« C’est fou comme le monde est petit ! » Qui ne s’est jamais vu prononcer cette phrase quand on se découvre une connaissance commune avec une personne qui nous était inconnue jusqu’alors ? La petitesse du monde, loin de se cantonner à un simple ressenti, a fait l’objet de recherches scientifiques éclairantes. Retour sur la théorie des petits mondes.
D’où vient-elle ?
Les premières mentions de cette théorie datent du début du siècle dernier. En 1929, l’écrivain hongrois Frigyes Karinthy sortait un recueil de nouvelles, Tout est différent dont faisait partie la nouvelle Chaînes. L’écrivain affirmait dans cette dernière qu’il ne fallait pas plus d’une chaîne de 5 personnes pour atteindre n’importe qui sur la planète. Il s’agissait à ce stade simple d’une supposition hors de tout cadre scientifique.
Stanley Milgram, psychologue social, reprit cette idée à son compte en 1969, cette fois dans le cadre d’une expérience scientifique. Ce chercheur, déjà connu pour son expérience sur la soumission à l’autorité, cherchait donc à savoir combien d’intermédiaires sont nécessaires pour relier deux personnes choisies au hasard dans la société.
L’expérience de Milgram
Pour répondre à cette question, Milgram mit donc en place une expérience empirique. Il commença par former 3 groupes composés de 100 personnes : un dans le Nebraska, un deuxième, toujours dans le Nebraska mais composé uniquement de personnes possédant des actions en bourse, et un troisième à Boston. Ces personnes avaient pour objectif d’envoyer un dossier, par le service postal, à un individu qui leur était inconnu. Néanmoins, elles possédaient des informations précieuses sur cet inconnu : son âge, son sexe, l’établissement où il a fait ses études, sa ville de résidence ainsi que son travail.
Pour le bien de l’expérience, Milgram imposa une contrainte : pour que le dossier parvienne à l’individu-cible, les cobayes n’avaient le droit de ne l’envoyer qu’à une de leurs connaissances à eux, susceptible de faire avancer le dossier. Cette même contrainte était ensuite réitérée à la personne qui recevait le dossier, et continuait jusqu’à ce que le dossier arrive au bon endroit.
Le résultat fut assez surprenant : pour toutes les chaînes ininterrompues, il ne fallut que 5,2 intermédiaires en moyenne pour atteindre l’individu-cible, confirmant ainsi la supposition de Karinthy. Milgram a donc par cette expérience confirmé la théorie des petits mondes.
Pensé en termes de réseau social, le monde est décidément bien petit. Demandez aux bonnes personnes, et avec un peu de chance, vous pourriez rentrer en contact avec n’importe qui sur cette planète. Rencontrer des personnes considérées comme inatteignables rentre tout d’un coup dans le domaine du possible.
Sources :
- Forsé, M. (2012). Les réseaux sociaux d’aujourd’hui: Un monde décidément bien petit. Revue de l’OFCE, 7(7), 155-169. https://doi.org/10.3917/reof.126.0155
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