Les origines du Sacré Cœur sont particulièrement funestes…

Robin Uzan
Robin Uzan
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Situé au sommet de la Butte de Montmartre, le Sacré Cœur est un des monuments les plus célèbres du monde. Mais paradoxalement, l’histoire derrière sa construction est beaucoup moins connue, y compris des parisiens. Il faut dire que le début de sa construction en 1875 fait suite à plusieurs événements assez honteux de notre histoire…

La Commune de Paris

Aux origines de la Commune : la Guerre Franco-Prussienne

En 1870 a lieu l’une des guerres les plus humiliantes de l’histoire de France : la Guerre Franco-Prussienne. Outre la défaite cuisante de la France et la capture de Napoléon III, Paris se retrouve assiégé pour plusieurs mois.

Ainsi, du 20 septembre 1870 au 28 janvier 1871, la capitale subit le siège prussien, doublé d’un hiver extrêmement rude. Bombardements réguliers, famine, froid intenable… Paris vit une de ses périodes les plus douloureuses. Et cela ne s’arrange pas une fois le siège terminé.

La prise des canons : l’erreur à ne pas faire…

Suite à ces événements, Paris tente de se reconstruire politiquement et socialement. Adolphe Thiers, à l’époque chef du pouvoir exécutif, prend alors une décision qui vient mettre le feu aux poudres.

Aidé de l’armée, celui-ci décide de récupérer les canons de la Garde Nationale sur la Butte de Montmartre. Une erreur monumentale qui témoigne de la méconnaissance de l’état d’esprit des parisiens de l’époque.

En effet, les parisiens considèrent les 227 canons de Montmartre et Belleville comme leur propriété, puisqu’ils les ont payés eux-mêmes par leur souscription financière à la guerre franco-prussienne. Mais le gouvernement craint l’utilisation de ces canons contre lui en cas d’insurrection citoyenne. D’où ce désir d’en débarrasser le peuple le plus vite possible.

Commune de Paris de 1871: quand le communisme a commencé à empoisonner le monde | Epoch Times

Le 17 mars 1871, Thiers envoie donc le Général Lecomte et ses troupes armées pour récupérer tous les canons durant la nuit.

Refusant de céder leur principal moyen de défense, la population parisienne et les gardes nationaux se rassemblent, prêts à se défendre. Il se passe alors quelque chose d’étonnant : l’armée refuse de tirer sur les insurgés, malgré les ordres du Général Lecomte. Ce dernier est alors capturé et tué le lendemain.

Le 18 mars au matin, le peuple qui se réveille vient s’opposer aux troupes venues récupérer les canons. Très vite, le peuple et ces soldats fraternisent, créant un climat de révolte populaire au cœur de Paris. La Commune prend alors de l’ampleur… Mais pour un temps très limité.

La semaine sanglante

Malgré des débuts prometteurs, la Commune de Paris ne durera pas très longtemps… Le 21 mai 1871, Adolphe Thiers ordonne à l’armée régulière de rentrer dans Paris. Démarre alors la « Semaine Sanglante ». Tandis que les communards tentent de se défendre, les exécutions sommaires s’enchaînent. La répression est implacable et les batailles sont très violentes.

Le 26 mai, toutes les forces communardes de la rive gauche sont tuées. Seul subsiste le Nord-Est de la ville. De violents combats continuent ainsi du côté des Buttes-Chaumont et du cimetière du Père Lachaise. Les dernières forces communardes tomberont à Belleville le 28 mai.

La Commune prend ainsi fin dans le sang. Dépendamment des sources, on estime entre 20 000 et 30 000 morts durant cette semaine sanglante. Le plus choquant étant que deux tiers d’entre-eux périront lors d’exécutions sommaires et non pendant les combats.

Le Sacré Cœur : un monument d’expiation

Revenons à notre Sacré Cœur ! Difficile au premier abord de faire le lien avec la Commune de Paris. Mais c’est oublier que le début de l’insurrection a eu lieu sur la colline de Montmartre.

Ainsi, bien que cette motivation ne soit pas consignée dans les textes votés par l’Assemblée Nationale, il est communément admis que le Sacré Cœur fut construit pour expier les péchés de la Commune de Paris.

« Oui, c’est là où la Commune a commencé, là où ont été assassinés les généraux Clément-Thomas et Lecomte, que s’élèvera l’église du Sacré Cœur ! Malgré nous, cette pensée ne pouvait nous quitter pendant la cérémonie dont on vient de lire les détails. Nous nous rappelions cette butte garnie de canons, sillonnée par des énergumènes avinés, habitée par une population qui paraissait hostile à toute idée religieuse et que la haine de l’Église semblait surtout animer. »

Hubert Rohault de Fleury, un des initiateurs du projet du Sacré Cœur.

D’ailleurs, il est à noter que la construction de ce monument fut le sujet de débats houleux. Outre la symbolique plus que discutable liée à sa construction, rappelons que nous sommes à la fin du 19ème siècle. Époque où la laïcité prend une place de plus en plus importante dans le débat public (y compris durant la Commune).

Malgré le manque de mention dans les archives de l’Assemblé Nationale, de nombreux documents officiels et d’ouvrages universitaires attestent aujourd’hui de cette envie d’ériger le Sacré Cœur comme un monument d’expiation…

Épinglé sur Paris 18ème d'antan

Un héritage méconnu

Aujourd’hui, le Sacré Cœur est le deuxième monument le plus visité de la capitale française. Qui ne s’est jamais posé sur la pelouse bordant ce monument ? Qui n’a jamais déambulé dans les rues bondées de Montmartre ? Qui n’a jamais profité de la vue que nous offre ce lieu sur la ville lumière ? Pourtant, combien sommes-nous à connaître les origines funestes de ce lieu emblématique ?

L’héritage de la Commune est aujourd’hui très peu mis en avant par nos cours d’histoire. Et il en va de même dans la ville de Paris, où très peu d’éléments viennent nous rappeler l’impact qu’a eu cet événement, à l’aube de la IIIème République.

Certains citoyens ont donc souhaité rappeler cet héritage de façon… cocasse ! En effet, un citoyen parisien désireux de rétablir cette page de l’histoire, a proposé si plus ni moins que de détruire le Sacré Cœur :

«Le Sacré-Cœur est une verrue versaillaise qui insulte la mémoire de la Commune de Paris. Le projet consiste en la démolition totale de la basilique lors d’une grande fête populaire.»

Bien évidemment, la Mairie de Paris a jugé cette idée comme non-recevable (c’est étonnant n’est-ce pas ?).

Toutefois, sans qualifier le Sacré Cœur de « verrue », peut-être serait-il intéressant de mettre plus en avant l’histoire passionnante ayant amené à la construction de cet édifice emblématique…

 

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Sources :

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Journaliste, photographe et réalisateur indépendant, écrire et gérer Cultea est un immense plaisir et une de mes plus grandes fiertés.
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