Camille Flammarion, frère d’Ernest Flammarion, créateur de la célèbre maison d’édition aux couvertures beige épurées, a connu une aventure des plus surprenantes.
Nous sommes en 1880. Camille Flammarion est convié à un diner mondain chez le comte de Saint-Ange. Sa femme, la comtesse de Saint-Ange, est à l’origine de cette invitation. Férue d’astronomie, elle veut en effet faire connaissance avec cet homme, reconnu pour ses écrits à ce sujet.
Flammarion charmeur
Cette entrevue a lieu pendant la période estivale Les deux passionnés observent les étoiles. Camille, qui aimait les femmes autant que le ciel qu’il étudiait, tombe sous le charme de la jeune comtesse. Lors du repas, l’astronome charmeur ne peut pas s’empêcher de complimenter son hôte. Il lui aurait dit au creux de l’oreille qu’elle avait « un dégagé de dos absolument superbe », que sa robe laissait entrevoir. La comtesse et lui ont-ils eu une liaison ? L’histoire ne le dit pas. Ce que l’on sait en revanche, c’est la réponse de la comtesse à cette remarque. Mystérieuse, elle lui dit « Je vous donnerai, plus tard, une chose que vous ne pourrez pas ne pas accepter sans me faire offense. »
Une surprenante lettre
Un matin, une lettre arrive au domicile de Camille Flammarion. Sa femme, Sylvie Pétiaux-Hugo, la réceptionne. On ne sait pour quelle raison, mais elle ne l’ouvre pas. À son retour, Camille retire la ficelle et ouvre l’enveloppe. À l’intérieur se trouve un morceau de peau humaine.
Jointe à cette macabre découverte, Flammarion trouve une lettre encadrée d’un liseré de deuil. Deux versions circulent cependant à propos de cette lettre. La première raconte que c’est le médecin de la comtesse qui en est l’auteur. Il y aurait transposé les derniers vœux de sa patiente, à savoir le fait de faire parvenir à l’astronome la peau de ses épaules pour qu’il s’en serve pour la reliure de son prochain livre. La deuxième attribue, quant à elle, cette lettre à la comtesse elle-même. Elle y aurait alors inscrit ces mots : « Vous m’avez dit un jour que mon dos vous plaisait. En voici la peau. »
La comtesse, atteinte de tuberculose, se savait condamnée et a donc souhaité faire ce cadeau, un peu particulier, à celui qu’elle admirait.
Un objet atypique
Flammarion, surpris par cet envoi, hésite d’abord à accepter l’entreprise. Il envoie finalement la peau à un tanneur qui lui renvoie travaillée. Il la décrit comme « blanche, d’un grain superbe, inaltérable ». Le livre qui accueille cette reliure si particulière est Terres du Ciel, un essai sur l’astronomie. Peinte en rouge, la tranche est parsemée d’étoiles d’or, « pour rappeler les nuits scintillantes de mon séjour dans le Jura », dit Flammarion. En lettres d’or, une référence à cette histoire : « Souvenir d’une morte »
La peau servit ainsi à réaliser la reliure de deux exemplaires. Flammarion a gardé l’un d’eux toute sa vie dans sa bibliothèque personnelle. Aujourd’hui, il se trouve à la société astronomique de France.
Cette pratique surprenante qui consiste à relier des livres avec de la peau humaine a un nom : la bibliopégie anthropodermique. Si, aujourd’hui, cela paraît inimaginable, il n’en était pas de même il y a quelques centaines d’années. Flammarion n’est d’ailleurs pas le seul à l’avoir utilisée. En 2020, une œuvre de Sade reliée avec de la peau humaine a ainsi été vendue aux enchères. Une vente qui a suscité de nombreuses interrogations éthiques.
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