Marie Stuart : comment ses lettres cryptées ont-elles été déchiffrées ?

Robin Uzan
Robin Uzan
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Marie Stuart, reine d’Ecosse (et brièvement de France) au destin tragique, ne cesse de fasciner les historiens. En témoigne cette trouvaille faite à la BnF en février 2023. En effet, plusieurs correspondances cryptées de l’ancienne souveraine ont été décodées par un trio d’experts. Cette incroyable découverte apporte un nouvel éclairage sur le destin unique de cette reine

A l’occasion de la commémoration de la mort de Marie Stuart (exécutée le 8 février 1587), une étude des plus étonnantes a été publiée dans la revue Cryptologia. Dans l’abstract introductif, les auteurs s’expriment en ces termes :

« Nous avons trouvé plus de 55 lettres entièrement chiffrées dans la Bibliothèque nationale de France, qui, après avoir cassé le code et déchiffré les lettres, se sont révélées de manière inattendue être des lettres de Marie Stuart, adressées pour la plupart à Michel de Castelnau Mauvissière, l’ambassadeur français en Angleterre » […] « Elles constituent un ensemble volumineux de nouveaux documents primaires sur Marie Stuart (environ 50 000 mots au total) qui jettent un nouvel éclairage sur certaines de ses années de captivité en Angleterre. »

Des lettres de Marie Stuart conservées à la BnF 

Ces mystérieuses lettres de Marie Stuart étaient conservées dans l’emblématique Bibliothèque nationale de France (BnF). Cependant, celles-ci étaient jusqu’ici inintelligibles. Ni l’auteur ni le contenu n’avaient été décryptés. Une chose qui changea avec l’arrivée d’un trio bien particulier :

  • George Lasry, informaticien et cryptographe
  • Norbert Biermann, pianiste et professeur de musique
  • Satoshi Tomokiyo, astrophysicien

Marie Stuart : comment ses lettres cryptées ont-elles été déchiffrées ?

Après avoir découvert ces lettres en parcourant la collection numérisée de la BnF, ces trois passionnés commencèrent à déchiffrer les documents historiques codés. Pour ce faire, ils combinèrent de la cryptanalyse informatisée, du décryptage manuel et des méthodes d’analyse linguistique contextuelle. Ce processus intensif dura environ un an. Divers indices trouvés dans les lettres dirigèrent ainsi les décrypteurs sur la piste de Marie Stuart. Il est à noter que personne ne s’attendait à trouver des correspondances de ce genre au sein de la BnF.

« Si quelqu’un cherchait des documents liés à Marie Stuart dans la BnF, ce serait le dernier endroit où les trouver. »

George Lasry pour l’AFP

Des fautes d’orthographe volontaires 

Les trois experts de cette étude réussirent à identifier 219 types de symboles différents. En outre, il fut établi que le code utilisé était de type « homophonique ». Cela signifie que chaque lettre de l’alphabet fut traduite en un ou deux symboles distincts. Ainsi, certaines représentations faisaient directement référence à des personnalités historiques. Par exemple, la lettre C évoquait le roi de France (Henri III). Quant à la lettre F, elle représentait la reine Élisabeth.

Outre la signification de certaines lettres, ce cryptage opère un mélange habile de plusieurs alphabets. Ainsi, les lettres furent écrites dans un langage très complexe de 1 500 symboles. De surcroit, pour ajouter une difficulté supplémentaire au décryptage, Marie Stuart fit volontairement diverses fautes d’orthographe. Pour passer par-dessus le cryptage, les chercheurs durent utiliser des programmes informatiques adaptés. Mais ils durent surtout comprendre que les courriers étaient en français, et non en italien. Ce n’est qu’après qu’ils purent déchiffrer progressivement la cinquantaine de lettres.

Avec qui correspondait Marie Stuart ? 

Il fut établi que la majorité des lettres (53 sur 57) était destinée à Michel de Castelnau. Celui-ci était ambassadeur de France en Angleterre et allié fidèle de Marie Stuart. Ces correspondances datent de 1578 à 1584. Mais de quoi parlaient donc ces lettres ?

Dans plusieurs d’entre elles, la reine déchue se plaint de ses conditions de captivité. D’autres font référence à des tentatives de négociations afin d’obtenir sa libération, ainsi qu’à son retour sur le trône d’Écosse. En échange, celle-ci était prête à renoncer à toute prétention de succession au trône d’Angleterre. Par ces négociations, Marie Stuart semblait croire qu’un accord pouvait être conclu.

Enfin, on retrouve un projet de mariage de la reine Elizabeth avec le duc d’Anjou, héritier du trône de France. Cette manœuvre était destinée à manipuler le prince, afin que la France attaque l’Espagne et que le camp catholique se retrouve ainsi divisé en plein conflit religieux. En regardant ces complots de plus près, John Guy considère que Marie Stuart agissait comme un :

« Juge avisé de la psychologie humaine, capable d’évaluer les forces et les faiblesses de caractère des principaux acteurs. »

Toutefois, le duc d’Anjou refusera, trouvant qu’Elizabeth n’était pas à son goût. Les courriers de la reine déchue arrivèrent quant à eux entre les mains d’Elizabeth. Comment ? Par l’intermédiaire d’un espion, bien sûr… Raison pour laquelle plusieurs de ces courriers se trouvent aujourd’hui dans les archives britanniques. Cela constitue une preuve supplémentaire de l’authenticité de ceux trouvés à la BnF.

Il est à noter que ces décryptages ne constituent que « des résumés préliminaires des lettres ». Autant dire que nous devrions en apprendre beaucoup plus au cours des prochaines années. 

Marie Stuart : comment ses lettres cryptées ont-elles été déchiffrées ?

Sources : 

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Journaliste, photographe et réalisateur indépendant, écrire et gérer Cultea est un immense plaisir et une de mes plus grandes fiertés.
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