Comment le « mouvement de libération des femmes » (MLF) est-il né ?

Comment le "mouvement de libération des femmes" (MLF) est-il né ?

Le 26 août 1970, neuf femmes posent une gerbe sur la tombe du soldat inconnu avec pour slogan « Il y a encore plus inconnu que le Soldat inconnu, sa femme ». Cet acte a marqué la naissance du mouvement de libération des femmes (MLF).

Que s’est-il exactement passé ce jour là ?

Août 1970 marquait aux Etats-Unis les 50 ans du droit de vote des femmes. A New York, elles sont 50 000 à manifester pour l’égalité des sexes et à s’opposer au patriarcat. Ainsi, des militantes féministes vont s’inspirer du Women’s lib américain, né en 1968, et vont manifester dans Paris ce même jour.

Neuf femmes tentent donc de déposer sous l’Arc de triomphe des fleurs pour honorer « la femme du soldat inconnu ». Elles s’appellent : Cathy Bernheim, Monique Bourroux, Julie Dassin, Christine Delphy, Emmanuelle de Lesseps, Janine Sert, Margaret Stephenson, Monique Wittig et Anne Zelensky.

Elles portent avec elles les banderoles « Il y a plus inconnu que le soldat inconnu : sa femme » et « un homme sur deux est une femme ». Mais les policiers les arrêtent et les embarquent au commissariat. Le lendemain, la presse s’empare de cet événement et déclare la naissance du mouvement de libération des femmes. 

Les caractéristiques du mouvement de libération des femmes  

Si des réunions et meetings ont été organisés quelques semaines auparavant, c’est cette action qui marquerait le point de départ du mouvement.

En octobre 1970, ce courant horizontal organise sa première assemblée générale. Leurs combats ? Un avortement « libre et gratuit », un accès à la contraception, la libération du corps de la femme, mais aussi une lutte contre le sexisme, contre les violences conjugales et sexuelles…

Ces militantes demandent également l’égalité des droits sociaux, politiques, économiques, juridiques, sexuels et symboliques entre hommes et femmes. Cependant, les femmes du mouvement ne sont pas d’accord sur tous les points. Elles arrivent toutefois à trouver des compromis sur ces thématiques.

Ainsi, ce mouvement avait une visée émancipatrice et a politisé les questions sexuelles. Ce mouvement, non mixte, a une vision en rupture avec l’ordre social établi. Les militantes s’inspirent de la pensée révolutionnaire et marxiste. Elles utilisent des slogans pertinents et drôles pour se faire entendre comme « un homme sur deux est une femme », « travailleurs de tous les pays… qui lave vos chaussettes ? » et « une femme sans homme, c’est comme un poisson sans bicyclette ». Elles publient leurs idées et revendications dans des publications collectives comme le « Torchon brûle ».

De même, beaucoup de ces femmes ont signé le Manifeste des 343, publié dans le Nouvel Observateur (5 avril 1971). 343 femmes dont Catherine Deneuve, Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi (décédée le 28 juillet 2020) disent avoir avorté. A cette époque, l’avortement était interdit, en signant ce manifeste, ces 343 femmes risquaient d’être poursuivies par la justice. Les militantes du MLF soutiennent également Gisèle Halimi, avocate de l’adolescente qui avait avorté, lors du procès de Bobigny en 1972.

Qu’est-ce que ce mouvement est devenu ?

A la fin des années 1970, le mouvement s’essouffle. De trop grandes différences séparent les militantes. En 1979, Antoinette Fouque crée l’association MLF, ce qui a mis en colère nombre de militantes. L’historienne Biba Pavard explique ce ressentiment :

« Pour les autres militantes, surtout celles qui étaient là depuis le début, il s’agit d’une appropriation inacceptable de ce nom, qui qualifie un mouvement et non pas une association, propriété de quelques-unes »

Des groupes régionaux reprennent les combats du MLF et les portent au niveau politique. Ainsi, l’arrivée de la gauche au pouvoir avec l’élection de Mitterrand de 1981, la création d’un ministère délégué aux Droits de la femme avec Yvette Roudy et la création le 8 mars 1982 de la journée internationale des droits de la femme, qui a permis de faire avancer la cause du MLF.

Ce mouvement est dans la continuité de la révolution de mai 68 où les sujets de l’exclusion et de sexualité de la femme sont évoqués. Mais ce mouvement porte la cause féministe plus loin que mai 1968. Ainsi, leur combat a mené au droit à la contraception (1967) et à l’avortement (1975), le remboursement par la sécurité sociale (1974 et 1982), l’abolition de la puissance paternelle au bénéfice de l’autorité parentale en 1970…

Ce mouvement a donc permis de modifier la loi. Mais plus encore, ce mouvement a mis le doigt sur le sexisme ambiant, sur la place de la femme dans la famille et dans la société.

Le mouvement de libération des femmes est donc né de cette action choc. Si ce mouvement est peu connu du public, son empreinte est pourtant toujours visible aujourd’hui. Que ce soit l’avortement, la contraception, les agressions sexuelles, le sexisme, le travail ménager… Ce mouvement s’est emparé de ces sujets pour les médiatiser et changer notre société. A l’ère du mouvement me too et de balance ton porc, l’héritage du MLF est incontestable. 

 

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