Jacques Grimault, auteur du documentaire pseudo-scientifique La Révélation des Pyramides et conférencier en sciences occultes, paraissait devant le tribunal de Paris ce mercredi 15 février pour des faits présumés de « cyberharcèlement » sur la personne de Faustine Boulay, doctorante en égyptologie. Un procès absolument ubuesque, où les outrances n’ont pas manqué de faire réagir l’audience…
C’est dans une salle pleine à craquer que nous avons assisté au procès Grimault. Durant plus de deux heures, les bancs du tribunal, principalement remplis de soutiens à Faustine Boulay, ont assisté aux plaidoiries, entrecoupées de recadrages réguliers par la juge en charge de l’affaire.
« Pas de digressions. »
Tel fut l’avertissement de la juge. Une sommation avisée, mais malheureusement inutile, face à la propension de l’accusé à partir dans le hors sujet, notamment dans le but de se faire passer pour la véritable victime de l’affaire.
« Je n’ai rien à voir avec cette histoire. »
Jacques Grimault
Aux origines de l’affaire
Le différend est parti de pas grand-chose. En décembre 2019, Faustine Boulay tient une conférence sur le thème de la désinformation en archéologie. Ses propos s’attardent alors quelques minutes sur le film écrit par Jacques Grimault : La Révélation des Pyramides. Elle y dénonce la désinformation véhiculée par le film (qui est un véritable cas d’école de pseudo-archéologie).
Jacques Grimault, déjà connu à l’époque pour réagir avec véhémence à la moindre critique, aurait alors publié (ou fait publier) pas moins de 97 messages et 18 vidéos infamantes à l’encontre de Faustine. « Lubrique », « gourde », « frustrée », « handicapée mentale », « gourgandine », « ignorante qui ramène sa fraise pourrie »… Le vocabulaire imagé ne manque pas. A cela s’ajoutèrent divers surnoms obscènes basés sur le patronyme de Faustine, ainsi que des montages vidéo visant à l’humilier publiquement.
« Toutes ces vidéos la dénigrent, l’insultent, la ridiculisent, la présentent comme sexuellement déviante… »
Maître Julien Bensimhon, avocat de Faustine Boulay
Pas de mea culpa cependant du côté de la défense, qui n’a cessé d’affirmer son innocence. Plus étonnant encore, Jacques Grimault n’a pas hésité à expliquer qu’il était la véritable victime de cette affaire.
La défense confuse de Jacques Grimault
Habitué des tribunaux, l’accusé de 68 ans s’est longuement exprimé, afin de donner sa version des faits, de façon confuse et incohérente, si bien qu’il dut être rappelé à l’ordre à de très nombreuses reprises par la juge. Durant de longues minutes, l’accusé raconte le récit du complot dont il serait l’objet depuis plusieurs années. A l’en croire, Faustine Boulay serait la véritable harceleuse. Pire encore, Faustine serait à la tête d’un groupe de « trolls », dont le seul but serait de nuire à sa vie.
« Ce n’est pas Mme Boulay seule, mais un ensemble de trolls. C’est une meute aux commandes ! » […] « Madame Boulay est cheffe de ces gens-là. »
Jacques Grimault
Face à cette inversion accusatoire, la juge fut obligée de le rappeler à l’ordre et de signifier que c’était LUI qui devait répondre d’une infraction, et non Faustine Boulay.
« C’est vous qui êtes le prévenu, Monsieur. » […] « Là, c’est vous qui devez répondre d’une infraction… » […] « Êtes-vous le rédacteur de ces textes ? »
La juge
Après de nombreuses autres digressions, l’accusé finit enfin par répondre :
« Je ne suis pas le rédacteur de ces messages, mais certaines de ces expressions me sont communes. »
Grimault sous-entendit par la suite que c’étaient ses détracteurs (les fameux « trolls ») qui avaient écrit les messages à sa place… Il fut alors rappelé à l’accusé que celui-ci avait reconnu les faits de harcèlement lors de son interrogatoire par les services de police. En effet, en août 2021, il expliquait aux enquêteurs avoir « rendu la monnaie de sa pièce » à Faustine, admettant ainsi être l’auteur des messages. Face à cette contradiction manifeste, l’accusé expliquera que les policiers avaient inscrit des « choses fausses » au procès-verbal.
