PPDA : une figure du journalisme français devenue paria

PPDA : une figure du journalisme français devenue paria - Cultea

Tout finit par se savoir, tôt ou tard. Et, dans le monde du journalisme et des médias, cette réalité ne fait pas exception. Au cœur de nombreux scandales et de nombreuses plaintes depuis maintenant plusieurs mois, Patrick Poivre d’Arvor, dit PPDA, ne retrouvera jamais sa bonne réputation, ainsi que sa gloire passée. Revenons sur ce journaliste qui a su collecter à la fois les ovations et les accusations.

Un parcours scolaire des plus remarquables

Patrick Jean Marcel Poivre naît le 20 septembre 1947 à Reims, connue sous le nom de la « Cité des rois ».

Enfant solitaire, il n’a pas beaucoup d’amis. Nombre de ses camarades se mettent même à le harceler. Il se réfugie alors dans les études et dans les livres. Studieux et volontaire, Patrick Poivre se révèle être un excellent élève. Après être devenu bachelier à l’âge de 15 ans, il se lance dans des études de sciences politiques à Strasbourg, puis à Paris. Il y fera la rencontre de Jack Lang, alors professeur de droit, qui reconnaîtra plus tard le sérieux dont faisait preuve Patrick. Curieux, Patrick commence à s’intéresser à d’autres langues courantes, comme le russe, le polonais, ainsi que le serbo-croate.

Comprenant que sa passion est l’écriture, il se met à faire des critiques de cinéma pour Valeurs Actuelles, sous le pseudonyme Alexis d’Orgel. Il finit par intégrer le Centre de formation des journalistes (CFJ) à l’âge de 22 ans. Un an plus tard, il sort du centre, diplômé.

Pour atteindre le sommet ? La persévérance et l’audace sont les clés

Patrick Poivre d’Arvor a acquis une persévérance semblable à aucun autre. De plus, il se trouve qu’il est audacieux, malin et débrouillard. Ces ingrédients vont alors le propulser au sommet du monde des médias.

En 1971, alors qu’il n’est âgé que de 23 ans, il débute sa carrière sur France Inter. Son rôle consiste à faire des chroniques sur les terres reculées, destinées à faire faire voyager les auditeurs. Sa première chronique a pour sujet l’île Maurice. Mais c’est une autre chronique qui va permettre au jeune Patrick de s’affirmer dans le monde du journalisme.

Patrick Poivre d'Arvor à ses débuts - Cultea
Patrick Poivre d’Arvor à ses débuts

En 1971, à ses débuts donc, il remporte le concours radiophonique organisé dans le cadre de l’émission « Envoyé spécial » de Pierre Wiehn. Il gagne alors le droit de faire de la radio à ORTF pendant un an. Il s’occupera essentiellement des journaux matinaux et des revues de presse.

À partir de ce moment, Patrick Poivre d’Arvor va enchaîner les émissions. Il va passer par de nombreuses chaînes : Antenne 2, Canal +, France Inter, RMC… Mais c’est à TF1 que Patrick Poivre d’Arvor fera la majeure partie de sa carrière.

Arrivé en 1986, il commence à présenter l’émission À la folie pas du tout jusqu’en 1987, année où il devient le présentateur du journal télévisé de 20 heures. Son aura permet alors à la chaîne TF1 de redevenir la chaîne la plus regardée de France, au moment du journal télévisé de 20 heures. Et cela permet à Patrick de devenir le directeur délégué de l’information de TF1, en 1989.

Il devient alors une figure majeure du monde médiatique et informatif français.

Le journaliste qui attire les rires, mais aussi les colères

Grâce à cette renommée, Patrick Poivre d’Arvor devient « malgré lui » la vedette de l’émission Les Guignols de l’info, une émission phare de Canal+, apparue en 1988. Sa marionnette, qui occupe le même poste que lui, c’est-à-dire présentateur du journal, a pour nom : PPD.

Marionnette qui représente PPDA - Cultea
Marionnette qui représente PPDA

Bruno Gaccio, l’un des auteurs historiques des Guignols de l’info, explique le choix de s’inspirer de la personne de Patrick pour cette marionnette :

« C’est un clown blanc unique […], il est humain mais présente avant tout une certaine vanité. En fait, PPD est un Louis de Funès, veule avec les puissants et tyrannique avec les faibles. »

Si le personnage de PPD fait autant rire, et donc Patrick par la même occasion, c’est pour ses manies. Notamment pour ses phrases entre chaque reportage, qui se résument en deux mots : « sans transition ». Néanmoins, Patrick n’en a jamais voulu à Canal+ de l’avoir représenté ainsi. Il avouera en riant lors d’une interview :

« Je reconnais qu’Yves Lecoq était extraordinaire pour faire ma voix. Bon pour ce qui est de ma tête… On pourrait en discuter. »

Si Patrick Poivre d’Arvor est si connu dans le métier, c’est aussi et surtout grâce à son expérience. Cette dernière lui permet d’interviewer de nombreuses personnalités, françaises ou étrangères. Des artistes, des scientifiques, des politiciens, des chefs d’État… Le journaliste a côtoyé tous les mondes durant sa longue carrière.

Néanmoins, Patrick a su aussi agacer ceux qu’il interviewait, notamment trois présidents de la République. Il y a d’abord eu François Mitterrand, agacé par une question du journaliste :

« Je vous reconnais bien là. Il n’y a pas de doute, la marque de fabrique, ça ne change pas chez un homme. »

Il y a eu aussi Jacques Chirac en 2000. Lorsque Patrick lui pose une question sur l’immunité présidentielle, le président de la République s’offusque :

« Votre question dérape vers une certaine insolence. »

Enfin, il y a eu Nicolas Sarkozy. Le duo de journalistes Chazal – d’Arvor, qui avait animé le débat de l’entre-deux-tours en 2007, retrouvait le président de la République à l’Élysée pour une interview. Patrick dit à Nicolas Sarkozy que, lorsqu’il était au sommet du G8, il ressemblait à un petit garçon tout excité. Une comparaison qui n’a absolument pas plu au chef d’État.

