Après avoir rendu possible l’impossible sous fond de guerre froide, Rocky Balboa renoue avec le pessimisme d’une Amérique viscérale dans cet injustement détesté Rocky V.
Synopsis : A la retraite contre son gré et retombé dans la pauvreté, Rocky est trahi par son dernier protégé. Sa santé lui pose aussi problème, mais il doit persévérer.
Le légendaire boxeur prononçait la réplique : « Mon Ring, c’est la rue ». Rocky V fait ses adieux à l’arène et fait retourner son personnage principal à son point de départ. La rue revient toujours dans ce classique de 1990.
Rocky et la rue !
Ce nouveau chapitre sonne comme un renouveau, avec le retour de John Alvidsen à la réalisation. Toutefois, il s’agit de l’épisode presque martyr de la franchise. Des différends artistiques empêchent son réalisateur d’obtenir la conclusion qu’il souhaite, coûtant son abandon au projet. Ce message adressé à la classe ouvrière à laquelle Alvidsen porte une énorme affection ne devait se finir que par la chute du boxeur. Il n’en sera finalement rien, Stallone faisant changer la fin, sans qu’elle soit véritablement heureuse.
Ecrit de cette façon, le dubitatif l’emporterait facilement, mais ce Rocky V, sans se hisser parmi le haut du panier, n’est pas non le plus mauvais film tant décrié à sa sortie. Ce n’est peut-être pas le chapitre le plus inventif en termes de mise en scène, mais il offre une vision du personnage très intéressante. Il en fait même le cœur du film. On aurait presque oublié que, derrière le boxeur que personne n’arrête, se cache toujours un être humain au passé difficile.
Rocky Balboa est ruiné, confronté à un ennemi bien plus fort que lui. Cet ennemi n’est pas seulement ce nouveau combattant du scénario, mais bien l’Amérique. Celle qui a bâti la légende et qui veut désormais y mettre fin. Le réalisateur Avildsen prive Rocky de ses privilèges et le confronte à la faillite financière. Aucun triomphe ne pourrait être vrai, si ce n’est celui de son message politique. Finie la propagande de la puissance des Etats-Unis, le film attaque à coups de poing le revers du rêve américain.
Moins d’action, plus d’émotions
Rocky n’est plus l’homme des grands spectacles, mais bien celui qui s’est construit dans la rue. Il redevient ce personnage que l’on ne connaît que trop bien. Ce parallèle avec la vie de l’interprète Sylvester Stallone est largement démontré alors qu’il retourne parmi les siens de la classe populaire. C’est un message politique que la franchise avait oublié, celui qui confronte l’Amérique à la lutte des classes. Oui, aucun humain ne frappe plus fort que la vie.
Et voici le violent uppercut que se prend le personnage plongé dans la détresse. Très différent des autres récits de combat, Rocky V devient un appel à la transmission, mais aussi à se reconstruire et se reprendre en main. C’est une œuvre bien plus intimiste, au fort potentiel humaniste qui pêche malheureusement avec de nombreuses scènes inutiles, voir même parfois répétitives. En dehors de son protagoniste, Rocky V n’arrive pas à faire mieux que ses prédécesseurs et cumule les clichés faciles. En vérité, ce moins d’action n’a que peu d’importance. Ce n’est vraiment pas l’enjeu essentiel. On apprécie le côté bien moins « clippesque » par rapport à son prédécesseur.
D’une nature véritablement pessimiste, il met l’humanité en avant et délivre une audace qui le rendra tant détesté par ses fans. Comme on l’écrivait plus haut, Rocky V n’est pas un film sur le triomphe, mais sur l’échec. L’échec d’être au dessus de la société, l’échec de l’éducation de son fils et l’échec même qui nourrit le film de désespoir. En résulte alors cet échec qui construira l’antagoniste du film que tout prépare à l’affrontement final.
Son combat final pourrait aussi diviser les foules. Mais il porte les valeurs apportées de la franchise. Chaque boxeur doit avoir le courage, la force, la volonté et la détermination. Tommy Gunn, antagoniste minable (assumé), n’avait cependant pas le cœur. Pourtant, la fin de l’affrontement ne sera pas celle comptée par le réalisateur. Rocky l’emportera, prouvant que la classe ouvrière pourra toujours l’emporter. Surtout, c’est lorsqu’on s’est perdu que l’on se retrouve à nouveau.
Ce que Rocky V prouve, c’est que les plus belles victoires sont finalement les plus discrètes. Un Rocky sans boxe n’est peut-être pas la conclusion espérée, mais elle était surtout celle dont Balboa avait besoin… avant de revenir pour un sixième film. Un film injustement détesté qui mérite une seconde chance. D’ailleurs, à l’occasion des fêtes, Warner Bros a réédité la totalité de la saga Rocky, ainsi que la trilogie Creed, dans un coffret dédié !