Histoire des femmes journalistes en France

Histoire des femmes journalistes en France

L’activité des femmes journalistes a toujours existé. Celles-ci étaient même parfois à l’origine de certains genres journalistiques. Cependant, le pseudonymat, et par extension l’éducation donnée aux filles a longtemps rendu opaque leur contribution à la presse.

Les quelques femmes qui ont eu accès au monde du journalisme, en dehors de la presse féminine, sont souvent rédactrices des mêmes rubriques : famille, mode, relation. Par conséquent, elles ne sont pas très présentes dans les reportages ou les questions politiques. D’après l’historienne Marie-Ève Thérenty, c’est pour cette raison que le journalisme féminin est d’autant plus intéressant. En effet, celui-ci se doit d’être inventif et audacieux pour s’émanciper des contraintes qui sont imposées à ses autrices. Du XIXème au XXème siècle, les femmes inventent des nouveaux modèles de rédaction. Ainsi, elles leurs donnent des noms de figures mythologiques ou fictives.

Les Pénélopes : journalistes chroniqueuses

Les premières femmes à atteindre les colonnes de la presse généraliste sont les chroniqueuses. Elles se surnomment « Pénélopes », du nom de la femme d’Ulysse dans la mythologie grecque. Delphine de Girardin, femme de Emile de Girardin, fondateur du journal La Presse est une chroniqueuse. Elle utilise le pseudonyme de « Charles de Launay » de 1836 à 1848, sous lequel elle écrit un feuilleton hebdomadaire à propos de la société parisienne, la maison, les mœurs. Si Delphine ne s’éloigne pas tant de la presse féminine, elle utilise néanmoins sa chronique pour parfois tenir un discours politique, sous couvert d’ironie. Un genre qui sera tenu plus tard par des autrices comme Gyp ou Colette.

Louis Hersent, Portrait de Delphine de Girardin (1824)

Les Cassandres : scénaristes politiques

Souvent issues de la haute bourgeoisie ou de l’aristocratie, les Cassandres sont indépendantes économiquement. Elles sont très féministes, c’est-à-dire qu’elles expriment par leurs écrits en quoi leur genre les infériorise. Mais elles revendiquent ce statut, car celui-ci leur donnerait une plus forte lucidité et indépendance vis à vis de la politique. Parmi elles on connaît George Sand, Marie D’Agoult et Juliette Adam. Comme la Cassandre de la mythologie, elles écrivent avec lyrisme, et annoncent les catastrophes. Au début de la IIe République, Juliette Adam prévient qu’une guerre avec l’Allemagne guette. Dans l’entre-deux-guerres, Geneviève Tabouis prévient de la montée des fascismes.

George Sand

Les Frondeuses, du journal La Fronde

Le journal de Marguerite Durand, La Fronde, n’emploie que des femmes. Il est à l’origine du mouvement des Frondeuses-Bradamante, en référence à l’héroïne Bradamante du Orlando furioso (poème épique italien), qui se déguise en homme pour se battre à la guerre. Le journal se concentre sur des reportages de terrain, une première pour les femmes journalistes. Elles écrivent sur les misères sociales, les victimes du système et encouragent souvent à la charité. La journaliste Séverine rapporte la lutte sociale de l’intérieur, en se faisant embaucher dans une usine en grève.

Les Amazones : voyageuses

Les « Amazones », ce sont les femmes journalistes de la fin du XIXème et du XXème siècle qui parcourent le monde. Elles reviennent avec des reportages ethnologiques, exotiques, d’exploration. Elles n’inventent pas vraiment de genre, mais elles sont plus souvent des exploratrices que des journalistes. On peut citer Jane Dieulafoy, Isabelle Eberhardt, Alexandra David-Néel, Ella Maillart.

Les Sapphos : femmes scandaleuses

Quand le journalisme fait plus de place aux femmes, après la première guerre mondiale, elles s’emparent des colonnes. Femmes en vue, mais avec souvent mauvaise réputation. Chronique sportive ou judiciaire, parfois reporter, on peut nommer Henriette Garnier, Marcelle Tinayre et Lucie Delarue-Mardrus. Mais parmi celles qui choisissent clairement la presse à scandale, on peut parler de Maryse Choisy, qui part en immersion dans les vendanges, comme mannequin… et se fait une mammectomie afin d’infiltrer un monastère d’Athos en 1929. Ou encore, Marise Querlin qui pratique le « journalisme déguisé » mais dont les articles oscillent souvent entre réalité et fiction. La moins oubliée aujourd’hui reste Colette, avec sa grande carrière de journaliste touche à tout.

Colette

Les Dalila, à l’épreuve du danger

A l’origine, de ce surnom, la journaliste Françoise Giroud. Celle-ci voulait parler de la rivalité entre les hommes et les femmes au sein d’un journal. La seule présence de ces femmes remettait en cause la présumée supériorité des hommes. En effet, ces journalistes mettaient parfois leur vie en danger pour l’information. Dans l’entre-deux-guerres, elles sont partout où les choses se passent : Russie, Japon. Avec un style assez genré qui leur est propre : beaucoup d’infiltrations, mais aussi d’interviews, et de transgression. On peut évoquer Andrée Viollis, Simone Téry, Marcelle Prat ou encore Titaÿna.

Cet article se base sur les recherches et le travail de Marie-Éve Thérenty qui est professeure de littérature française à l’université Paul-Valéry Montpellier 3. Son ouvrage Femmes de presse, femmes de lettres est paru aux éditions du CNRS.

Sources :

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