Paru fin 2020, Le Nectar des Mortels est le premier roman de Paul Vogel. Ce dernier nous plonge dans une histoire beaucoup plus complexe que ne laisse suggérer une première lecture. Un pari réussi ?
Le Nectar pour vivre
Tout d’abord, on découvre le Nectar, une drogue sur le point d’être légalisée en 2049. La substance permet de ne plus dormir, et de ce fait, de vivre plus longtemps… Mais aussi de travailler plus. Le détective privé Soren tente de protéger Esmée, une amie d’enfance et membre des Argonymes, des opposants au Nectar. Elle cherche à faire comprendre les effets secondaires de cette drogue qui sera l’objet d’une exploitation sans vergogne, au péril de sa vie.
Le Nectar des Mortels est un roman assez particulier. A la fois aventure cyberpunk et contemplation métaphorique sur notre condition de vie, il pose tellement de problématiques que l’on ne peut s’empresser de le relire une seconde fois pour y receler tous les niveaux de lectures possibles. D’autant plus que c’est un roman que l’on lit très rapidement et que l’on referme difficilement.
Il y a quelque chose de bien pire encore que les rêves hallucinatoires : ce moment où l’on y échappe, où l’on renoue avec la réalité et l’on s’y familiarise, péniblement mais sûrement, où tout converge vers l’ordinaire si insignifiant, jusqu’à ce que surgisse alors l’hallucination ultime d’une réalité qui se dérobe à nouveau, et qui finalement, nous replonge dans un délire qui n’avait jamais été quitté.
Double niveau de lecture !
La grande force de ce roman réside dans son niveau de lecture, à la fois métaphysique, contemporain, poétique et acharné. Paul Vogel réussit sans problème à séduire les lectrices et lecteurs qui ne cherchent qu’une histoire haletante et curieuse à dévorer à grande vitesse. Il réussit aussi à séduire ceux qui apprécient une approche plus philosophique et sociale. Vogel y délivre en effet des messages sur notre propre réalité, à travers cette œuvre de science-fiction. Il parvient à nous faire imaginer une société à la fois utopique et désastreuse, laissant finalement le lecteur dans une réflexion qui n’appartiendra qu’a lui. On se trouve autant dans un rêve que dans un cauchemar éveillé.
Notons toutefois que si l’équilibre entre le divertissement et la réflexion semble parfaitement réussi, le livre souffre parfois de quelques longueurs et d’une écriture à l’image du roman en lui-même : complexe ! Cependant, l’auteur maîtrise son histoire, son univers, ses rebondissements, ses descriptions de groupes (les Dépendants, les Argonymes etc…). Ainsi il parvient à ne jamais totalement perdre le lecteur. Par ailleurs, pas besoin d’être un fan de science-fiction pour se plonger dans ce récit. L’écriture à la première personne permet une immersion idéale.
On sent même une approche très cinématographique accumulant les références et ce, dès les premières lignes du texte. « On se sent à chaque fois dans la peau d’une voix-off de film noir ou d’un narrateur de polar. C’est jamais bon signe. Ces narrateurs ne connaissent pas d’issues heureuses. Boulevard du crépuscule ? Assurance sur la mort ? Je ne cherche aucune assurance sur ma mort. ». Paul Vogel semble passionné du travail de Ridley Scott et son Blade Runner, Christopher Nolan et son Inception. Apparaissent aussi les influences de David Fincher et Satoshi Kon. Ne disons rien de plus qui pourrait vous empêcher de profiter de la lecture et de ses surprises.
J’ai fermé les paupières pour me figurer une abstraction parfaite, pour y évacuer toute image indésirable et ainsi administrer un soupçon de néant à mon imaginaire.
Premier roman et pourtant déjà une œuvre fascinante, envoûtante et terrifiante, Le Nectar des Mortels de Paul Vogel saura attiser la curiosité de toutes et tous. Une deuxième lecture sera nécessaire si vous voulez cerner tout cet univers étendu, à travers ces dix chapitres et 312 pages.