Fin janvier est sorti l’édifiant reportage Sugar Land, réalisé par l’australien Damon Gameau. Pour sa VF, le reportage s’est offert ni plus ni moins que le comédien, stand-upper, doubleur, musicien (sacré Curriculum Vitae) Kyan Khojandi. Le créateur de Bref s’est confié à nous en toute décontraction, dans une interview aussi simple que conviviale.
« Merde… Je pensais faire bien »
Après avoir échangé quelques politesses, nous sommes rentrés dans le vif du sujet. Notre première question fut à propos de sa réception du reportage, juste après son premier visionnage :
C’est un film qui marque ! […] Ça m’a marqué en tant qu’humain de me dire « merde… Je pensais faire bien. » […] Puis j’ai entamé une diète de vingt jours sans sucre et c’est vrai qu’il y a un sevrage. Tu penses au sucre en permanence quand t’arrêtes.
Suite à ces propos, Kyan a commencé à évoquer son arrivée sur le documentaire et les raisons l’ayant poussé à y participer :
Quand le documentaire est sorti on m’a demandé si je voulais le faire. J’ai dit oui parce que j’aime les œuvres qui transmettent de bonnes leçons de bien-être… Les clés en tous cas ! A toi des les utiliser ou non, mais j’aime les choses qui transmettent des clés.
Le reportage étant particulièrement léger dans sa réalisation, une question fut alors posée : n’avait-il pas peur que cet humour desserve le propos (pourtant si sérieux) du reportage ?
Non pas du tout. Damon utilise beaucoup d’humour et je pense que c’est ce qu’ils (ndlr : les responsables de la VF) recherchaient aussi avec moi. Je pense qu’on communique mieux avec de l’humour. L’humour est le meilleur vecteur d’information ! Si les JT étaient marrants, on retiendrait tout ce qu’il se passe.
« Si ce film existe, c’est parce-que Super Size Me existe »
Super Size Me est une des pierres angulaires dans la dénonciation de notre mode de nutrition. Il est impossible en regardant Sugar Land, de ne pas penser à ce reportage incendiaire concernant McDonald paru en 2004. Cela tient au fait que le protagoniste et réalisateur Damon Gameau se soit lui-même mis en danger en s’exposant aux effets quotidiens du sucre. Partant de ce constat, nous pouvons donc nous poser une question : est-ce que se mettre en danger est le seul moyen d’informer l’opinion publique concernant notre nutrition ?
Si ce film existe c’est parce-que Super Size Me existe. […] Mais le plus important dans le film ce n’est pas le danger car on ne sent pas trop que le mec est en danger. Même si on voit son foie qui est gras, pas à un moment on se dit « le pauvre, il est en danger ». […] Moi ce que je retiens c’est l’audace du gars ! Quand il va voir les gars qui sont financés par Coca, c’est méga marrant ! (Rires).
Fidèle à ses propos précédents, le comédien ne s’est pas beaucoup étendu sur la question du danger. Pour lui, une chose est vitale dans ce reportage et dans la vie de tous les jours : l’humour. Cependant, Kyan n’a pas caché son admiration devant le courage de Damon Gameau, qui s’est transformé en cobaye pour cette expérience.
Je trouve ça très courageux. Moi je n’aurais pas eu le courage de le faire. C’est remarquable et ça donne du poids à son enquête.
Après l’audace du protagoniste, nous avons évoqué l’audace de la réalisation. Car si vous pensez qu’un documentaire est nécessairement ennuyeux ou académique, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Sugar Land est une pépite de réalisation, aussi ludique que distrayante.
Je trouve que le film est bien réalisé. […] Graphiquement, il ne vieillira pas, c’est très bien produit. le fait de mettre les interviews dans les packagings ça rend les trucs moins chiant. Et je trouve que le mec (ndlr : Damon Gameau) est habille ! Il sert vraiment son propos en étant attractif. Mais il l’est tout autant que le sucre l’est dans ses packagings. il se sert de leurs techniques pour son propos anti-sucre.
Et en parlant de « techniques » et de « propos attractifs », Kyan s’est exprimé brièvement concernant sa stupéfaction à propos des grands groupes contrôlant le sucre. Car au delà de contrôler le sucre et sa production, ces groupes savent jouer habillement avec la psyché humaine…
Ils en savent beaucoup plus dans les bureaux que ce qu’on peut imaginer. […] Ils sont au courant. Sur le cerveau, ils sont au courant. Et je pense que dans 20 ans on nous dira : « attendez ! Il y avait des distributeurs de sucre dans les cours d’école ?! »
Difficile en effet de ne pas s’indigner quand on voit à quel point les lobbies du sucre peuvent être vicelards dans leur actions (voire même leur corruption !). Mais c’est sur ces mots que nous nous sommes éloignés du reportage, pour parler plus en détail de l’artiste Kyan Khojandi et de ses futurs projets.