Certains pensent même que c’est à cause de cette question que Patrick Poivre d’Arvor a été poussé vers la sortie par TF1 en 2008. Une hypothèse que partage également l’ancien présentateur.

Mais Patrick Poivre d’Arvor a su continuer d’exercer, même après avoir quitté TF1. Il continue à interviewer des personnalités, notamment dans l’émission La Traversée du miroir sur France 5, de 2009 à 2012.

Puis, il s’adonne à des émissions qui s’inscrivent également dans le registre littéraire, mais reste tout de même dans l’informatif. Il présente La tranche d’information de 19h/20h sur Radio Classique, de 2014 à 2018, puis Vive les livres sur CNews, de 2017 à 2021.

PPDA : l’homme aux scandales

Même si Patrick jouit d’une carrière des plus notables et d’une expérience sans précédent, il est également connu pour être au cœur de nombreuses affaires médiatiques et judiciaires.

Concernant les scandales médiatiques, on peut dire que l’année 1991 ne fut pas une bonne année pour PPDA, accusé d’avoir falsifié deux interviews. La plus connue est celle avec l’ancien président de Cuba, Fidel Castro. Patrick est accusé d’avoir monté une interview de toutes pièces. La séquence est analysée par d’autres journalistes qui constatent la supercherie. Le 2 janvier 1992, Télérama fait paraître un article qui dénonce la malhonnêteté de PPDA et donc, le bafouement de la déontologie journalistique. Patrick répondra à l’article grâce au droit de réponse, en expliquant que lui et son équipe ont pu poser des questions à Fidel Castro, mais que ce dernier était irrité par ces dernières. Une supercherie mise en avant dans Le magazine du fô par Thierry Ardisson et Pierre Carles.

L’autre interview de 1991 est celle d’un dénommé « capitaine Karim », dans l’émission Le Droit de Savoir. Ce dernier aurait été un ancien garde du corps de Saddam Hussein. Mais il n’en est rien, il ne s’agissait que d’un mythomane qui s’amusait à berner les différents médias. Patrick Poivre d’Arvor explique alors qu’il n’était pas au courant, mais la bêtise était déjà faite.

PPDA a aussi connu plusieurs scandales juridiques. Il a été accusé de recel et d’abus de biens sociaux en 1996, de diffamation par TF1 en 2009 et de violation de la vie privée en 2010 par son ancienne compagne, Agathe Borne. En 2011, il fut également accusé de plagiat. C’est le journaliste Jérôme Dupuis qui lance cette accusation concernant son essai Ernest Hemingway, la vie jusqu’à l’excès. Il accuse ainsi PPDA d’avoir recopié près d’un quart de son ouvrage sur celui de Peter Griffin, Along with youth : Hemingway, the early years.

PPDA face aux scandales sexuels

Mais c’est en 2021 que PPDA va véritablement être au cœur de plusieurs scandales sans précédent : il est accusé par plusieurs femmes d’être l’auteur de viols et d’agressions sexuelles. Pas moins de huit femmes vont porter plainte contre l’ancien présentateur de TF1. Ces plaintes vont être classées sans suite pour « fautes de preuves » par le parquet de Nanterre. Mais quelques mois plus tard, d’autres plaintes tombent. De nouvelles procédures judiciaires pour viols sont alors engagées.

Libération propose alors une couverture inédite, ainsi que huit témoignages à l’encontre de l’ancien présentateur du journal télévisé.

Les défenseurs de PPDA, comme Claire Chazal ou encore le regretté Jean-Pierre Pernaut, dressent le portrait d’un homme qui aime les femmes et tout ce qui touche au domaine de la féminité. Mais en aucun cas, selon eux, Patrick Poivre d’Arvor est un agresseur sexuel. Une réputation connue des cadres de TF1 et des journalistes. Toutefois, malgré la défense acharnée de beaucoup de confrères, les accusations continuent de pleuvoir. 

Suite à ces nombreuses plaintes, Patrick Poivre d’Arvor se dit scandalisé et décide lui aussi de saisir la justice. Il porte plainte le 26 avril 2022 pour diffamation calomnieuse envers 16 femmes qui l’accusent d’être un violeur et un agresseur sexuel. Une plainte considérée par ses accusatrices comme un moyen de les décourager d’aller jusqu’au procès.

Hélène Devynck, une des accusatrices (dont la plainte a été classée sans suite pour prescription) a décrit à l’AFP cet acte de l’ancien présentateur comme une « procédure bâillon ». Selon elle, cette plainte est un moyen  de faire « des victimes les coupables ». Des propos réitérés sur Twitter.

Actuellement, ce sont pas moins de 26 témoignages et 17 plaintes qui ont été portés à l’encontre de l’ancien présentateur vedette. Un chiffre qui pourrait bien évoluer, au vu de la rapidité à laquelle tombent les nouvelles informations.

En attente de plus d’éléments, Patrick Poivre d’Arvor est pour le moment présumé innocent, même si de plus en plus de reportages qui l’accusent sortent peu à peu, comme le dernier en date, celui de Complément d’Enquête, venant là encore étayer les nombreuses accusations… Mais avec les procès qui s’annoncent, la vérité ne devrait pas tarder à éclater. 

 

Sources :

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