Dès ses débuts dans les années 80, la licence Tron a autant fasciné, qu’elle a été décriée puis oubliée. Mais pourquoi la franchise imaginée par Steven Lisberger parvient toujours à rester dans les esprits encore aujourd’hui ?
Un monde qu’on pensait ne jamais voir
Durant les années 70, une révolution commence à se mettre en marche dans le secteur de l’animation. Les outils informatiques se développent à pleine vitesse, tout comme les possibilités offertes par ces derniers. Les animateurs, qui avaient toujours vu leur travail par le biais artisanal, voient une autre façon d’animer leurs créations. De l’autre côté, les bornes d’arcade commencent à voir le jour avec notamment Space Invaders dans les années 70.
C’est au sein de ce monde que Steven Lisberger voit sa créativité en être imprégnée. Fasciné par ce que des films comme Star Wars peuvent créer via ordinateur, il se met à plancher sur un concept réunissant le monde des jeux vidéo et de la science-fiction. L’idée centrale du projet est tout aussi ambitieux qu’audacieux : immerger le public dans un monde créé totalement par ordinateur.

Walt Disney Pictures, cherchant à se redéfinir suite à la fin de son âge d’or s’achevant avec le décès du père fondateur, est intéressé et propose de produire ce futur long-métrage en plus d’en acquérir les droits. Après des années d’instabilité et de contraintes créatives, le film Tron, tiré du mot élecTRONique, commence à réellement voir le jour.
Le film finit par sortir durant l’été 1982 et prend tout le monde de court par sa démonstration d’un véritable monde virtuel à l’écran, une première pour l’époque. En effet, le public, accoutumé à voir ces outils informatiques utilisés spécifiquement pour appuyer les effets visuels, se retrouve devant un monde totalement créé par ordinateur. Malgré son esprit novateur pour une époque encore peu habituée à l’informatique au sein de sa société, le film ne reçoit pas l’accueil nécessaire pour le rentabiliser.

Peut-être trop visionnaire ou peut-être trop hermétique face à un monde qui n’est pas encore prêt à accepter la radicalité de ce genre de proposition, il n’en reste que l’ensemble a du mal à fonctionner intégralement. L’introduction du film possède une structure très particulière qui ne prend pas par la main son audience. Les différents éléments sont révélés sans réelle maîtrise et nous nous retrouvons brutalement propulsés dans un monde qui ne se présente pas.
La partie se passant dans le monde réel n’arrive pas non plus à nous engager dans ce que l’on voit et son classicisme dans le style des films des années 80 s’en fait ressentir. Non, ce n’est pas cette première partie qui nous fera sauter de nos sièges. Cependant, quelque chose se produit à mesure que l’on avance dans le visionnage.

Quand Flynn infiltre la base informatique d’Encom, faite de grandes structures rectilignes s’imposant dans tout le cadre de la caméra à l’image d’un système informatique composé de câbles encadrant des processeurs et autres outils informatiques, on sent que l’idée émerge. Et là, on pénètre avec Flynn au sein de ce monde virtuel.
Malgré son âge, Tron porte toujours cette innovation qui la caractérise. Steven Lisberger nous présente un monde vivant au potentiel illimité. On découvre peu à peu ce monde artificiel avec une identification visuelle marquée qui ne nous laisse pas de marbre. Le scénario ne devient plus qu’un prétexte et notre appréciation commence à se décupler.
Ce long-métrage est une expérimentation totale à laquelle on se demande comment tout cela a pu aboutir au vu de l’ambition affichée. C’est ce qui fait la force et la faiblesse du film. On nous montre un monde virtuel avec une imagerie qui nous fascine et qui nous pousse aux confins de notre imagination mais qui en fait exacerber ses défauts avec en tête une histoire peu attrayante.

Cela explique les déboires du box-office et le statut de film culte qu’atteindra la création de Steven Lisberger durant les années suivant sa sortie en salles. La licence restera en sommeil quelque temps à part quelques incursions dans le monde du jeu vidéo avec notamment la sortie de Tron 2.0 en 2003, toujours chapeauté par Steven Lisberger.
Entre oubli et héritage
Ces années sous forme de comas artificiel n’empêcheront pas de faire naître des adeptes. C’est ainsi qu’au cours des années 2000, le producteur Sean Bailey prendra sous sa tutelle Joseph Kosinski pour créer un teaser visuel de quelques minutes pour mettre en avant leur vision de la probable suite au film de 1982. Cette vidéo est présentée au Comic Con de San Diego en 2009 et relance l’intérêt du public pour le monde de Tron. L’ambiance générale est très différente de celle du premier film mais elle porte en elle son identité.
Les studios Disney lancent donc la production de cette suite inespérée nommée pour l’instant Tr2n. Il finit par sortir durant l’année 2010 sous le titre Tron : L’Héritage. Visuellement, le film n’a quasiment pas pris une ride. La plongée dans le monde virtuel est bluffante et le bond est radical par rapport au premier opus. Le concept est repris pour être remanié totalement afin de nous offrir un univers lorgnant entre le noir et blanc. Les structures rectilignes sont travaillées avec le plus grand soin et le passé d’architecte du réalisateur apporte une plus-value non négligeable.