J’aimerais bien faire un documentaire. Mais pas sur un truc avec des lobbies et tout… J’aimerais faire un truc sur l’apprentissage.
L’apprentissage c’est une chose, mais cela nous a intrigué… Quel type d’apprentissage et par quel prisme Kyan voudrait parler de cette thématique ?
Je pars d’un constat : je me dis qu’à vingt ans on arrête d’apprendre. On s’informe, mais on n’apprend plus. On passe pas par l’apprentissage alors que c’est là qu’on est le plus apte à se remettre en cause, à se perfectionner et à être à fond parce-qu’on a le choix d’apprendre ce qu’on veut. […] Je vois très bien les phases auxquelles l’apprentissage peut amener, les phases de frustrations… Et je trouve qu’on devrait apprendre à apprendre !
Après cela, une question est venue sur le tapis. Une question déjà traitée ici sur Justfocus, puisqu’il s’agit d’une question concernant la suite de la carrière de l’artiste. En effet, il faut rappeler que Kyan Khojandi est à la fois stand-upper, comédien, doubleur, musicien… De quoi faire pâlir les personnes n’ayant pas une carrière aussi remplie. Mais une question se pose maintenant : que souhaite-t’il pour la suite de son parcours ?
C’est un peu une exclue mais j’ai fait un spectacle qui s’appelle Pulsions que j’ai joué pendant 3 ans et que je vais adapter en film. Je suis hyper heureux, c’est hyper excitant ! C’est un concept qu’a trouvé mon co-auteur. C’est totalement novateur et j’espère que ça vous plaira !
Cet aparté sur Pulsion a permis d’aborder un autre sujet : les méandres de la psychologie humaine. Thème très cher au cœur de l’artiste, comme nous avions déjà pu le constater dans l’épisode de Bref sur la dépression. celui-ci qui nous a alors expliqué pourquoi cette thématique était si importante pour lui, de manière aussi sincère que touchante :
J’ai vraiment fait une dépression. Et quand j’étais en dépression je me disais « le jour où j’ai les clés pour m’en sortir, je vais les transmettre aux gens ».
Des propos honnêtes et peu étonnants lorsque l’on connait cet épisode de Bref. En effet, malgré l’orientation humoristique de cette série, la puissance émotionnelle dégagée par l’épisode sur la dépression est absolument ahurissante. Celui-ci laisse comprendre à lui seul à quel point cette transmission était importante pour l’artiste.
« Les gars : faites vous plaisir ! »
Après cet aparté sur la carrière de Kyan, nous sommes revenus sur le reportage en lui-même avec une question simple : s’il avait un message pour la nouvelle génération qui mange du sucre, quel serait-il ? La réponse ne se fit pas attendre et fut cash :
Les gars : faites vous plaisir ! Juste : soyez au courant. Faites le choix ! Le jour où vous vous apercevez que vous buvez du Coca sans même vous ne rendre compte, c’est que vous êtes un peu addict. Parce que le sucre est une matière addictive.
Le message est clair : ce n’est pas le sucre le problème mais l’addiction inconsciente. A cela furent ajoutés des propos forts intéressants, de nouveau en rapport aux personnes contrôlant l’industrie du sucre.
Si vous regardez ce documentaire vous allez comprendre qu’il y a des gars bien plus intelligents que vous dans des bureaux, qui font en sorte que vous preniez ce produit de manière beaucoup plus inconséquente que vous n’en n’aviez besoin ou envie…
Ce sont sur ces mots que la dernière question fut posée, afin de savoir comment Kyan présenterait le documentaire, s’il devait convaincre une personne lambda d’aller le découvrir :
« Tu veux passer un bon moment pendant 1h30 ? Si tu veux rigoler, te taper des barres, apprendre des trucs, partir avec un message qui peut t’aider toute ta vie : va voir ce film. Parce que c’est complètement philanthrope, c’est pas du tout prétentieux, c’est pas culpabilisant… Vas voir car déjà tu vas rigoler ! Et ça va te parler à toi en tant qu’être humain. Va le voir si t’as envie de kiffer… Et Star Wars aussi ! C’est bien Star Wars ! » (Rires)
C’est sur ces mots que s’est terminée cette interview toute en simplicité. Il ne nous reste plus qu’à vous conseiller également d’aller voir le très bon Sugar Land tant qu’il est encore dans les salles, car il est vrai que vous allez passer un bon moment !
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