La compétition automobile est un milieu essentiellement masculin. Cependant, son histoire n’exclut pas de rare cas où des femmes ont su s’imposer sur la piste et s’y faire une place ! Michèle Mouton n’est pas seulement l’une d’entre elles : elle est la meilleure.
Arrivée un peu par hasard…
Née en 1951, Michèle Mouton ne se destine absolument pas à une carrière dans l’automobile, ni même dans le sport. Fille d’horticulteurs provençaux, sa première vocation est de devenir éducatrice spécialisée pour adolescents en difficulté. Son rapport à la conduite arrive assez jeune, sur une 2 chevaux classique :
« J’ai commencé à conduire dès mes 14 ans, car mes parents avaient des cultures de rose et de jasmin dans le sud de la France, où il y avait beaucoup de petits chemins. »
Une occasion propice
C’est lors d’un concert en 1973 qu’elle rencontre un jeune homme, pilote amateur, Jean Taibi. Elle commence alors à aller le voir et l’encourager le long des pistes du Rallye de Corse. Cependant, il la fait très vite passer de l’autre côté de la piste, sur le siège passager :
« Il ne s’entendait pas bien avec son co-pilote donc il m’a proposé de prendre sa place. Cela m’amusait et j’ai accepté de l’accompagner sur deux ou trois courses. »
En l’observant, son père pense déceler un potentiel chez Michèle. Ainsi, il décide de l’encourager dans cette voie et la pousse à passer elle-même derrière le volant. Pour ce faire, il va utiliser les économies familiales afin de lui acheter une Renault Alpine A110 (~33 800F / 35 000€). Il fait également le tour des amis et voisins afin de monter une écurie.
« Il m’a dit : ‘Je sais que tu aimes conduire. Je suis prêt à t’acheter une voiture de course et payer pour une saison. Si tu es assez talentueuse, tu devrais vite obtenir des résultats.’ »
Les débuts d’une championne
Ni une ni deux, les résultats arrivent. Michèle Mouton remporte le championnat de France féminin des rallyes deux fois de suite, en 1974 et 1975. À cela s’ajoute une victoire aux 24h du Mans 1975, aux côtés de deux autres pilotes françaises : Christine Dacremont et Marianne Hoepfner. C’est sur une Moynet LM75 qu’elles inscrivent cette victoire pour le compte de la team ESSO. Son niveau est tel qu’on décide de la faire courir parmi les hommes.
Elle démarre alors comme semi-professionnelle pour le groupe Elf qui l’inscrit au championnat d’Europe des rallyes. Elle remporte le rallye d’Espagne en 1977. Ces victoires lui ouvrent les portes du monde sportif professionnel, avec notamment Fiat en 1978. C’est avec cette équipe qu’elle remporte le Tour de France Automobile la même année.
1981-1986 : les années Audi
C’est en 1981 que les Allemands de chez Audi la contactent afin de lui proposer une place. La proposition est simple : ils veulent qu’elle participe aux Championnats du Monde de rallye avec leur nouveau modèle : l’Audi Quattro Sport. Le nouveau véhicule à la particularité d’offrir quatre roues motrices afin de garantir plus d’adhérence sur des sols mixtes comme ceux rencontrés lors des rallyes. De plus, la voiture est un monstre de puissance, puisqu’elle développe près de 360 chevaux pour un poids avoisinant 1,1 tonne !
Le coup de foudre entre Mouton et l’Audi est immédiat. Dès sa première année, elle remporte le rallye de San Remo (Italie du nord). Mais c’est véritablement en 1982 que la légende Mouton va naître. Au volant de cette Audi Quattro, Michèle Mouton remporte successivement les rallyes du Portugal, de Grèce (Acropole) et du Brésil. Cette série de victoires lui fait frôler la place de numéro 1 mondial (classée 2e). Mais la légende est née, et la presse franco-allemande l’appelle déjà « le beau volcan noir ». Ainsi, par ses prouesses, Michèle devient la première femme à s’imposer en WRC (World Rally Championship).
« De tempérament, je ne suis pas très calme ni relaxe, je suis toujours en activité. On m’a souvent dit que j’avais un caractère difficile, j’avais de longs cheveux noirs, le surnom vient de là. »
En 1984, elle va se faire remarquer sur la scène internationale en pilotant son Audi Quattro au Pikes Peak. Le Pikes Peak est l’une des courses les plus dangereuses, inconscientes et précises du monde. Il s’agit de gravir une montagne de plus de 4 000 m de haut, avec plus de 150 virages dont les trois quarts donnent directement sur… le vide ! Il s’agit donc d’un événement particulièrement dangereux comme les Américains savent les faire. Mouton ne termina que seconde au classement général de 84, mais réussit l’exploit de battre le record en 1985 ! Ainsi, elle accomplit l’ascension totale en 11m25s39, au volant d’une Quattro sport de près de 550 chevaux.
Être une femme pilote
Aujourd’hui, Michèle Mouton reconnaît qu’elle était une exception et même, pour certains journalistes, une sorte d’attraction. Elle reconnaît avoir détesté certaines remarques de leur part ou encore avoir à sourire bêtement pour les photographes. En revanche, elle considère n’avoir jamais souffert d’être une femme dans un milieu d’hommes. Que jamais aucun autre pilote ou membre d’une équipe technique n’avait eu de comportement déplacé vis-à-vis d’elle parce qu’elle était une femme. À ce propos, elle déclare :
« Évidemment, au début, on ne m’a pas prise au sérieux. Il n’est jamais agréable pour un homme de se faire battre par une femme, mais personne n’aime perdre, que ce soit contre un homme ou contre une femme. Il y a aussi la vérité du chronomètre. En rallye, tous les pilotes partent à égalité. »
Michèle Mouton aujourd’hui
Depuis la fin des années 2000, Michèle Mouton travaille au sein de la FIA (Fédération Internationale de l’Automobile). D’abord comme présidente de la Women & Motorsport Commission où elle essaie de promouvoir la présence des femmes dans les sports mécaniques. Puis, depuis 2011, directrice du WRC sur les questions de sécurité. Elle participe donc à mieux encadrer la pratique de cette discipline qu’elle affectionne tant.
Le grand documentaire ci-dessous a certes un peu vieilli, mais a le prestige d’être co-présenté par Michèle Mouton elle-même, qui adjoint de temps à autre quelques anecdotes !
Michèle Mouton est ce qu’il convient d’appeler un As du volant. Elle est par conséquent la preuve vivante que le sport automobile est ouvert à tous, tant que l’on a de bons réflexes, de la détermination et du courage. Ce sont ces trois qualités qui lui ont permis de courir sur des parcours particulièrement dangereux comme les 1 000 lacs (Finlande) ou le Pikes Peak (Colorado). Avec un palmarès jamais égalé depuis plus de 30 ans, elle est et restera sans doute encore longtemps LA femme pilote.
Sources :
Chapeau Madame et bravo pour tout ce que vous avez fait….championne. Nous avons le même âge et je vous ai toujours admirée.