Réservé à une élite, puis renié par certaines classes avant de se démocratiser, le jogging est un vêtement omniprésent dans notre quotidien.
Un pantalon technique
Le jogging est un vêtement conceptualisé pour la gagne. Créé dans les années 1920, le vêtement doit être serré à la taille et aux chevilles, mais lâche sur la longueur de la jambe. En fait, on ne fait pas de sport avec, comme le laisse entendre son nom en français : « survêtement ». Les athlètes l’enfilent avant et après les épreuves sportives pour garder leur chaleur corporelle. Le but est de favoriser une condition physique optimale pour qu’ils puissent battre des records.
En 1930, le Français Émile Camuset, fondateur du Coq Sportif, ajoute le jogging à son catalogue. Il ne les vend pas directement aux particuliers, mais aux équipementiers. Dans la même période, le sport est encouragé en dehors des compétitions officielles ; le pantalon de survêtement s’adresse alors à la bourgeoisie. Mais celle-ci n’en veut pas : le sport est un lieu de rencontre où il fait bon être bien habillé. C’est même parfois pour les jeunes gens l’une des seules manières de passer du temps avec des personnes de sexe opposé, donc l’esthétique compte.
« Ce n’est pas eux qui portaient le survêtement car il n’était pas considéré comme un vêtement esthétique. La classe élitiste qui pratiquait beaucoup le sport avait quand même cette notion d’élégance. Les hommes portaient beaucoup plus des costumes de golf. Les femmes étaient encore corsetées. Il n’y avait pas forcément dans cette couche sociale, cette notion de confort. » Florine Desforges, historienne de la mode.
Popularisation du jogging
En 1936 ont lieu les premiers Jeux Olympiques retransmis à la télévision. Une occasion pour les athlètes de se donner à voir au monde. On aperçoit également leurs tenues sur les photos dans les journaux : les athlètes américains posent en jogging dans le stade olympique. Le vêtement gagne en popularité et devient un symbole.
« En portant un survêtement, on s’identifie un peu aux sportifs qu’on a vus sur le podium. Chaque pays va commencer à comprendre que le survêtement a une valeur symbolique de représentation et créer une panoplie propre à leur nation. »
Aux côtés du sweatshirt, le jogging commence à se répandre. En 1939, Le Coq Sportif commercialise le jogging, sous le nom de « costume du dimanche ». Il va cependant mettre quelques années avant de s’imposer réellement.
Un vêtement à la mode
L’arrivée d’Adidas dans les années 1960 continue de rendre le jogging populaire. À cette époque, le survêtement reste un équipement réservé au sport. Probablement sans le savoir, la marque se positionne sur un marché qui va prendre un nouvel essor. En effet, dans les années 80, le jogging devient un vêtement de mode, mais aussi un marqueur social. Il est porté pour le sport, ainsi que pour le break-dance, qui s’impose comme l’un des cinq piliers du hip-hop. Les pratiquants du break-dance se mélangent en effet avec les DJ, les graffeurs, les rappeurs et les beatboxers, qui, pour certains, adoptent le jogging.
Le groupe de rap Run-D.M.C. pose en 1985 avec un ensemble de survêtement Adidas, donnant au vêtement le statut d’objet de mode. Jusque dans les années 90, cette mode va continuer de se développer pour atteindre son apogée. La popularité du jogging va même pousser les grandes maisons de couture à créer leurs propres designs. De plus, de nouveaux joggings en nylon voient le jour : le sportswear/streetwear atteint son âge d’or. Il est aujourd’hui toujours très porté, que ce soit pour faire du sport, s’habiller et aller en ville, ou même traîner chez soi (comme le prouvent les ventes massives de joggings au début du confinement aux États-Unis).
D’un vêtement fait pour battre des records, le « jersey molletonné » est devenu un accessoire de mode en un demi-siècle. Qui sait de quoi sera faite la mode de demain ?
Sources :