Bien qu’on puisse penser de façon légitime que le revenge porn est un travers de notre siècle qui a émergé en même temps que les réseaux sociaux, il n’en est en réalité rien. L’une des premières femmes à avoir subi cette pratique s’appelle Margaret Campbell, et c’était en 1963.
Le 1er décembre 1912, Margaret Whigham naît dans une famille bourgeoise écossaise. Jeune femme attirante, elle plaît aux hommes. On lui attribue des relations avec le prince pakistanais Aly Kahn, l’aviateur Glen Kidstor ou encore l’héritier de l’édition Max Aitken. À 15 ans, Margaret tombe enceinte de l’acteur Divad Niven. Son père, furieux, l’emmène à Londres pour qu’elle avorte en secret. Avoir un enfant hors mariage et aussi jeune aurait nui à la réputation de la jeune femme.
En 1930, elle est présentée à la Cour de Londres au « Bal des débutantes ». Elle y rencontrera un homme qui lui demandera sa main. Mais le mariage n’aura finalement pas lieu. Elle sera mariée une première fois, puis divorcera avant de s’unir à Ian Douglas Campbell, 11e duc d’Argyll, en 1951. Après plus de 10 ans de vie commune, leur mariage bat de l’aile. Le duc soupçonne sa femme de le tromper.
Un divorce douteux
Seul dans leur appartement alors que sa femme est partie en balade, Ian Douglas Campbell entreprend de forcer la serrure du coffre-fort de celle-ci. À l’intérieur, il découvre une photo intime de son épouse accompagnée d’un homme dont on ne voit pas le visage. Margaret y est nue, portant uniquement un collier de perles qui permettra de l’identifier. Ce cliché constitue une preuve qui encourage le duc à entamer une procédure de divorce qu’il est certain de remporter.
En 1963, lors de l’audience pour acter le divorce, cette photo intime de Margaret est révélée au public. La cour entreprend alors de chercher l’identité de l’homme qui accompagne Margaret sur le cliché. Au dos, le mot « je pense à toi » permettra une étude graphologique. Elle est demandée par la cour pour établir qui des cinq principaux suspects était l’amant de la duchesse. Les résultats n’ont jamais été publiés publiquement. Cependant, d’après un article du New York Times, il s’agirait de Douglas Fairbanks, fils de l’acteur américain du même nom.
Des mœurs traditionnelles
Les nombreuses histoires, réelles ou fictives, qu’aurait entretenues Margaret ne jouent pas en sa faveur aux yeux du juge principal, Lord Wheathley. Il aura en effet des déclarations violentes envers l’accusée, comme le fait qu’elle soit :
« une femme aux mœurs légères dont l’appétit sexuel ne pouvait être satisfait que par un certain nombre d’hommes. (…) Son attitude envers le caractère sacré du mariage était ce que les modernes appelleraient “éclairée” mais qui, en langage clair, était totalement immorale. »
Ian Douglas Campbell obtient donc le divorce. Suite à cela, Margaret Campbell réussit à maintenir son train de vie bourgeois un temps. Mais l’argent commençant à lui manquer, elle se voit contraint d’habiter une chambre d’hôtel qu’elle partage avec sa femme de chambre. N’ayant plus d’économies et des dettes à rembourser, elle quitte finalement cette chambre. Elle s’installe dans un appartement appartenant à son ancien mari, jusqu’à ce que ses enfants décident de la placer dans une maison de retraite.
Dans les années 60, les mœurs voulaient que la femme ne soit pas libre sexuellement. Un fait démontré par la réaction du juge, mais aussi et surtout par la présentation publique d’une photo intime. Aujourd’hui, le revenge porn ne prend plus tout à fait les mêmes formes. Il s’agit d’un contenu sexuellement explicite partagé sur les réseaux sociaux sans le consentement de la personne impliquée. Ces faits sont passibles de 60 000 € d’amende et de deux ans d’emprisonnement.
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