Le congrès de Tours : la scission du socialisme

Romain Lesourd
Romain Lesourd
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Du 25 au 30 décembre 1920 s’est tenu ce qu’on appelle le congrès de Tours. Ce dernier a pour but de décider de l’avenir du socialisme français, dans une époque où le modèle communiste continue de gagner du terrain, notamment grâce à Lénine et à l’Internationale Communiste, fondée le 2 mars 1919. Le congrès de Tours est connu notamment pour la scission de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière), entre ceux qui souhaitent intégrer l’Internationale Communiste et ceux qui refusent.

Les trois groupes qui constituent le congrès de Tours

Le congrès de Tours présente trois enjeux principaux. Chaque enjeu est défendu par un groupe bien distinct des autres.

Comme premier groupe, il y a ceux qui souhaitent intégrer l’Internationale Communiste. Ils prônent le changement radical du parti socialiste, qu’ils jugent voué à l’épuisement. De plus, ils souhaitent créer des alliances pour communiquer leurs messages et ainsi renforcer la force de gauche. Ils n’ignorent pas que, s’ils rejoignent l’Internationale Communiste, cela signifie qu’ils doivent se rallier au modèle bolchévique de révolution. Cette volonté de se rallier au mouvement fondé par Lénine est appuyée par Marcel Cachin et Louis-Oscar Frossard.

Ludovic-Oscar Frossard et Marcel Cachin - Cultea
Ludovic-Oscar Frossard et Marcel Cachin (source : hérodote)

Les opposants à l’intégration de l’Internationale présentent un autre projet. Appuyé par les amis de Léon Blum, la figure socialiste de l’époque, le projet en question présente la notion « d’unité internationale ». Ne souhaitant pas voir un changement, voire même un bouleversement au sein du parti socialiste français, le groupe refuse catégoriquement l’adhésion à l’Internationale Communiste. Il souhaite au contraire la continuité des principes du socialisme français.

Léon Blum - Cultea
Léon Blum

Le troisième groupe est constitué de ceux que l’on peut voir comme les centristes. Ils souhaitent intégrer l’Internationale Communiste. Pour autant, ils ne souhaitent pas accéder à l’intégralité des 21 requêtes nécessaires pour en faire partie. Les personnes qui se revendiquent comme des centristes, ou « reconstructeurs », sont menées par Jean Longuet, le petit-fils de Karl Marx.

Jean Longuet - Cultea
Jean Longuet (source : l’Humanité)

La peur des bolchéviques à l’encontre de Jean Longuet

Comme dit précédemment, Jean Longuet est le petit-fils de Karl Marx. Karl Marx est l’une des figures les plus respectées au sein des bolchéviques. Ces derniers prennent alors peur de l’influence que peut avoir ce lien de parenté pour le déroulement du congrès.

Et cette peur est compréhensible. Puisque les bolchéviques, lors du congrès, expliquent qu’ils ne souhaitent pas faire de concession quant aux demandes des centristes, Jean Longuet va alors jouer de son héritage. Il se présente aux yeux de l’assemblée comme étant le petit-fils de celui qui a véritablement révolutionné la politique, l’économie, ainsi que la gauche. Il explique aux majoritaires, donc ceux menés par Cachin et Frossard, que si eux aussi demandent des concessions aux bolchéviques, alors les « reconstructeurs » se joindront à eux.

Devant pareil contexte, les dirigeant de l’Internationale Communiste commencent à prendre peur de l’importance que peut prendre Longuet. Ils le voient désormais comme un réformiste. Et pour eux, le réformisme signifie la perte de leur domination sur le parti et sur le congrès.

La riposte des bolchéviques : le « télégramme de Zinoviev »

Pour éviter de voir leur domination sur le parti et la possibilité d’intégrer de nouveaux rangs au sein de l’Internationale Communiste s’estomper, les bolchéviques comprennent qu’il faut court-circuiter Jean Longuet.

Le 28 décembre 1920, Zinoviev, président de l’Internationale Communiste, et les membres du comité exécutif comme Alfred Rosmer vont agir. Ils font paraître un télégramme qui discrédite totalement Jean Longuet et les « reconstructeurs ». On peut y lire :

« Longuet est frappé d’un esprit réformiste et de diplomatie mesquine et chicanière. »

« La majorité des ouvriers français n’acceptera pas un compromis aussi ruineux avec les réformistes. »

Le moment des résultats : la scission tant redoutée

Le 30 décembre, dans la nuit, le congrès se prononce par le biais de deux votes.

D’abord, l’adhésion ou non au sein de l’Internationale Communiste. Évidemment, le résultat est sans appel. L’adhésion à la IIIe Internationale est prononcée avec 3 252 mandats favorables. Cela représente environ 70 % des mandats exprimés. Pour la motion de Longuet, 1 022 mandats sont contre l’adhésion. Pour ce qui est de la motion de Blum, les personnes du parti ne se sont pas prononcées et ont même retiré leur programme. Ils savaient que ce dernier ne serait jamais approuvé.

Pour ce qui est de l’autre vote, il concerne le fameux télégramme de Zinoviev. Paul Mistral, partisan de Longuet, demande le rejet du télégramme mis en circulation deux jours auparavant. Mais les majoritaires, forts de leur position, répètent que l’intégration à l’Internationale Communiste implique la mise en place des 21 directives d’accession. On ne peut pas intégrer le parti en n’acceptant que la moitié du « contrat ». Pour ce qui est du vote, 3 247 mandats sont en faveur de l’Internationale Communiste et du télégramme, contre 1 328 pour la motion Mistral.

Ces résultats entraînent alors le départ des « résistants » et des « reconstructeurs ». La scission est prononcée.

Ainsi, à l’issue du congrès de Tours, la SFIO, le parti socialiste français par excellence, se retrouve coupée en deux. D’un côté, le parti communiste français émerge sous l’appellation de SFIC (Section Française de l’Internationale Communiste) et englobe donc les majoritaires. De l’autre côté, les minoritaires décident de préserver l’appellation de SFIO. Ils rejoindront par ailleurs en 1923 ceux qui n’ont pas souhaité intégrer l’Internationale Communiste. Ils rejoindront l’Internationale ouvrière socialiste (IOS).

 

Sources :

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