« Ready Player One » est un retour grandiose du maître Spielberg ! [critique]

Robin Uzan
Robin Uzan
10 Min Read

Steven Spielberg réitère cette année ce qu’il avait fait en 1993 : sortir deux films nous démontrant toute la diversité de son cinéma ! Il y a 25 ans, il sortait le cultissime Jurassic Park, film pop-corn par excellence, mais également La Liste de Schindler, film d’auteur engagé. Aujourd’hui nous découvrons le fun et décomplexé Ready Player One, quelques semaines seulement après le nommé aux Oscars (et surestimé) Pentagon Papers. Et force est de constater qu’à 71 ans, Spielberg est toujours le maître incontesté du divertissement et de la variété cinématographique. 

Un conglomérat jubilatoire de pop-culture… Mais pas que ! 

Ready Player One se vend avant tout comme une réunion décomplexée de tout ce qui a construit la pop-culture de ces quarante dernières années. Mais il se permet également d’être un film d’anticipation pas si éloigné de ce que pourrait être notre réalité dans quelques décennies. L’oeuvre se déroule en 2045 et traite d’une humanité au bord du gouffre, ne trouvant refuge que dans l’OASIS, un univers virtuel illimité créé par le génie James Halliday. Ce dernier, décédé depuis 5 ans, a laissé derrière lui un héritage caché, devant mener au contrôle total de l’OASIS. Wade Watts, un parfait inconnu dans ce monde vidéoludique, parvient à décrocher le premier indice vers cet héritage. S’engage alors une course effrénée entre lui et des personnes prêtes à tout pour prendre le contrôle de ce monde…

Ce monde virtuel mis en scène par Spielberg est d’une virtuosité incomparable. Le réalisateur de renom repousse les limites du cinéma en l’associant parfaitement au jeux-vidéo, ce que très peu de cinéastes avant lui (comme les Wachowski avec Matrix et Speed Racer) avaient réussi à entreprendre. L’œuvre allie nostalgie et innovation à la perfection, ce qui n’est pas chose aisée. En effet, il eut été facile de tomber dans la nostalgie gratuite et sans intérêt. Fort heureusement, Spielberg n’a rien perdu de sa superbe et continue, malgré son âge, à nous en mettre plein la vue et à chercher l’innovation tout en nous divertissant.

Voir le film quarante fois ne permettrait peut-être pas de lister toutes les références à la pop-culture dissimulées ça et là dans la totalité du film. Entre les références cinématographiques, vidéoludiques, musicales et autres, il y en a pour tous les goûts. Pourtant, à aucun moment cela ne prend le pas sur l’histoire. Au contraire, ce foisonnement de références vient étayer l’intrigue, tout en lui donnant une saveur incomparable de nostalgie au service de l’innovation. Parmi tous ces hommages, le papa de Jurrasic Park ne manque pas de faire référence à son propre travail en mettant en valeur un certain T-Rex assez vorace que l’on a plaisir à retrouver. Spielberg rend également hommage à l’un des films les plus emblématiques de l’histoire du cinéma, dans une scène absolument hilarante qui est aussi une merveille de reconstitution. On en vous en dit pas plus pour vous laisser la surprise de l’œuvre ! La bataille de fin vient achever ces références à gogo et nous laissons le soin aux experts de regarder le film image par image afin de toutes les dénicher !

Il est intéressant de soulever un point : c’est que contrairement à beaucoup d’œuvres cinématographiques, la communauté geek n’est pas regardée de haut. Au contraire, elle est ici montrée avec ses forces et ses faiblesses. Quant à ceux qui prennent justement cette communauté de haut (notamment le véreux et stéréotypé Sorrento), ils sont montrés comme hors de leur temps et handicapés culturellement, ce qui fait plaisir à voir !

