Sorti en 2001, le film La Chute du faucon noir (Black Hawk Down en VO) a fait l’objet de vives controverses dès sa sortie. Bien qu’il dépeigne un fiasco militaire américain, la question de son véritable message a été soulevée. La Chute du faucon noir est-il une critique de l’interventionnisme américain au tournant du siècle ou un pur film de propagande militaire ? Aujourd’hui, alors que le film est ressorti dans une édition limitée steelbook contenant une version Blu-ray 4k, on vous donne trois raisons de (re)découvrir cette œuvre du réalisateur du prochain biopic Napoléon, et ainsi vous permettre de vous faire votre propre avis.
Synopsis : Le 3 octobre 1993, avec l’appui des Nations Unies, une centaine de marines américains de la Task Force Ranger est envoyée en mission à Mogadiscio, en Somalie, pour assurer le maintien de la paix et capturer les deux principaux lieutenants et quelques autres associés de Mohamed Farrah Aidid, un chef de guerre local. Cette opération de routine vire rapidement au cauchemar lorsque les militaires sont pris pour cibles par les factions armées rebelles et la population, résolument hostiles à toute présence étrangère sur leur territoire.
Ce film américano-britannique est une adaptation du livre de Mark Bowden, Black Hawk Down: A Story of Modern War. Le journaliste y relate les combats de Mogadiscio (3-4 octobre 1993). Au cours de cette bataille, 19 soldats américains et des centaines de Somaliens (dont des civils) ont trouvé la mort. Avec son film, Ridley Scott propose une reconstitution saisissante des événements qui avaient profondément marqué la population américaine.
Un casting de haut vol
Disons-le tout de suite, les personnages sont loin d’être le cœur du film, tout du moins pas dans leur individualité. Les principaux militaires américains que nous suivons sont à peine présentés. On les distingue surtout pour leur appartenance aux Rangers ou à la Delta Force. Mais, au fond, leur passé, leurs envies et leurs peurs personnelles importent peu.
Pourtant, il nous faut souligner que Ridley Scott a composé un casting 5 étoiles pour interpréter les différents protagonistes. On y retrouve de nombreux acteurs déjà connus au début des années 2000. Notamment William Fichtner et Steven Ford (qui incarnent respectivement le colonel William Sharp et Nuke Tech dans Armageddon). Mais vous reconnaîtrez aussi des figures plus émergentes qui ont marqué de grandes productions par la suite, tels que Nikolaj Coster-Waldau (Games of Thrones) ou Tom Hardy (The Dark Knight Rises et Mad Max: Fury Road) qui endossait alors son premier rôle dans un film. Citons aussi rapidement Ewan McGregor (Obi-Wan Kenobi dans la saga Star Wars), Orlando Bloom (Le Seigneur des anneaux, Pirates des Caraïbes) ou encore Josh Hartnett, que l’on pourrait considérer comme le personnage principal de La Chute du faucon noir s’il fallait vraiment en désigner un, retrouvé très récemment dans Oppenheimer.
Tous ces acteurs proposent une performance très juste, nous permettant de nous attacher à leur personnage malgré leur faible contextualisation.
La Chute du faucon noir : une mise en scène réaliste très immersive
Comme nous le disions, les protagonistes ne sont pas au centre du film. Le vrai sujet développé par Ridley Scott, c’est bien la bataille elle-même, dont il s’est attaché à reconstituer les événements avec le plus de réalisme possible.
Pour cela, la phase de préparation du film a été très importante. Les acteurs ont suivi pendant plusieurs semaines des stages de commando militaire. En outre, Harry Humphries, un ancien Navy SEAL, a accompagné et conseillé l’équipe du film. Celui-ci avait déjà tenu le rôle de consultant pour Armageddon et Pearl Harbor entre autres.
Le tournage s’est déroulé dans de vraies villes au Maroc, notamment à Salé, qui ressemblait au centre-ville de Mogadiscio. L’armée américaine a fourni du matériel lourd, comme des blindés et une quinzaine d’hélicoptères, dont certains pilotes dans le film avaient participé à la bataille historique de 1993. Le plus grand système de prises de vue sur grue de l’époque a également été mis en place.
