De 2018 jusqu’à la fin de l’année 2021, une nouvelle série de comics consacrée au personnage de Hulk et dénommée The Immortal Hulk a approfondi de la plus belle des manières toute la mythologie tournant autour du super-héros le plus ambivalent de l’écurie Marvel. Retour sur cette série majeure ressortie récemment sous sa forme Omnibus par l’éditeur Panini Comics.
Bruce, monstres et compagnie
La première chose qui frappe en lisant les premiers numéros est la manière dont est dépeinte l’aura de son héros principal, si on peut le qualifier de héros. Hulk est une force obscure et menaçante qui remplit l’entièreté des cases dans lesquelles il apparaît au tout début du run du scénariste Al Ewing. Le dessinateur principal de la série, Joe Bennett, casse la structure même de ses planches pour offrir des doubles pages où le Colosse de jade occupe la globalité du cadre. Cela renforce l’impression d’effroi quand les personnages le rencontrent pour la première fois et ce sentiment est également ressenti par le lecteur.
Notre première confrontation avec le héros est donc brutale et impressionnante, avec en amont une construction réussie en mettant en place une montée en pression et une excitation quant à l’arrivée prochaine du protagoniste principal. Au fil des chapitres, le Titan vert devient une force de la nature redoutée, aussi bien par les Avengers que par ses ennemis, brouillant tout le long de la série la frontière entre le bien et le mal.

Al Ewing n’oublie pas l’autre facette de ce dernier, Bruce Banner. Le trouble dissociatif d’identité du personnage de Banner est détaillé et défini en y agrémentant de nouvelles origines qui humanisent Hulk en le faisant devenir une porte de secours dans les moments difficiles. Ces moments sont essentiellement décrits via la figure paternelle du père de Bruce, l’un des antagonistes principaux de The Immortal Hulk et véritable traumatisme dans la vie du scientifique.
Les compagnons de Bruce Banner sont aussi impactés par ce choix scénaristique du monstre. Ils connaissent une évolution dans la déformation et la monstruosité tout au long des 50 numéros composant la série. Ainsi, Betty Ross, petite amie la plus connue de l’univers de Hulk et anciennement Miss Red Hulk, subit une transformation à la limite de l’horreur corporelle en prenant la forme d’une harpie. Cette forme marque une différenciation totale avec cette ancienne figure plus sexualisée pour coller avec la thématique de l’auteur.

Leonard Samson et Rick Jones ne sont pas en reste. Le premier se transforme en monstre et le deuxième revient d’entre les morts dans une forme d’une difformité totale visant à être la plus choquante possible, à la limite du dégoût.
Al Ewing et Joe Bennett en profitent également pour amonceler cette thématique du côté des méchants. Tout d’abord, en réintroduisant Brian Banner, le père de Bruce, mais sans le transformer en monstre. De cette manière, ils induisent que sa monstruosité ne se trouve pas dans sa forme, mais plutôt dans son comportement et sa personnalité.
Les auteurs en profitent également pour utiliser dans un de leurs arcs Dario Agger, patron de l’entreprise Roxxon pouvant se transformer en Minotaure. Même si l’arc en question pâlit de la comparaison avec les autres arcs par une qualité inférieure au reste, le personnage du Minotaure s’inscrit entièrement dans la thématique abordée. Cet arc en profite pour réintroduire le premier Hulk créé par Stan Lee et Jack Kirby et dorénavant nommé Xemnu. La boucle est ainsi bouclée d’une belle manière par Al Ewing.

Le personnage de l’Abomination est également réintroduit dans l’univers du Titan vert et porte enfin son nom pour une raison. Enfin, le Leader, grand méchant final du run, se voit aussi déformé jusqu’à atteindre une corporalité qui le déshumanise complètement de ce qu’il était. Cette déshumanisation en devient le corps même de ce run, en questionnant la mortalité de tous ces personnages composant la mythologie du Titan vert.
L’immortalité, porte vers l’horreur
L’une des caractéristiques principales de la série The Immortal Hulk est l’exploration de la probable immortalité du personnage. Tout le long de ses aventures et juste avant les évènements de la série, Hulk a souvent connu une mort soudaine, puis une résurrection peu expliquée. Al Ewing résout ce flou scénaristique en introduisant la porte verte, pont entre notre réalité et la zone gamma où se réfugie la conscience de Bruce quand il est tué.

Cet éclaircissement permet de jouer avec la mortalité même du personnage. Il finit par subir toutes les atrocités possibles et imaginables, telles que le démembrement, la perforation ou encore la torture par l’acide. Joe Bennett s’amuse à retranscrire de la pire manière artistique ces moments d’intense douleur, tandis qu’Al Ewing nous décrit un Hulk qui finit par rendre banales et insignifiantes les atrocités subies. Cet élément imperturbable joue avec sa propre immortalité pour accomplir l’impossible et vaincre les ennemis rencontrés en usant de cette force titanesque.
Tandis que le Colosse de jade minimise cela, ses alliés, et surtout Rick Jones, montrent toute la cruauté de cette vie éternelle. On parle tout de même d’un personnage anciennement décédé qui revient à la vie de la pire manière possible pour ensuite vivre les pires monstruosités possibles. On passe ainsi par la déformation à son paroxysme ou jusqu’au mélange de son corps avec celui d’un autre pour aboutir à un être sans queue ni tête et dont la souffrance semble être insupportable à vivre.
On bascule vers du body horror et cela amène The Immortal Hulk vers des frontières rarement abordées par le genre par le passé. On lorgne ainsi vers ce qu’avait abordé Alan Moore dans sa série Swamp Thing, avec un niveau de qualité réussissant à atteindre celle de cette œuvre mythique prodiguée par l’auteur de Watchmen.

C’est par ce biais que la série nous marque et nous reste en tête. Elle s’affranchit des codes courants des comics super-héroïques de chez Marvel et se rapproche par moment des comics labellisés Vertigo. Cela se ressent d’autant plus quand on enchaîne le récit principal avec les numéros tie-ins qui sortent du contexte pour aborder celui des évènements qui prenaient place dans l’univers au moment de leur sortie. On a affaire ici à un autre type de comics qui explore un peu plus la psyché du géant le plus connu de Marvel et toute sa monstruosité et parvient à le faire avec un niveau de qualité rarement atteint.
Avec The Immortal Hulk, Al Ewing et Joe Bennett ont marqué la mythologie du Titan vert en y agrémentant un concept novateur qui leur a permis de faire ressortir toute la monstruosité psychologique et physique du personnage. Cependant, les auteurs n’ont pas oublié de l’humaniser un peu plus en remodelant le passé de Bruce Banner pour redéfinir toute sa personnalité, sans décrédibiliser ce qui a été fait par le passé.
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