Que feriez-vous si vous aperceviez une famille en détresse vous implorant de l’aide sur le bas-côté d’une route ? Vous vous arrêteriez, bien entendu… Seulement le feriez-vous vraiment sans vous poser aucune question ? Avec Family Therapy, la réalisatrice Sonja Prosenc dresse le portrait sans concession d’une famille refusant de s’arrêter. Qui sont-ils ? Des monstres sans cœur ou simplement un cocon nucléaire enfermé dans une cage dorée ?
Family Therapy : trouver la faille derrière les baies vitrées d’une villa immaculée
Synopsis : « Dans une villa de verre au luxe froid et aseptisé, une famille slovène aisée maintient l’illusion d’une vie parfaite. Mais leur équilibre artificiel vacille dangereusement quand un jeune Français mystérieux, aux liens secrets avec le père, fait irruption dans leur quotidien. »
Tout commence par une route et une voiture bleue prenant feu sur son bas-côté. Du véhicule s’extirpe un homme, puis une femme avec son enfant de justesse avant que les flammes ne les consument. Le tout sans aucun son, mis à part les notes grandiloquentes d’une adaptation d’une partition d’Henry Purcell : King Arthur.

Le ton est-il immédiatement donné ? Ce serait mal croire un film comme Family Therapy qui en une coupe seulement supprime toute musique pour finir par se projeter dans les couloirs d’un aéroport tout droit sorti d’un film de Jacques Tati. Se tient alors face à nous une famille engoncée dans un format 4/3 : les Kraljs. Deux parents (interprétés par Katarina Stegnar et Marko Mandić) et leur fille Agata (Mila Bezjak) s’apprêtant à accueillir dans leurs valises Julien (Aliocha Schneider), fils illégitime du père.
La famille se disloque peu à peu autour de cette figure à contrario trop éthérée pour le cadre. Julien sera-t-il le pont vers un nouveau souffle de liberté pour cet amas humain que l’on retrouvera étriqué pour les 1h30 suivantes dans une sorte de villa/vivarium ultra-luxueux ? C’est en tout cas la seule personne qui s’indignera quand la voiture dans laquelle il monte accélère le pas pour ne pas voir cette fameuse voiture accidentée et ses occupants appelant à l’aide.
Le brio de Family Therapy repose alors sur son silence, sur cette façon si singulière qu’a le film de tout dire par symboles plutôt que dialogues. Les Kraljs ont tout de la famille parfaite, mais à l’extrême. Ils tiennent tel un seul bloc à l’aéroport, mais finissent par se perdre ironiquement entre la multitude de tapis roulants. Ils sont tirés à quatre épingles et conduisent un véritable bolide dont même le moteur se fait silencieux devant les appels à l’aide. Bref, ont tout de la vie d’un catalogue Ikea (ou Roche Bobois vu leur richesse) qu’Edward Norton dans Fight Club ne pourrait qu’envier (mais pas nous).
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Ils ne parlent pas, mais la cinématographie maîtrisée de Mitja Ličen le fait pour eux en jouant des surcadrages et plans d’ensemble de cette famille vue des baies vitrées pour montrer leur étouffement, ou en s’attardant à contrario sur les fissures d’une vitre brisée comme un cri de libération. Une forme et fond accordés au service de la puissance picturale. Si les Kraljs refusent de voir leurs failles, la caméra fera l’éviscération pour eux, non sans une pointe d’humour noir grinçant.
« Eat the Rich » ou « Eat Ourselves » ?
Beaucoup pourraient voir un parallèle évident entre Family Therapy et Théorème du grand Pasolini où un « visiteur » inconnu vient s’immiscer dans une famille bourgeoise pour en réveiller ses démons. Une comparaison juste, mais qui ne doit se limiter qu’à la citation tant le film de Sonja Prosenc prend un autre tournure.

L’entièreté de Family Therapy repose sur cette faute ultime : pourquoi les Kraljs ne se sont pas arrêtés devant une famille sinistrée ? Car ils sont déconnectés du monde à cause de leur argent (bouh bouh) ? Un écueil manichéen que la réalisatrice évite grâce à une écriture fine de la psychologie de ses personnages. Les Kraljs manquent d’empathie tant la situation est grandiloquente, mais que ferions-nous à leur place si quelqu’un au milieu de la nuit frapperait avec insistance à votre porte par exemple ?
En plaçant la caméra du côté de ceux qui fautent (porté par un quatuor d’actrices et acteurs remarquable) et en laissant le quotidien l’emporter sur l’ubuesque, la réalisatrice nous confronte à notre propre manque d’empathie, notre propre manière de fermer les yeux tant qu’on peut vivre confortablement dans un monde où l’injustice règne…
Family Therapy dresse par conséquent le portrait d’une famille en apparence extraordinaire se révélant à la fin comme la plus ordinaire de toutes : humaine. Un film de Sonja Prosenc avec Katarina Stegnar, Marko Mandić, Mila Bezjak et Aliocha Schneider à découvrir à partir du 27 août 2025 au cinéma !
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