Alice Ernestine Prin naît en 1901. Enfant illégitime, elle grandit avec sa grand-mère dans une extrême pauvreté. À 12 ans, elle part à Paris pour vivre avec sa mère et devenir son apprentie. Elle enchaîne les petits boulots, jusqu’à finir bonne chez un boulanger. Mais elle mal traitée, elle se rebelle et débute une carrière de modèle. Par la suite, la jeune femme qui se fera appeler Kiki de Montparnasse pose nue pour des sculpteurs contre de l’argent, une activité associée aux prostituées que sa mère méprise.
Elle est mise à la porte en hiver 1917. Alice Prin a tout juste 16 ans. Elle passe ses journées au bar de la brasserie La Rotonde et tire les portraits des soldats qui s’y attablent. Par la suite, elle expose régulièrement ses peintures dans des galeries parisiennes, comme en 1930, dans la prestigieuse galerie Georges Bernheim.
La photo la plus chère au monde
Man Ray, acteur américain du surréalisme à Paris, peintre, photographe et réalisateur en fait son modèle préféré pendant huit ans. Il lui trouve un physique « de la tête aux pieds, irréprochable », la fait tourner dans ses films et l’introduit dans des cercles d’intellectuels parisiens. Ainsi, Kiki de Montparnasse rencontre Paul Eluard, André Breton, Robert Desnos ou encore Louis Aragon…
En 1924, Man Ray photographie Kiki de Montparnasse de dos et nue. Puis, il ajoute à sa photo deux ouïes de violon. Le Violon d’Ingres est né, l’un des clichés les plus célèbres de Kiki de Montparnasse.
Le cliché est estimé entre 5 et 7 millions d’euros. Il pourrait donc détrôner Rhein II, de l’allemand Andreas Gursky, adjugé 4,3 millions de dollars en 2011. Au mois de mai prochain, Christie’s présentera aux enchères à New York Le Violon D’Ingres. Il pourrait devenir l’œuvre photographique la plus chère jamais vendue.
La photographie a été rendue publique pour la première fois en juin 1924 dans la revue Littérature, fondée par les dadaïstes André Breton, Louis Aragon et Philippe Soupault.
Admirateur de Jean-Auguste-Dominique Ingres, le photographe a puisé son inspiration dans le travail du peintre français et le baptise de son nom. Le jeu de mots Le Violon D’Ingres fait référence au désir d’Ingres d’être reconnu comme peintre, mais aussi comme violoniste, son passe-temps favori.
Muse de nombreux artistes
La Reine de Montparnasse est un modèle, une muse d’artistes célèbres, mais également une chanteuse, une danseuse, une gérante de cabaret, une artiste peintre et une actrice de cinéma ! Elle anima le quartier de Montparnasse durant l’entre-deux-guerres.
En 1952, Frédéric Kohner, professeur dans une université de Californie, la revoit après de longues années : « La porte du bar s’ouvrit… Je la vis entrer. Elle portait un manteau de phoque très usé et un chapeau d’une taille ridicule, avec une voilette qui cachait ses yeux… J’eus un choc… J’avais l’impression qu’une terrible explosion s’était produite, ne laissant rien que d’horribles ruines. Je scrutais son visage tandis qu’elle titubait vers le bar… Son visage était ravagé par l’âge au point de la rendre méconnaissable. C’était un visage où l’on sentait la mort toute proche, où l’on devinait déjà le cadavre. Un maquillage outrancier ne faisait qu’accentuer l’impression de décomposition qu’il donnait. » À 51 ans, Kiki de Montparnasse décède à l’hôpital Laennec de Paris.
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