous domination française.
C’est réellement après l’occupation napoléonienne que la Suisse put retrouver sa neutralité. Durant l’année 1815, le Congrès de Vienne, ainsi que le Traité de Paris, reconnaissent l’inviolabilité de son territoire, droit qui fut réaffirmé par les conventions de La Haye de 1907. Depuis, le pays ne s’est engagé dans aucun conflit.
La conséquence de ce retrait est aussi juridique. En effet, le statut si particulier de la Suisse l’empêche de faire partie d’une quelconque organisation mondiale, comme l’Union Européenne ou l’Otan. À l’inverse, la Confédération fait parfois office de lieu de rendez-vous politique. On peut noter récemment la première rencontre entre Joe Biden et Vladimir Poutine, qui eut lieu en périphérie de Genève. La neutralité a d’ailleurs favorisé le développement de certaines institutions, comme le Comité International de la Croix Rouge, fondé à Genève en 1863.
Finalement, le dernier conflit remonte à novembre 1847, lors de la guerre de Sonderbund. Celle ci voyait s’affronter 7 cantons dissidents et le reste du pays, mais le conflit ne dura qu’un mois ! Depuis, plus rien. Ce qui a valu à la Suisse de célébrer, en 2017, la 170e année de paix consécutive.
Une prise de position contestée
Pourtant, une telle neutralité n’est pas sans conséquences. Cette mise à distance a en effet été reprochée à certaines reprises. Par exemple, la Suisse a tiré des avantages financiers de l’Holocauste, en commerçant avec l’Allemagne nazie. Des réfugiés juifs furent renvoyés et repoussés à la frontière, alors même que la Confédération connaissait l’existence des camps de la mort. On voit ici la version « absolue » de la neutralité, qui surpasse la morale même.
Malgré un passé militaire qui lui a valu d’être crainte dans toute l’Europe, la Suisse a finalement décidé de ne plus prendre part à aucun conflit. Il est malgré tout amusant de noter que la Confédération reste obnubilée par la guerre. Le service militaire masculin est obligatoire, et les hommes peuvent conserver leur arme, afin de protéger leur foyer. De ce fait, la Suisse est le pays avec le 3e taux d’armes par habitants au monde ! Une statistique qui contraste avec leur désengagement total.
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