La science réserve parfois de funestes destins à ses plus éminents disciples. Marie Curie en est une victime célèbre, elle qui avait longtemps travaillé en présence de radium en a payé les frais. Mais elle ne fût pas la seule, ni la plus spectaculaire. Voici donc la triste histoire de Louis Slotin.
Louis Slotin
Louis Alexander Slotin né en 1910 à Winnipeg au Canada. Très tôt il développe un fort intérêt pour les sciences, et plus particulièrement la physique-chimie. Il faut dire que le domaine est en pleine explosion depuis la seconde moitié du XIXe siècle. Il n’a que cinq ans lorsqu’est publiée la théorie de la relativité générale d’Einstein en 1915. Le jeune Louis s’oriente alors logiquement dans cette voie et entreprend un cursus universitaire en physique.
D’abord chez lui à Winnipeg, au sein de l’université du Manitoba, puis à l’étranger dans le prestigieux King’s College de Londres. Il conduit ensuite des études doctorales faisant de lui un chercheur associé à l’université de Chicago. Il se spécialise et conduit d’éminentes études sur les conséquences biologiques des rayonnements atomiques. Grâce à ses travaux, il est repéré par le gouvernement Roosevelt qui lance alors le Projet Manhattan…
Le Projet Manhattan
Pensé de base comme un projet modeste lorsqu’il est lancé en 1939, les recherches deviennent colossales après 1941. Évidemment, au départ il ne s’agit que de tester en laboratoire des armes d’un genre nouveau. Mais Pearl Harbor et la déclaration de guerre de l’Amérique contre le Japon et l’Allemagne changent la donne. Plusieurs laboratoires et pôles de recherche et développement sont crées en Angleterre, au Canada et aux Etats-Unis. Le plus célèbre d’entre eux est un gigantesque complexe secret au milieu du désert du Nouveau-Mexique : Los Alamos.
Fondé en 1943, ce laboratoire de recherche fût prévu comme le point de centralisation du Projet Manhattan. C’est le physicien Robert Oppenheimer qui en est à la tête, au même titre que le militaire General Leslie Groves. Pour développer les nouvelles armes, de nombreux éminents scientifiques sont embauchés. On compte parmi eux trois prix Nobels. Le site recrute alors des milliers de personnes dans le plus grand secret. Le projet aboutira sur les deux bombes larguées en 1945 sur Hiroshima et Nagasaki. Mais les travaux se poursuivront… Quant à notre jeune Louis Slotin, il fait alors partie de ceux embauchés au labo.
L’accident
Remettons les choses dans leur contexte : à l’époque les chercheurs ne portaient pas de gants. Cela peut paraître idiot pour un observateur contemporain, mais les recherches étaient alors réalisées sans protection. Des lunettes et des blouses tout au plus. C’est d’ailleurs ce qui a tué Marie Curie, une exposition prolongée à de « petites » doses.
Lors d’un simple essai classique, Louis est victime d’un grave accident. En effet, alors qu’il travaille sur une masse de plutonium, celle-ci émet un « flash ». La sphère a en réalité atteint le seuil critique minimal permettant une fission nucléaire. Il reçoit une dose d’environ 1000 rads. Pour situer, n’importe quelle dose au-delà de 200 provoque des maladies et complications chez l’individu.
Louis Slotin travaillait alors à mains nues en manipulant la sphère avec un tournevis. Le 21 mai 1946 le tournevis a glissé… Sept personnes sont irradiées et conduites à l’hôpital. Mais le plus proche est Slotin, qui reçoit une dose largement létale. Les autres victimes iront bien, mais le pauvre Louis mettra neuf jours à mourir. Les symptômes de sa mort sont très nombreux et particulièrement atroces.
Un si brillant esprit emporté par un si bête accident. Telle est la morale de l’histoire de Louis Slotin. C’est d’autant plus bête que l’année précédente, un autre scientifique arménien du nom de Harry Daghlian avait trouvé la mort en travaillant sur le même noyau. Ce dernier, âgé de 24 ans, avait consacré ses derniers jours à établir un protocole de sécurité et comprendre ce qu’il s’était passé pour qu’on ne puisse pas reproduire son erreur…
Sources :
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