Jacques Grimault : un profil « paranoïaque »
En 2022, lors de la précédente audience, il avait été ordonné que l’accusé fasse l’objet d’une expertise psychiatrique. Celle-ci fut effectuée, pour des résultats sans équivoque. En effet, selon l’expert psychiatre, l’examen de Jacques Grimault met en évidence :
- Des « idées délirantes de persécution »
- Un « caractère soupçonneux »
- Une « hypertrophie du moi »
- Des « tendances rancunières tenaces »
- Une « psychose délirante chronique de type paranoïaque »
L’expert considère ainsi que l’accusé « nécessite des soins psychiatriques » et conseille une injonction aux soins en cas de condamnation. Face à ces résultats sans équivoque, Jacques Grimault ne put s’empêcher de réagir avec virulence. Une contestation immédiatement rabrouée par la juge :
« Je ne vous demande pas de contester ce rapport, vous n’êtes pas médecin… »
De plus en plus irrité, Grimault rétorqua :
« J’ai quelques années de médecine, excusez-moi ! »
Une remarque qui ne manqua pas de faire pouffer l’audience. Pour rappel, selon les dires de Jacques Grimault, il fut à la fois médecin, égyptologue, ancien combattant, ingénieur, musicien, explorateur, enseignant… On vous laisse un aperçu de son « palmarès professionnel » en fin d’article.
Les conséquences sur la vie de Faustine Boulay
La plaignante dans cette affaire est également la personne que l’on a le moins entendu durant ce procès sous haute tension. Assise silencieusement à sa place, Faustine écoute et ne prend la parole que lorsqu’on la lui donne. Appelée à la barre pour évoquer le harcèlement dont elle fut victime, celle-ci expliqua les diverses conséquences que cela eut sur sa vie. Interrompue par les sanglots durant sa déclaration, elle évoqua l’arrêt de ses études en égyptologie, ainsi que le changement drastique de ses conditions de vie. Des changements appuyés par des avis d’experts (psychologues et psychiatres), dont les rapports furent remis au tribunal.
« Ça m’a tué… »
Faustine Boulay
La plaignante évoqua le harcèlement subi par elle, mais également ses proches, détaillant les insultes constantes (dont certaines homophobes) dont ils faisaient l’objet.
Suite à quoi, Me Bensimhon, avocat de Faustine, engagea sa plaidoirie. Il y évoqua en détail la façon dont Jacques Grimault aurait fait de Faustine sa « tête de Turc » et son « bouc émissaire ». La description faite est celle de « 10 mois de messages odieux » et d’un « déferlement de haine », provoqué par la critique légitime de Faustine sur son travail. Il insista d’ailleurs sur la teneur pseudoscientifique des thèses défendues par Grimault :
« Sa thèse de base, c’est que les pyramides ont été inventées par les extraterrestres… »
Maître Julien Bensimhon
Ne pouvant s’empêcher d’intervenir, même quand il n’a pas la parole, Jacques Grimault cria alors : « Absolument pas ! C’est un mensonge ! ». Après un rappel à l’ordre par le tribunal, Me Bensimhon fit de cette interruption un exemple :
« Voilà ! c’est ça, Monsieur Grimault ! Un homme incapable d’entendre la moindre critique sur son travail, fut-elle fondée… »
Suite à quoi, Me Bensimhon demanda diverses sanctions à l’encontre de l’accusé, notamment 25 000 euros de dommages et intérêts, ainsi que 8 000 euros de frais de justice.
