Près de sept ans depuis la sortie de son dernier film Un grand voyage vers la nuit, le réalisateur Bì Gàn revient dans les salles obscures en cette fin d’année 2025 avec Resurrection. Cette ode à l’histoire du cinéma arrive-t-elle à nous embarquer dans l’aventure comme son prédécesseur ?
Une réalisation qui détonne
L’ambition affichée par les premières minutes de Resurrection est parfaitement explicite, Bì Gàn cherche à inscrire son récit au sein d’un monde cinématographique en constante évolution. On commence ainsi par ses débuts en ouvrant son cadre dans une salle de cinéma du début du XXème siècle. Le monde dépeint n’arrive plus à s’évader, à rêver et la protagoniste se tournera vers la pellicule pour retrouver cette magie oubliée.

La maestria de la caméra déjà présente dans sa précédente réalisation en est ici exacerbée en retraversant les styles visuels des grands débuts du cinématographe avec une fluidité constante. On traverse ainsi différentes inspirations, de Méliès à Murnau, tout en gardant une direction assumée dans sa narration. On se laisse transporter à travers ses époques charnières jusqu’au bouleversement du Technicolor.
À partir de là, le film commence à délivrer le noyau principal de son récit : une suite de différentes rêveries appuyées par une réalisation spécifique pour chaque thématique abordée. Ce changement brutal de prisme déconcerte au premier abord et déçoit quelque peu. Cette rupture nette de ton ne possède malheureusement pas la maîtrise que le film délivrait jusque-là.

On suit malgré tout ce récit mais la chute d’intérêt se ressent face à une histoire qui ne nous emballe pas. Néanmoins, la réalisation est toujours aussi léchée en s’inspirant de l’ambiance des films noir et des polars de la grande époque avec une lumière jouant habilement avec les ombres en instaurant une ambiance froide et pesante.
Malheureusement, la magie n’opère plus et l’ennui commence à se faire sentir. De même pour la deuxième proposition qui n’arrive pas à procurer l’attention que l’on avait au début du métrage et ce, malgré une introduction intéressante.

C’est à partir du quatrième segment que le film semble reprendre du poil de la bête et l’avant-dernier nous rappelle quel genre de réalisateur se trouve derrière la caméra. Le plan-séquence qui s’y trouve nous remémore le chemin sensoriel qu’avait prodigué Un grand voyage vers la nuit.
Teinté d’un ton rougeâtre bienvenu implicitant ce que finira par raconter le récit, cette nouvelle déambulation nous fait vivre cette nuit de la fin d’un siècle avec une mélancolie et une puissance qui finit par faire regagner notre intérêt. Pourquoi donc cette dichotomie aussi forte se fait-elle autant ressentir tout le long du film ? La réponse se trouverait sûrement dans ce que raconte réellement Bì Gàn dans chacune de ses histoires.

Des histoires aux personnages inégaux
La décision de découper son récit principal en plusieurs histoires liées tout de même entre elles par un fil conducteur ténu finit par en amputer la qualité globale du long-métrage. Le souci principal du premier segment se trouve dans ce qu’il lui précède. On commençait à suivre cette aventure à travers les âges de l’histoire du cinéma et d’un coup, le réalisateur nous bloque au sein d’une seule et même réalité.
Cette cassure n’est pas aidée par l’histoire dépeinte qui ne nous passionne pas par l’ambiance froide qui en ressort et par l’imbroglio du récit. L’empathie pour les personnages en devient difficile et la distance se crée. La thématique philosophique du segment qui suit reproduit quelque peu la même approche distante et malgré sa thématique intéressante, ne réussit pas à remonter la pente. La faute à des personnages qui représentent plus des archétypes et qui ne réussissent pas à s’en extirper pour amener une émotion pure à laquelle nous pouvons nous rapprocher.

C’est pour cela que les segments qui suivent arrivent à nous réembarquer dans l’aventure. Ils proposent tous deux un but, une direction que cherchent à atteindre les protagonistes. Leurs relations deviennent également un moteur et cela nous pousse à vouloir savoir ce que tout cela adviendra d’eux. La froideur disparaît et l’émotion reprend sa place légitime.
En cherchant l’hommage cinématographique, Bì Gàn en a-t-il oublié ce qui faisait le cœur du récit ? Il vrai que l’on peut dire que chaque segment s’inspire d’un certain pan du cinéma mais ces différentes approches finissent-elles par offrir un mélange indigeste, possédant de grandes qualités mais aussi des défauts ? Tout dépendra de ce que l’on cherche au travers du visionnage de cette proposition affirmée aux interprétations multiples.
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