L’univers de Tron est peaufiné et détaillé en profondeur et le film nous offre un monde vivant et palpable. Les passages tournés en IMAX renforcent un peu plus l’immersion et nous proposent une attraction spectaculaire. Attraction, c’est le mot. Parce qu’en dehors de cela, l’histoire a du mal à décoller. La faute à un personnage principal manquant d’identité et qui ne porte pas le récit avec lui.
En effet, Sam Flynn n’a pas la carrure nécessaire pour nous emmener avec nous dans son récit initiatique et son interprète Garrett Hedlund n’a pas le charisme d’un Jeff Bridges. Ce dernier est impeccable dans son rôle de mentor mais le rajeunissement numérique de son double Clu a tout de même mal vieilli.

Le tout est toutefois contrebalancé par sa bande originale qui peut aisément faire partie des morceaux de référence quant à la qualité attendue pour une production de cette taille. Le groupe Daft Punk réussit avec brio à définir musicalement cet univers avec une pléthore de propositions qui collent toutes avec les images qui sont montrés à l’écran.
Cette suite varie donc entre le chaud et le froid et nous frustre quelque peu, tant on sent l’amour qu’ont ses concepteurs envers la création originelle. Cette suite ne fera malheureusement pas le score souhaité par Disney au box-office pour ce genre de blockbuster mais suffisamment pour envisager un troisième épisode.
Néanmoins, les mauvais retours d’A la poursuite de demain et l’achat en 2012 de la société Lucasfilm par Disney rebattent les cartes et les priorités changent. Ce troisième épisode est mis au placard ainsi que le spin-off sous forme de série Tron : La Révolte.
Annulée dès la fin de la sa première saison, cette série d’animation proposait pourtant ce qu’il fallait pour rendre justice à cet univers. Reconnaissante par rapport à son propre passé, elle cherchait à créer sa propre mythologie avec tout d’abord un style pouvant certes être repoussant au premier abord mais réussissant avec brio à réunir les visuels des deux films.

Cette série avait aussi le champ libre pour développer en profondeur les rouages de ce monde virtuel en développant les concepts abordés par Tron : L’Héritage, comme les ISOs ou encore le fonctionnement de ce monde informatique. Ce qu’elle fait avec une maîtrise assurée tout en prenant le temps de développer les personnages introduits.
Les différentes reprises des thèmes musicaux du second film finissaient par consolider un univers télévisuel qui était en pleine expansion mais qui fût tué dans l’œuf avant même de s’assumer totalement.

Ce n’était sans compter l’amour inconditionnel des fans de la première heure et surtout d’un certain Jared Leto. A partir de la deuxième moitié des années 2010, l’acteur oscarisé aurait maintenu le projet à flot envers et contre tout pour enfin finir par faire valider le projet sous le nom de Tron : Ares.
Qu’on le veuille ou non, cet univers polarise. Il y a ceux qui voient les défauts flagrants et inhérents à chaque itération et il y a ceux qui sont immergés par ce qu’offre le monde de Tron et qui finissent par être happés par la création de Steven Lisberger en imaginant le potentiel d’une telle saga.
La franchise Tron fait partie des anomalies de l’écurie Disney. Elle n’a jamais atteint les sommets du box-office mais aura réussi à créer un cercle de fans tenace durant plus de quarante ans d’existence. Jamais totalement gagnante mais jamais totalement oubliée. Aujourd’hui, le plus intéressant n’est pas de savoir si Tron : Ares brisera cette malédiction mais plutôt de voir comment la licence de Disney réussira à rester dans l’inconscient du grand public durant les prochaines années à suivre. Et pour mettre toutes les chances de son côté, la compagnie aux grandes oreilles a remasterisé les deux premiers films en blu-ray 4K, pour le plus grand plaisir des fans.
Ne manquez aucun article : abonnez-vous gratuitement à Cultea sur Google News


![« Batman Dark Age » : un justicier dans sa ville [critique]](https://cultea.fr/wp-content/uploads/2025/11/batman-dark-age.png)
![« Ultimate Spider-Man » tome 1 : un héros libéré du statu quo [critique]](https://cultea.fr/wp-content/uploads/2025/12/ultimate-spider-man-tome-1.png)