Le jeu vidéo cherche à se séparer des clichés qui lui collent injustement à la peau. Non, les jeux vidéo ne rendent pas violent et ils ne sont pas une perte de temps. Ils sont même vecteurs de compétences. En France, des acteurs du milieu œuvrent pour lier jeu vidéo et développement personnel comme professionnel. C’est le cas de Picky, président du Collectif du jeu vidéo Normand et responsable évènementiel de BH3 Esport. Dans cet entretien, il nous parle de ce lien, du partage autour du jeu vidéo et du festival Gaming Rouen Métropole que la ville de Rouen accueillera ce week-end.
Dans la vie associative, je travaille comme responsable évènementiel pour BH3 Esport, donc on organise des tournois avec les entreprises, écoles, particuliers… En Normandie et ailleurs. On organise aussi des streams caritatifs, le dernier c’était pour le CHU de Rouen. Après, c’est toute une vie associative qu’on organise avec de l’encadrement de joueurs dans des rosters semi-pro. On essaye de les emmener le plus loin possible dans les parcours dédiés à leurs jeux. Je pense surtout à Halo où on a emmené des joueurs aux USA à Charlottesville pour les finales monde. On fait aussi de l’encadrement sur Super Smash Bros. Ultimate, Street Fighter 6, Tekken… On met tout à disposition pour qu’ils puissent performer sur leurs jeux, donc un encadrement aussi bien administratif que des coachs mentaux et du support communication.
Je suis aussi président du Collectif Normand du jeu vidéo, qui a pour mission de fédérer tous les acteurs normands du jeu vidéo. Là, on va parler aussi bien d’associations que d’institutions comme des collectivités territoriales ou des universités ; mais aussi des entreprises privées qui peuvent travailler dans le secteur du divertissement ou des tiers lieux comme le Storm Wind à Rouen. On ratisse très large sur toute la Normandie pour fédérer tout le monde et créer un écosystème qui est plus solidaire, avec des liens beaucoup plus resserrés.
Le projet Gaming Rouen Métropole
Le festival du jeu vidéo Gaming Rouen Métropole aura lieu ce week-end, les 20 et 21 janvier, au Kindarena Rouen Métropole. L’entrée est gratuite et vous pourrez retrouver nombre d’activités : rétrogaming, speedrun, tournois d’esport, tables rondes et débats… On revient sur le programme dans un article dédié.
Le festival est né en 2021, d’une volonté de réunir les associations normandes pour créer un engouement plus fort.
Gaming Rouen Metropole, ça vient d’un prolongement du Collectif Normand du jeu vidéo, qui a donc pour mission de fédérer les associations normandes. On s’est rendu compte que beaucoup d’associations avaient des forces et des faiblesses, qu’en les associant on pouvait compenser les faiblesses des uns par les forces des autres. Le festival est né de cette réunion. Plutôt que d’avoir des associations qui organisent des petits évènements dans chaque ville où elle se situe, on s’est tous réunis au sein du collectif pour pouvoir créer un festival comme Gaming Rouen et faire naître une scène d’exposition pour tous les acteurs du jeu vidéo en Normandie ; qui a été soutenue par la Métropole Rouen Normandie.
Le projet ne cesse de grandir, et ses ambitions avec.
Avec le temps est venue l’idée que le CNJV avait beaucoup plus d’ambition, qu’en tout cas il avait des missions plus importantes à remplir. Reste cette scène d’exposition, mais l’idée c’est maintenant de montrer tous les acteurs qu’on peut rencontrer au cours de l’année. Donc on va retrouver des associations certes, mais aussi Matos and Games qui est une boutique de jeux vidéo d’occasion, également Cyril 2.0 qui est un streamer Playstation 1. L’idée c’est qu’au fur et à mesure des années, ce festival grandisse et qu’on ait une aura du jeu vidéo normand qui dépasse les frontières de la région. Donc pour ça, on va d’abord constituer un pôle esportif, qui est un peu le centre d’attention du festival. Mais au final cette attention générée profite aussi aux acteurs périphériques du festival. Je dis périphériques d’un point de vue organisation, mais n’oublions pas que ce sont eux l’objectif final.
