Athènes est souvent invoquée comme le berceau de la démocratie, comme le modèle parfait de participation politique. Basé sur le tirage au sort, ce système semble assurément égalitaire. Il disparaît pendant longtemps et la démocratie renaît sous une autre forme avec les Lumières au XVIIIe siècle.
La démocratie athénienne : fonctionnement
C’est un système dit de « démocratie participative ». Les citoyens, par tirage au sort, intègrent les organes de décision par roulement. Ils votent les lois à main levée, élisent une partie des magistrats et jugent les hommes politiques. Les citoyens proposent les lois. Le Conseil des Cinq-Cents (ou Boulè) qui siège sur l’Agora, examine les propositions de lois, les prépare et donne son accord pour leur vote. L’Ecclésia se réunit ensuite sur la colline de la Pnyx : ce sont environs 6 000 citoyens qui votent la loi, qui doit être adoptée à la majorité. L’Ecclésia est représentative de tous les citoyens, alors que la Boulè représente les tribus.
Les magistrats ont une place à part : ils se chargent de veiller à l’application des lois et occupent des postes exécutifs divers. De chefs de guerre à chefs religieux en passant par la trésorerie de la cité, les magistrats ont de grands pouvoirs. Leur grand nombre et leur diversité permet de ne pas tomber dans la tyrannie. Les stratèges, magistrats de la guerre, détiendraient en effet bien trop de pouvoir s’ils étaient seuls à leur poste.
Les Athéniens ont aussi prévu la défense de leur système politique grâce à l’Aréopage. Il s’agit d’un conseil de notables chargés de veiller au respect de la constitution. Finalement, l’Héliée est le tribunal populaire permettant à chaque citoyen d’en dénoncer un autre. Il n’y a pas de juges à proprement parler : chaque personne qui siège détient une voix. Les jugements se font à l’appréciation des citoyens qui interprètent eux-mêmes les lois.
Le tirage au sort, une mascarade ?
Le tirage au sort n’est pas réellement le fondement du pouvoir à Athènes. Pour commencer, la comparaison avec nos démocraties est biaisée. Il n’est pas possible de rapprocher l’époque contemporaine et la cité antique d’Athènes. D’abord, les maîtres d’esclaves ne travaillaient pas, ce qui leur laissait du temps pour la politique. La taille de la population n’est pas non plus comparable (plus de 60 millions de personnes en France contre environ 250 000 en -500 à Athènes). Dans cette même population, les citoyens ne sont pas si nombreux. « Il n’y a pas d’Athéniennes », écrit Nicole Loraux. Et pour cause, à Athènes, les Athéniennes n’ont que peu de place dans la vie de la cité. Par ailleurs, très peu ont accès à la citoyenneté : la « démocratie » exclut les étrangers, les esclaves et les femmes.
Il existe alors 600 places de magistrat par tirage au sort et 100 par élection. Les places les plus importantes sont remplies par des élus, et non des tirés au sort. Le sort n’est d’ailleurs pas totalement aléatoire : il faut que le citoyen ait au moins 30 ans, soit candidat et ne soit pas sous le coup d’une privation des droits politiques. Le tirage au sort ne porte pas sur l’ensemble des citoyens, mais seulement sur les citoyens se portant candidats, et les postes de pouvoir sont électifs. Par exemple, les stratèges, magistrats les plus puissants, sont élus pour un an.
Les « protecteurs » de la démocratie
Même l’Aréopage ne constitue pas en soi une barrière contre l’aristocratie : il représente l’aristocratie. Ce sont en effet des notables qui sont en charge de la protection de la constitution. Finalement, le tribunal de l’Héliée n’est pas non plus un exemple. À l’heure où tout citoyen peut en dénoncer un autre, les Athéniens utilisent la juridiction pour résoudre des querelles personnelles. Son fonctionnement, permettant au gagnant de récupérer une part de l’amende à payer par le perdant, incite également à intenter des procès de mauvaise foi motivés par l’avidité.
Même à Athènes, le tirage au sort ne permettait pas ou peu de participer à la vie démocratique. Les notables accaparaient les postes les plus influents, et nos démocraties d’aujourd’hui n’ont rien à envier aux règles de la citoyenneté athénienne.
- Thomas Ehrard – Grands enjeux politiques contemporains (Cours à l’Université Paris-II)
- Françoise Collin – Mythe et réalité de la démocratie
- Wikipédia – Démocratie athénienne
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