« Maria » de Jessica Palud : Un film nécessaire [critique]

"Maria" de Jessica Palud : Un film nécessaire [critique]

Alors que le monde du cinéma est toujours ébranlé par le mouvement #MeToo, la réalisatrice et scénariste Jessica Palud revient en 2024 avec son tout nouveau film, Maria. Le film revient sur la vie de l’actrice Maria Schneider, qui, sous les traits d’Anamaria Vartolomei, se mue en un film poignant au visionnage difficile, mais ô combien nécessaire. 

Maria Schneider, dans l’ombre de Bertolucci 

Maria Schneider est à peine une adulte quand celle-ci se rêve de marcher dans les pas d’un père qu’elle n’a que peu connu, en devenant actrice de cinéma. La chance semble alors lui sourire quand celle-ci devient la covedette d’un Marlon Brando vieillissant dans le sulfureux Dernier Tango à Paris de Bertolucci qui, lui, est au sommet de sa gloire. À sa sortie, le film devient aussitôt un mythe scandaleux qui écrasera la jeune actrice de son parfum nauséabond.

Avec Maria, Jessica Palud dresse un portrait à la fois sincère et empathique de Maria Schneider, campée par une époustouflante Anamaria Vartolomei. L’actrice césarisée, que nous avions pu apercevoir très jeune dans L’Echange des Princesses de Marc Dugain (2017) ou voir se révéler dans le magnifique L’Événement d’Audrey Diwan en 2021, offre une performance parfaite en jonglant habilement entre froideur et authenticité. 

La caméra adopte le point de vue d’une seule personne : celle de Maria, présente dans la quasi-intégralité du découpage technique supportée par une photographie léchée à l’allure d’une pellicule vintage. Une sublimation ne tombant jamais dans l’esthétisation.

Le film prend donc le parti de réécrire l’histoire du Dernier Tango, mais du côté de l’actrice en s’inspirant librement de l’ouvrage Tu t’appelais Maria Schneider, écrit par Vanessa Schneider, cousine de la comédienne.

© Les Films de Mina/Studiocanal/Moteur s’il vous plait/Haut et Court Distribution, MARIA de Jessica Palud.

 

Le monde du cinéma est un monde d’hommes qui regardent les femmesMaria, c’est l’histoire avant tout d’un traumatisme. Celui d’une actrice qui, au nom de la vision de l’artiste, subira une scène de sodomie non consentie. Cette scène plombera la carrière de l’interprète qui devra supporter, à partir de là, les demandes incessantes d’hypersexualisation de ses rôles. Un propos moderne sur le regard masculin dans le monde du cinéma et la sacralisation extrême de la figure de l’artiste tout-puissant.

Le film suit alors la descente aux enfers de l’actrice, profondément traumatisée par son expérience sur et hors du plateau de tournage. Le scandale se cristallise autour de sa figure, tandis que Brando et Bertolucci échappent, en quelque sorte, au tapage médiatique.

Jessica Palud prend alors le parti de jouer sa narration sur les ellipses en ne se focalisant que sur quelques moments clés de la vie de l’actrice. Une construction intéressante qui permet aux spectateurs de réaliser l’étendue de la souffrance de la comédienne.

« Je ne l’aurais pas fait. C’était trop violent, trop subitement, trop jeune (…) Quand quelque chose n’est pas écrit dans un scénario, mais improvisé, on peut dire non. Sur le plateau, j’ai senti tout de suite que ce serait moi qui subirai une humiliation. C’est une scène écrite par des hommes.« 

Maria Schneider pour France Télévision en 2006

Une souffrance, qui par moment, semble (peut-être) légèrement surreprésentée dans le sens ou, en faisant le choix de ne porter à l’écran que les moments les plus sombres de la vie de Maria Schneider, la réalisatrice dresse un portrait de l’actrice continuellement sous les traits de la maltraitance. Un choix compréhensible et nécessaire, mais qui place Maria sous le prisme continuel de la victime, qui à la fin prononce néanmoins courageusement son choix de ne plus jamais se retrouver en compagnie de son bourreau.

Une narration qui ramène continuellement l’actrice au Tango, film auquel elle ne voulait plus être associée.

Un film nécessaire sur la parole d’une actrice, d’une femme, qui encore une fois, n’a jamais été entendue en son temps. Un film dur et sombre, mais à la portée vitale. 

Sources : 

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