Toutes les conditions étaient donc réunies pour permettre à Ridley Scott de proposer un film ultra réaliste sur les combats de Mogadiscio. Pari réussi. Après une courte phase de préparation des soldats, le réalisateur nous plonge au cœur de la bataille, aux côtés des Américains. Dans une profusion d’explosions, de tirs et de sang, rien ne nous sera épargné. Plaies béantes, membres arrachés, corps déchiquetés, opération d’urgence à mains nues, soldats blessés entassés dans des blindés… Imaginez la scène d’ouverture de Il faut sauver le soldat Ryan, sorti 3 ans plus tôt, mais pendant plus de 2 heures. Car oui, ici la bataille dure pratiquement tout le film. Il ne s’agit pas juste d’une scène d’action d’une trentaine de minutes.
Les événements s’enchaînent, ne nous laissant aucun répit. Ridley Scott parvient à retranscrire le chaos de la guerre avec minutie. Il permet ainsi au spectateur de tout voir comme s’il était au cœur des combats. Le premier imprévu, la chute du Ranger Todd Blackburn, tombé de plusieurs mètres de hauteur en descendant de l’hélicoptère au début du raid, n’est qu’un signe annonciateur de la suite. Rien ne se passe comme prévu dans cette opération censée durer 30 minutes. Un Ranger chute, puis c’est un hélicoptère Black Hawk qui chutera, touché par des tirs ennemis. Un premier, avant le suivant…
Les moments de calme n’en sont que plus oppressants. On pense notamment au moment où deux soldats se retrouvent seuls dans un quartier déserté, sans possibilité de contacter leurs frères d’armes. Cette sensation d’étouffement nous tient tout le long de cette bataille dans une ville-piège contre des adversaires grouillants en une masse indéfinie, qui semble sans cesse se renouveler.
L’occasion de questionner le message du film
Nous l’évoquions dans l’introduction, La Chute du faucon noir a été vivement critiqué par certains comme un film pro-guerre. Il faut certes lui reconnaître un défaut : son point de vue très américano-centré. L’équipe du film a en effet été conseillée et épaulée par des militaires américains. Mais aucun consultant somalien n’est intervenu pour équilibrer la balance.
Et cela se ressent dans la représentation des Somaliens. On ne les voit que comme une foule dont personne ne se détache. Attaquant de toute part, le spectateur ne peut distinguer la milice de la population civile, ni vraiment comprendre leurs motivations. De plus, le film dépeint le stéréotype des gentils contre les méchants. Les soldats américains ne tirent que si on leur tire dessus. En face, les Somaliens tuent sans pitié un homme, même s’il est déjà à terre. Cette invisibilisation dans la masse nous fait parfois oublier que les habitants de Mogadiscio vivent aussi l’horreur des combats. Pourtant, un jeune Somalien, tuant son père par erreur en visant un Ranger, nous rappellera froidement à l’ordre.
Cette vision unilatérale était la principale critique de ce film, qui ferait l’apologie des héroïques soldats face aux Somaliens. Pourtant, le sujet du film est bien celui d’une déroute de l’armée américaine, et c’est assez rare pour le souligner. Si le bilan humain est beaucoup plus lourd du côté somalien, la bataille fut tout de même considérée comme une défaite historique des Américains. Bill Clinton ordonna même le retrait des soldats de Somalie par la suite. Et La Chute du faucon noir ne cherche pas à le cacher. Les combats y commencent d’ailleurs, d’une manière symbolique mais peu subtile, par les Américains arrivant confiant dans leurs hélicoptères, pour se terminer par leur fuite de la ville à pieds, raillés par la population.
Plus que l’héroïsme des soldats, le film ne montrerait-il pas plutôt leur fraternité face aux absurdités de la guerre et aux décisions prises par leurs supérieurs ? En effet, les Rangers ne manquent certes pas de courage durant la bataille. Mais c’est surtout la peur qui domine, ainsi que l’instinct de survie. Ne leur reste alors que cette solidarité. Ou l’acceptation d’une mort inévitable pour une cause prétendument universelle, mais qui leur est finalement bien étrangère.
Bonus : une bande originale signée Hans Zimmer
Et parce qu’on ne pouvait s’empêcher de trouver une raison bonus de (re)découvrir La Chute du faucon noir, mentionnons sa bande originale. Signée par le talentueux compositeur qu’on ne présente plus, la musique s’intègre parfaitement dans le film, pour lequel Hans Zimmer a travaillé avec d’autres musiciens.
L’édition steelbook de La Chute du faucon noir comprend un Blu-ray de bonus très intéressants et donne accès à la version longue du film, qui ajoute 8 minutes supplémentaires. Cette version longue n’est pas disponible en français (sauf québécois). Cela peut cependant être une bonne occasion de découvrir le film dans sa version originale, avec les sous-titres si besoin !
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