Quand Pierre le Grand mit en place une taxe pour le port de barbe

Romain Lesourd
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Si on vous annonçait aujourd’hui que vous seriez taxés parce que vous portez une barbe, avouez que vous ririez aux éclats. Même si cela peut paraître inimaginable, cet impôt a bel et bien existé. Il a été mis en place par Pierre le Grand, alors tsar de Russie à la fin du XVIIe siècle.

L’idée ne provient pas de la Russie, mais d’Angleterre !

Bien que l’on attribue la mise en place de cet impôt farfelu à Pierre le Grand, l’idée de taxer les barbus ne provient pas en réalité de Russie. Elle provient d’Angleterre, sous le règne du roi Henri VIII.

En 1535, Henri VIII décide de mettre en place une taxe sur les barbes. La situation est d’autant plus cocasse qu’Henri VIII est lui-même barbu ! Quoi qu’il en soit, s’il décide de mettre en place cette taxe, c’est pour amasser plus d’argent.

L’impôt change de montant selon la classe sociale du porteur. Plus vous êtes fortunés, alors plus vous paierez cher pour porter votre « crinière ». Sa fille, Élisabeth Ière, reprend l’idée. Mais à la différence de son père, celle-ci ne souhaite taxer que les barbes qui ont une durée de vie supérieure à deux semaines.

Une taxe qui révèle la volonté d’occidentaliser la Russie

À la fin du XVIIe siècle, en 1697, Pierre le Grand part visiter les puissances occidentales pendant un an. Ce voyage s’appelle la Grande Ambassade. Il s’inscrit dans le registre diplomatique, mais aussi culturel.

Lorsqu’il revient en Russie, Pierre le Grand souhaite fonder une nouvelle ville. Cette dernière a pour but de devenir une véritable fenêtre ouverte sur l’Europe. Il fonde alors Saint-Pétersbourg, en 1703. Le style de Saint-Pétersbourg reprend les traits européens des pays que Pierre a visités quelques années auparavant.

Gravure anonyme qui montre Pierre le Grand en train de fonder Saint-Pétersbourg - Cultea
Gravure anonyme qui montre Pierre le Grand en train de fonder Saint-Pétersbourg (source : Hérodote)

Néanmoins, Pierre le Grand souhaite occidentaliser davantage la Russie. Il va alors mettre en place des restrictions, des interdictions et des taxes. La mise en place de ces oukases (décrets en français) vise à lutter contre les traditions russes.

La barbe n’échappe pas aux règles. Elle occupe une place particulière dans la culture russe. Elle tient chaud lorsque le froid est glacial, mais elle représente aussi la force et la virilité. Les Russes tenaient à leur barbe. En 1717, l’Anglais John Perry écrit :

« Les Russes vouaient à leur barbe un respect quasi religieux : ils la peignaient et la lissaient en s’efforçant de ne pas en perdre un poil. Les prêtres les maintenaient dans cette coutume en donnant comme exemple les saints représentés barbus sur les icônes. »

Ainsi, de la même manière qu’en Angleterre quelques siècles auparavant, plusieurs paliers sont créés pour ceux qui souhaitent garder leur barbe, selon le rang social :

  • Les nobles et les hauts fonctionnaires doivent payer 100 roubles.
  • Les courtisans et les commerçants doivent payer 60 roubles.
  • Les laquais et les cochers doivent payer 30 roubles.

Les paysans, quant à eux, ne sont pas taxés. Ils doivent cependant payer 1/2 kopeck à chaque entrée et sortie de la ville.

Une fois acquittés de l’impôt, les hommes reçoivent un jeton de bronze. Ce dernier, qui représente une barbe ainsi qu’une inscription (souvent « Dengi vziaty ») atteste du paiement de la taxe.

Jeton portant l´inscription Dengi vziaty (« La taxe a été perçue ») - Cultea
Jeton portant l´inscription Dengi vziaty (« La taxe a été perçue ») (source : Wikipédia)

Ceux qui ne désiraient pas se soumettre à cette taxe pouvaient être dénoncés par d’autres hommes. Chaque dénonciation permettait au dénonciateur de toucher une somme correspondant à la moitié de l’amende donnée au récalcitrant.

La taxe sur la barbe a pendant longtemps été très mal perçue par les Russes, et plus particulièrement par l’Église orthodoxe. Ses membres ont été les seuls à avoir été exonérés du fameux impôt.

 

Sources :

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