L’édition 2024 apporte ses propres objectifs, après un Gaming Rouen Métropole 2023 qui avait pour but de renforcer cette réunion, entre autres.
L’année dernière, on était sur la volonté de se réunir, de fédérer, aussi de convaincre les collectivités territoriales de nous accompagner sur ce projet. Avant le festival, d’autres entités ont essayé de créer un festival du jeu vidéo et ça s’est mal passé… Donc ça a laissé une mauvaise image du jeu vidéo et il a fallu convaincre. On a rempli la mission de l’année dernière.
Maintenant, l’idée c’est d’être beaucoup plus sur l’ouverture. C’est de présenter au grand public ce que la Normandie peut faire en termes de jeux vidéo et de dire à tout le monde : « Rejoignez nous, découvrez nous, voyez ce qui se passe… » Venez voir ce qui fait le jeu vidéo normand et soyez en fiers.
L’échange est un véritable maître mot, que ce soit pour le festival ou le Collectif Normand du jeu vidéo. Un partage des acteurs de l’industrie au public initié ou non, mais aussi entre acteurs. Picky nous expliquait que les studios normands présents sur l’évènement pourront échanger et s’apporter des choses.
Le festival sert à ça, c’est du décloisonnement pour qu’une communauté puisse en rencontrer une autre et qu’on puisse apprendre les uns des autres. Les débats en font partie, c’est à destination du grand public comme des joueurs. Je suis convaincu que pouvoir circuler entre les univers permet d’élargir le champ des possibles.
Utiliser le jeu vidéo en tant qu’outil de développement
L’évènement apportera son lot de débats sur la grande scène du Kindarena. Ils ont une grande importance, puisqu’ils vont permettre d’ouvrir la discussion sur la pratique du jeu vidéo.
On a par exemple un débat sur le développement des soft skills à travers le jeu vidéo. On montre comment on peut développer des compétences et ensuite les appliquer dans un monde professionnel. C’est un des axes de la mission locale (présente au festival) : le jeu vidéo peut aider à la détection de talents et de compétences. Nous chez BH3 et au CNJV, on est en phase avec cette idée-là. On veut aussi montrer que le jeu vidéo peut s’intégrer dans le monde pro. On n’est pas obligé de devenir un joueur d’excellence ou un casteur, il y a plein d’autres métiers qui s’ouvrent une fois qu’on a mis le pied dans le monde du jeu vidéo. Et même si on ne finit pas dans le jeu vidéo, rien que le fait de parfois jouer à un jeu va permettre de développer sa pratique de l’anglais, par exemple, ou aussi une idée du management
J’ai un collègue qui a joué à World of Warcraft pendant des années et qui, indirectement, s’est senti capable d’être un leader. Il est chef de projet aujourd’hui. C’est un lieu d’essai, un laboratoire de la vie. Ca permet aussi de faire des expériences pour voir quel est son profil et vers quelle situation professionnelle on peut aller plus naturellement.
Il est bon de mettre en avant le jeu vidéo comme un véritable outil de développement de compétences diverses. Les clichés ont la vie dure, et un évènement aussi intergénérationnel que celui-ci est une pierre à l’édifice de l’héritage vidéoludique. Une initiative parfaite pour ouvrir ce fameux champ des possibles et créer de nouvelles idées autour du jeu vidéo.
Le YouTubeur EGO a sorti une vidéo sur Tetris, pour expliquer les évolutions des techniques, pour montrer comment la compétition a évolué à des niveaux stratosphériques. Et à un moment, il a une phrase que je trouve absolument magnifique. Il explique que y’a un petit gars dans sa chambre qui a trouvé une technique et depuis, il a révolutionné la compétition. L’idée du festival, c’est aussi ça. Débusquer les petits gars dans leur chambre, trouver cette créativité, détecter des perles en Normandie ou même ailleurs, mais de leur donner envie de développer le jeu vidéo en Normandie.
On le rappelle, Gaming Rouen Metropole se déroulera les 20 et 21 janvier au Kindarena Rouen Métropole. Vous pouvez prendre vos billets gratuitement sur le site du festival.