Des personnages en pleine osmose : 

Spielberg garde son talent pour créer des groupes atypiques, équilibrés et très attachants. Wade Watts se couple parfaitement avec Samantha ainsi que le reste des résistants, dans le monde virtuel comme dans la vraie vie. C’est en ça que le film réussit un tour de force avec ses personnages. Nous arrivons à dissocier les avatars de leurs vraies personnes, tout en étant conscients qu’au final, ils ne forment qu’une seule et même entité. Leurs avatars sont un reflet de leurs personnalités profondes, leur permettant d’être qui ils veulent sans craindre le jugement des autres. En cela, l’OASIS offre un bel espoir concernant l’acceptation d’autrui car une fois dans ce monde, les barrières sociales sont repoussées. S’agissant des vraies personnes, quelle surprise de découvrir qui se cachent derrière chaque entité virtuelle. En plus d’être particulièrement drôle, cela sous-entend qu’on se sait jamais où l’on va trouver un talent et qu’il est important d’ouvrir les yeux pour discerner les forces de chacun, au risque de laisser passer un génie.

Leurs interactions ont ce petit « on ne sait quoi » d’Old School comme le fait si bien le papa d’E.T, créant un attachement aussi sincère qu’indéfectible pour ce groupe atypique. Actuellement, les groupes de héros dont nous avons l’habitude sont calqués sur ceux du Marvel Cinematic Universe ou des films pour adolescents. Et il faut bien l’admettre : l’attachement qu’on y porte est régulièrement assez superficiel. Ressentir un attachement sincère pour des personnages que l’on connaît pourtant peu est un véritable luxe dans le cinéma de divertissement et cela fait plaisir à vivre.

Quelques failles scénaristiques

Malgré un rythme mené d’une main de maître, il faut reconnaître quelques failles à Ready player One, notamment dans le traitement de son contexte et des personnages dans leur individualité. S’agissant du contexte, nous savons uniquement que nous sommes dans un futur peu enviable, dans lequel la précarité des gens est poussée à un point extrême. Nous ne savons pas ce qu’il en est du gouvernement ou des institutions qui dirigent. Ce n’est pas un problème nous direz-vous ! Nous n’avons pas besoin de connaître par cœur le contexte de ce monde pour apprécier l’oeuvre et il est vrai que le film est appréciable sans.

Sauf que si l’on regarde de plus près ce futur, on en vient à se poser une question : bon sang mais que fait la police ? Après tout, la compagnie dirigée par le véreux Sorrento se permet d’envoyer des milices de soldats s’attaquer à des civils, de prendre des gens en otages ou de les réduire en esclavage en toute impunité !

On pourrait alors se dire que cette société fait office de gouvernement mais ce n’est vraisemblablement pas le cas, puisque la police finit (enfin) par pointer le bout de son nez à un certain moment de l’histoire. Cela a l’air anodin, mais cette incertitude concernant les forces en présence rend bancal le combat contre les antagonistes. Après tout, Wade et Samantha sont censés faire partie d’une résistance, ce qui implique normalement la lutte contre un pouvoir étatique en place (ce qui n’est visiblement pas le cas à la fin). Rien de préjudiciable pour l’appréciation du film, mais un peu de contextualisation (ne serait-ce que deux minutes de dialogues) n’aurait pas été de trop. 

Le second problème vient du traitement des personnages dans leur individualité : c’est bien trop sommaire. Bien que leurs interactions en groupe soient absolument parfaites, leur background est traité par dessus la jambe. Là encore ça ne nous empêche pas de profiter d’eux, mais on aurait tendance à s’attacher plus intensément à eux si leurs caractères et passés respectifs étaient un peu plus étoffés. On pense notamment à Wade, dont nous savons uniquement qu’il vit dans une famille pourrie. Aucun trait de caractère ne le distingue réellement de la masse, si ce n’est sa candeur. Samantha jouit d’un traitement un peu plus étoffé mais qui manque aussi un petit peu de saveur. Le reste des personnages secondaires reste stéréotypé mais ils sont traités de manière aussi simple qu’efficace, donc rien à redire. Fort heureusement, malgré les quelques failles évoquées, tous ces personnages sont si attachants qu’on laisse passer bien volontiers ce léger manque de développement. Au final, on aurait même tendance à en redemander !

Ready Player One risque de s’imposer comme un des films majeurs de la fin de cette décennie. Réussissant le tour de force d’innover en mélangeant modernité et nostalgie, cet élan de fraîcheur nous donne envie d’en voir plus. Espérons donc que Spielberg aura la motivation de nous offrir une suite pour ce qui s’annonce déjà comme une éventuelle franchise ! 

Bande-annonce Ready Player One

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Journaliste, photographe et réalisateur indépendant, écrire et gérer Cultea est un immense plaisir et une de mes plus grandes fiertés.
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