La France est connue pour ses magnifiques villes, frappées par l’Histoire. Paris, Marseille, Nantes ou encore Lille… Mais une ville du Loiret (45) est trop souvent oubliée. Pourtant, c’est en son sein qu’est né le Parti communiste chinois, en 1921. Il s’agit de Montargis. Découvrez les dessous de cette histoire peu connue.
4 000 Chinois arrivent à Montargis
Tout commence à la fin du XIXe siècle, à l’aube du XXe. Les Chinois, qui juste là n’avaient pas vraiment l’autorisation de quitter leur pays, ont pu changer de vie.
Avec la construction du port de Wenzhou en 1876, les portes de Chine s’entrouvrent sur le monde. Les Chinois qui désiraient découvrir de nouveaux horizons peuvent alors prendre leur envol. Ainsi démarra la diaspora chinoise. Certains décidèrent de venir en France, notamment à Paris. La première communauté chinoise s’implante alors dans ce pays.
D’autres, au nombre de 4 000, décident d’aller un peu plus bas que Paris. Ils s’installent dans une magnifique ville du Loiret, Montargis, notamment grâce à un mouvement Travail-Etudes, créé en 1912 par Li Shizeng, un philanthrope chinois. Ce dernier était persuadé que la jeunesse chinoise avait besoin d’aller en France pour travailler et gagner en expérience. Une fois arrivés sur le sol montargois, certains s’orientent vers les études. D’autres décident d’aller travailler.
Aujourd’hui, ce sont des étudiants. Demain, ce seront des révolutionnaires
Parmi les 4 000 Chinois qui sont arrivés à Montargis entre 1902 et 1927, quelques-uns s’avèrent être des amis de Mao Zedong en personne. Lui ne fera pas le voyage, par faute de moyens. Parmi eux, on retrouve Cai Hesen, Li Fuchunn Chen Yi ou encore Xiang Jinyu. Ce petit groupe provenant de Hunan arrive en 1919.
Séparés pour les études, puisque les garçons étudiaient d’un côté et les filles de l’autre, les membres dudit groupe ne se sont jamais perdus de vue. Ils s’adonnaient à de nombreux moments de rassemblement au sein du jardin Durzy, afin de parler politique. Bercés par le charme de la ville, les jeunes Chinois rêvent d’une Chine meilleure, d’une Chine sauvée.
L’un d’entre eux, Cai Hesen, a une idée : créer un nouveau mouvement, basé sur les idées socialistes apparues grâce à la révolution russe, quelques années auparavant. Approuvée par les autres membres du groupe, l’idée est envoyée à Mao afin qu’il donne également son avis. Le 1er décembre 1920, Mao répond à la lettre de Cai. Il approuve l’idée de fonder le Parti communiste chinois (PCC).
L’année suivante, en juillet 1921, le PCC apparaît. Qui aurait cru que l’idée de fonder le Parti communiste chinois fleurirait à Montargis, dans le jardin Durzy ?
Teng Hi Hien : l’ouvrier qui cachait une autre identité
Cette histoire est sans aucun doute l’une des histoires qui marquera Montargis à jamais. Encore aujourd’hui, on a du mal à le croire.
En 1922, après avoir étudié à Bayeux, un charmant Chinois arrive à Châlette, une commune située en périphérie de Montargis. Ce Chinois se fait enregistrer au nom de Teng Hi Hien. De nature calme, le jeune homme deviendra par la suite un fervent révolutionnaire. À tel point que l’entreprise dans laquelle il travaillait, l’entreprise Hutchinson, refusa de le reprendre.
Le jeune homme, mal vu par les autorités françaises qui ne souhaitaient pas de révolution, quitta la France en 1926. Mais il reviendra en France une cinquantaine d’années plus tard, en 1975 plus précisément. Il était devenu le vice-premier ministre de la République populaire de Chine. En réalité, Teng Hi Hien était Deng Xiaoping.
Difficile à croire, pourtant c’est la vérité. Le jeune homme qui avait travaillé à Montargis n’était autre que Deng Xiaoping. Ce dernier souhaitait retourner à Montargis, pour se remémorer de bons souvenirs. Malheureusement, la politique n’avait pas le temps d’aller à Montargis. Deng ne retournera pas dans le Loiret.
1982 : le grand accueil de Pékin pour le maire de Montargis
Même si Deng Xiaoping n’a pas eu le temps de retourner voir Montargis, c’est finalement Montargis qui est venue à lui.
En août 1982, Max Nublat, maire communiste de Montargis, se rend à Pékin avec d’autres maires. Une fois arrivé sur le sol chinois, il découvre avec stupeur une magnifique banderole. Sur cette dernière est inscrit « Bienvenue à M. le Maire de Montargis ». Ce jour-là, le seul dont on retient l’allure et que l’on ne cesse de saluer n’est autre que le maire de la sous-préfecture du Loiret.
Arrivé au sein d’un salon de la place Tiananmen, Max Nublat voit une porte s’ouvrir. De cette porte apparaît Deng Xiaoping, le maître de la Chine. Sous le choc, et on le comprend, le maire écoute les paroles de Deng.
Ce dernier lui raconte tout, dans le moindre détail. Il lui rappelle ses années de travail au sein de l’usine Hutchinson. Deng explique avoir appris la valse à Montargis, dans un lieu nommé « La Gloire ». Il raconte même s’être fait verbaliser dans la rue de la Sirène. Seul quelqu’un ayant côtoyé Montargis pouvait avoir connaissance de tels détails.
Pour les petites anecdotes
Aujourd’hui, si vous allez à Montargis, vous pourrez voir trois choses qui symbolisent les relations amicales entre Montargis et la Chine.
Naturellement, vous pouvez vous balader au sein du jardin Durzy. Vous marcherez alors sur les pas de Cai Hesen, Li Fuchunn et de Chen Yi, là où l’idée de fonder le PCC est née.
À proximité de la place du Pâtis, vous trouverez une statue. Créée par l’artiste Li Xiacchao, la statue représente un enseignant chinois. Une référence à un professeur qui aurait envoyé de jeunes Chinois à Montargis au début du XXe siècle ? Li Xiacchao a expliqué que ses statues représentaient les évolutions qu’ont connues les villageois au cours de ces trente dernières années d’ouverture et de développement économique de la Chine.
Devant la gare de Montargis, la place se nomme « la place Deng Xiaoping ». Elle rappelle alors le passage du Chinois au sein de la cité. Cette place présente également une grande sculpture. Baptisée Monument du centenaire, elle représente les jeunes Chinois venus étudier ou travailler à Montargis au début du siècle dernier.
Montargis se situe derrière Paris dans le classement des villes préférées par la communauté chinoise. Cette dernière considère Montargis comme un facteur essentiel à son histoire et à sa stabilisation.
Sources :
- France Culture – Montargis, berceau du Parti communiste chinois
- La République du Centre – Une statue vient d’être installée du côté du Pâtis
- Le Figaro – À Montargis, l’histoire au cœur de l’amitié franco-chinoise
- Le Monde – Montargis, berceau de la Chine nouvelle
- Le Parisien – À Montargis, les Chinois sur les traces du jeune Den Xiao Ping