Jim Bishop : le plaisir de dessiner et de se réinventer

Jim Bishop : le plaisir de dessiner et de se réinventer

Lors de la 52ème édition du FIBD, Jim Bishop (L’Enfantôme, Mon Ami Pierrot, Lettres Perdues) a rencontré son public et est revenu sur son travail, ses inspirations et ses visions d’avenir le temps d’une longue entrevue. L’occasion de (re)découvrir cet artiste qui, de projet en projet, nous embarque dans des univers forts et poignants.

L’auteur et dessinateur vient d’accoucher en janvier 2025 d’une BD de 224 pages, L’Enfantôme, qui marque la fin de ce qu’il nomme lui-même « la trilogie de l’enfant » et qui suit le passage souvent compliqué de plusieurs personnages à l’âge adulte. L’Enfantôme accompagne son héros adolescent dans une année de collège des plus angoissantes, puisqu’en plus d’une vie scolaire compliquée, il doit affronter une étrange menace familiale. Jim Bishop s’est inspiré des déboires et épreuves de sa propre adolescence pour livrer un récit qui mêle cette fois horreur, amitié et critique sociale, le tout dans une grammaire graphique très proche du manga.

Alors qu’il est en tournée de dédicaces pour cette auto-fiction puissante et très personnelle, Jim Bishop profite de cette période tampon entre deux publications pour envisager son futur artistique. Dans cette fenêtre temporelle de tous les possibles, on comprend très rapidement que, quelle que soit la direction qu’il prendra, le bédéiste saura s’amuser et nous surprendre.

« Quitte à ce que ce soit dur, je veux faire ce que j’ai envie. Quand tu fais une BD tu te mets à nu, alors autant que ce soit fun. »

Jim Bishop – FIBD 2025

Jim Bishop, à l’orée d’une nouvelle décennie

L’auteur est à une période charnière de son parcours : il vient de fêter ses 10 ans de carrière dans la BD et a jusqu’ici toujours sauté d’un univers à un autre pour se renouveler sans jamais s’ennuyer. Mais si Jim Bishop assume pleinement son amour et son enthousiasme presque enfantin du dessin (en tant que lecteur avant tout), ce créateur en mutation constante a fait part lors de cet entretien d’envies qui sonnent comme une nouvelle étape dans sa maturité artistique.

une case de Jim Bishop

Ainsi, Jim Bishop affirme avoir pris une nouvelle claque de motivation devant le travail extrêmement précis, foisonnant et détaillé de Kamome Shirahama lors de ce 52ème FIBD, ce qui lui donne quelques idées… Lui qui confesse avoir l’impression d’avoir régulièrement fait des choix de facilité dans son travail, notamment dans son dessin, aspire ainsi à trouver un nouveau plaisir dans la technicité. Bien que déjà familier des œuvres de la mangaka (L’Atelier des sorciers avait inspiré la naissance de sa BD Mon ami Pierrot), Jim Bishop est en constante recherche d’évolution et voir l’exposition des planches originales à Angoulême a été pour lui un nouveau petit électro-choc.

Cette envie de repousser les frontières de son art, il l’exprime aussi lorsqu’il annonce parfois hésiter à continuer une série au lieu de travailler sur des one-shots, ce qui signifierait affronter des attentes différentes du public et devoir changer ses habitudes de travail. Entre ce qui définit un artiste et ce qui le limite, il n’y a parfois comme démarcation fine que la prise de conscience active de ce dernier de continuer à faire ou non ces choix et Jim Bishop semble être du genre à toujours se pencher sérieusement sur la question.

planche de BD de Jim Bishop
Une initiation à la magie qui rappelle Matrix (il y a même la cuillère tordue, si, si), à la croisée des influences.

Aujourd’hui, après avoir sorti son cinquième album (dont Jill et Sherlock en collaboration avec Yo-One, présent lors du FIBD 2024), Jim Bishop est sûr de certaines directions. Du côté des références par exemple, l’auteur s’éclate toujours autant et continue de régurgiter à sa sauce au fil de ses cases tout ce qui l’a marqué, en naviguant entre des influences aussi éclectiques que les Tortues Ninja et les gialli des années 80. Un jeu inévitable pour lui, mais aussi très amusant pour ses lecteurs qui n’en finissent pas de collectionner ces nombreuses références scénaristiques, de mise en scène ou de dialogues.

Côté mélange des genres aussi, Jim Bishop est solide sur ses appuis. Ses œuvres, qui croisent manga et BD, Moebius et Taiyō Matsumoto, horreur et candeur, comptent bien continuer à se moquer des étiquettes et des petites cases du marketing et c’est tant mieux pour nous. Libéré de ces contraintes, l’auteur peut naviguer librement dans son style et ses thématiques, ce qui donne des récits intrigants, où l’affranchissement des conventions nous permet de nous laisser surprendre en dehors de nos attentes. Un effet des plus rafraîchissants pour un voyage dans les mondes imaginaires de Jim Bishop, où tout peut basculer à chaque instant.

Alors, au terme de cette première décennie de BD et pour attaquer la prochaine, on se doute déjà que l’avenir va nous réserver une nouvelle thématique centrale. En effet, Jim Bishop considère avoir fait pour l’instant le tour de la sortie de l’enfance avec sa trilogie d’œuvres et a des envies d’émancipation. Nul ne sait où le mèneront ses pas, pas même l’intéressé qui sonde ses envies à la recherche de son prochain parc d’amusement artistique.

Mais il y a fort à parier que l’on continuera de retrouver dans ses prochains travaux les émotions puissantes et les personnages marquants et complexes qui rendent la lecture de ses BD si impactante. Et réjouissons-nous que Jim Bishop fasse partie de ces cerveaux toujours en ébullition à la recherche de nouveaux terrains à explorer, nous offrant ainsi des surprises passionnantes à chaque renaissance.

En attendant ces perspectives futures enthousiasmantes, L’Enfantôme, la nouvelle BD de Jim Bishop, est à retrouver comme toute la « trilogie de l’enfant » chez Glénat. Et pour celles et ceux qui auraient déjà lu toute sa bibliographie, l’auteur s’est fendu d’une belle mais dangereuse recommandation de lecture d’horreur : rien de moins que La Maison des feuilles de Mark Z. Danielewski… Malin, puisqu’une lecture complète et exhaustive devrait nous permettre de patienter jusqu’à la prochaine sortie signée Jim Bishop !

 

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