« S’il y a eu un harcèlement, c’est un tout petit harcèlement »
La meilleure défense, c’est l’attaque… C’est en tout cas la stratégie adoptée à la fois par l’accusé, mais également par son avocat, Maître Coudert. En effet, plutôt que de chercher à innocenter son client, l’avocat de la défense s’est employé à exercer une campagne de dénigrement particulièrement violente à l’encontre de Faustine Boulay. Celui-ci n’a ainsi pas hésité à accuser la plaignante, à demi-mot, d’avoir elle-même orchestré une fausse campagne de harcèlement :
« Les montages ne sont pas originaires de M. Grimault. Ce sont des montages faits par quelqu’un d’autre. »
Me Coudert ne s’est pas aventuré à donner de nom. Toutefois, il n’a pas hésité à expliquer que la personne à l’origine de ces faux montages était « dans la salle ». L’axe de la défense est clair : Faustine Boulay est à l’origine de son propre harcèlement. Elle chercherait désormais à faire porter le chapeau à Jacques Grimault. Dans le même registre, l’avocat n’hésita pas à accuser Faustine d’avoir agi par appât du gain. La preuve apportée ? La cagnotte que celle-ci a levée pour payer ses frais judiciaires…
« Elle a touché 22 000€, elle va pas se plaindre ! »
Me Coudert
Toujours dans le même registre, l’avocat n’a pas manqué d’expliquer que la plaignante était « nulle dans son métier », en s’appuyant sur divers messages qu’il attribue à Jacques Grimault (messages que ce dernier niait pourtant avoir écrits… L’avocat de la défense reconnaît donc lui-même que Grimault les a rédigés).
« Il dit qu’elle est nulle dans son métier. Ben oui, malheureusement ! Moi j’ai des travaux de M. Grimault…. »
Enfin, dans un magnifique pirouette, l’avocat Me Coudert finit par reconnaître que Jacques Grimault avait envoyé certains messages outranciers à l’encontre de Faustine, minimisant toutefois leur gravité :
« S’il y a eu un harcèlement, c’est un tout petit harcèlement. »
A mi-chemin entre indignation et rires étouffés, l’audience assista par la suite au retour de Jacques Grimault à la barre, pour le mot de la fin. Se gargarisant d’une de ses logorrhées habituelles, l’accusé termina sa défense en déclarant :
« La véritable victime, c’est moi-même ! »
Pour la procureure, « l’infraction est parfaitement caractérisée »
Suite aux plaidoiries des avocats, la procureure de la République rendit son avis à la cour. Selon elle, l’infraction de « cyberharcèlement » est « parfaitement caractérisée ». La magistrate étaya son propos en donnant pour preuves :
- L’exploitation « très rigoureuse » de la clé USB contenant tous les éléments caractérisant le harcèlement
- Les éléments de langage habituels de Jacques Grimault, parfaitement raccords avec les propos incriminés
- L’absence de plainte de l’accusé depuis le début de l’affaire pour « usurpation d’identité » (qui est pourtant sa principale ligne de défense)
- L’absence de preuves factuelles apportées lors de ses déclarations
La procureure a également souligné que l’accusé était parfaitement en état psychiatrique de comprendre ce qui lui était reproché. Toutefois, elle rappela que l’expertise psychiatrique devait induire une réduction de peine au tiers, en cas de condamnation. Elle dut également rappeler (une fois encore) que Jacques Grimault était l’accusé et non pas la victime, contrairement à ce qu’il prétend.
« Les déclarations de M. Grimault me semblent peu crédibles. »
La procureure
S’agissant de la peine à prononcer, il fut demandé 10 mois de prison avec sursis, assortis d’une obligation de soins, ainsi qu’une interdiction de contact avec la victime. Une obligation de travail fut également proposée, ainsi que des dommages et intérêts (pour Faustine Boulay et pour l’Etat).
Le jugement sera rendu le 19 avril, au tribunal de Paris. La décision est attendue avec impatience, surtout dans la mesure où celle-ci pourrait faire jurisprudence en matière de « cyberharcèlement ».
Article parfait, brillant, et qui doit être lu pour faire prendre conscience de la dégradation des conditions de vie des personnes harcelées.
Bravo, et j’espère que Faustine reprendra ses études, et son travail dans son association.
Merci pour ce beau compliment ! Et oui, toutes nos pensées vont à Faustine en espérant qu’elle pourra reprendre sa thèse et continuer sa passion 🙂
Dire qu il faut en passer par là pour calmer le Jaky
Il finira bien par disparaître, et se ne sera pas un mal
Gros soutient a faustine